Il est temps que je donne mon humble avis, en tant que tchadien, sur le sujet qui préoccupe depuis plusieurs mois, voire plusieurs années Monsieur Hassane Mayo Abakaka, Ministre Conseiller hors classe, des Affaires étrangères : "diplomatie d'humiliation et d'exil". Dans la troisième et dernière partie de sa dissertation, le monsieur tente sans convaincre, qu'il ne s'en prend ni à la personne, ni à la peau, ni à la nationalité de Monsieur Alla-mi. Et pourtant tout le texte prouve clairement qu'il en veut amèrement, non seulement à la tête de Allam-mi, mais à son identité "peu crédible, non conforme aux réalités nationales". Qu'il en veuille à la tête de Allam-mi, cela ne me dérange pas. Les deux hommes peuvent ne pas s'accorder sur certains sujets. C'est dans la nature humaine. C'est leur problème. Mais quand il s'en prend à ses origines pour expliquer ses carences, si carence il y a, je ne peux m'empêcher de réagir, surtout quand je lis son dernier paragraphe, véritable réquisitoire contre Allami-mi et de ses origines étrangères "douteuses". Nous n'avons rien à faire avec la supposée incompétence ou tribalisme de Allam-mi. Il faut que Monsieur Mayo Abakaka le sache : nous n'avons pas de solution à ce problème tel que posé. Et puis, il ne nous apprend presque rien.
« ... Si le Tchad n'est pas plongé dans le désordre politique actuel, ‘‘des personnes n'ayant pas d'attache sérieuse'' (…) ne seront pas à la tête de notre diplomatie ... »
Que fait Hassane MAYO ABAKAKA aux côtés de Ahmad Allam-mi quand il constate que rien ne va plus au Ministère des Affaires étrangères ? Logiquement, il devrait remettre sa démission au ministre avec ampliation au Président de la République, en expliquant clairement les raisons de sa démission. A partir de là, Idriss Déby tranchera entre limoger Ahmad Allam-mi s'il est vraiment incompétent, ou le confirmer à son poste dans le cas contraire. Jusque-là, si Déby garde Allam-mi à la tête de ce département, c'est qu'il estime que Allam-mi fait bien son affaire. Et puis, le mal doit être attaqué dans sa racine. Monsieur Mayo Abakaka lui-même affirme que "la diplomatie tchadienne reflète l'image du pays dans sa mauvaise gouvernance". Cette mauvaise gouvernance est l'oeuvre d'Idriss Déby Itno, Président de la République du Tchad. Donc, c'est Idriss Déby Itno qu'il faut combattre et non Ahmad Allam-mi qui n'est qu'un pauvre type qui tente de tirer son épingle de ce système maffieux instauré par Idriss Déby Itno depuis 1990. C'est Déby qui doit être la principale cible. Et il y a plusieurs manières de l'atteindre. Il y a tout d'abord l'opposition politique civile, sinon, l'autre alternative est l'opposition politico-militaire pour laquelle bon nombre de Tchadiens ont opté. Je lance ici un appel vibrant à Monsieur Hassane Mayo Abakaka : il a l'obligation d'être tranchant dans ses démarches, et de nous faire grâce de notre temps en ne nous soumettant pas n'importe quoi à la lecture. Il a annoncé que c'est la troisième et dernière partie de son réquisitoire contre Allam-mi. Tant mieux pour nous. Sans être dans le secret de Dieu, je peux me permettre d'affirmer que les Tchadiens, dans leur immense majorité sont convaincus que le rayonnement de notre pays tant à l'intérieur que sur le plan de la diplomatie extérieure, passe nécessairement par le départ de Déby du pouvoir. Il ne sert donc strictement à rien de nous rabâcher sans cesse que Ahmad Allami-mi est un mauvais Ministre des Relations extérieures.
Lyadish Ahmed m'a marché sur la langue. Il a déjà dit tout ce que je voulais dire. Merci Lyadish Ahmed pour ce rappel à l'ordre. Cela dit, je partage presque entièrement l'analyse pertinente de ce compatriote sur cette question de "Vrais" ou de "Faux" ou de "Pas assez Tchadien". Pour ma part, Ahmad Allam-mi est bel et bien Tchadien, avec des attaches sérieuses avec son pays, le Tchad. Il peut se porter candidat à la magistrature suprême un jour, et je peux éventuellement voter pour lui si je me retrouve parfaitement dans son programme politique et si j'estime qu'il est honnête et qu'il tiendra ses promesses électorales. Je ne regarderai ni sa peau, ni les origines de ses ancêtres qui n'ont rien à voir avec sa capacité ou non à diriger le Tchad.
Le seul point que je ne partage pas avec Lyadish Ahmed, c'est quand il approuve la disposition constitutionnelle tendant à restreindre les conditions de l'éligibilité de certains Tchadiens. Je veux parler de la question de la double nationalité. Notre compatriote écrit à cet effet : "L'on ne peut pas être naturalisé Français ou Canadien et ensuite venir prétendre diriger le Tchad. Déjà dans le domaine du sport en général et du football international en particulier, un joueur ayant participé à une compétition internationale sous les couleurs d'un pays ne peut plus faire partie de l'équipe nationale d'un autre pays. A fortiori, diriger un pays doit exclure la double nationalité".
Lyadish Ahmed peut-il répondre aux interrogations suivantes : quand une maison brûle, doit-on regarder les origines de ceux qui apportent volontairement de l'eau pour l'extinction du feu, à fortiori si les volontaires sont les habitants de la maison ? Que demande le peuple ? N'est-ce pas la paix sociale ? La bonne gouvernance ? La construction de routes, d'hôpitaux, d'écoles, collèges et lycées, de logements dignes ? La bonne gestion des revenus de l'Etat ? Le paiement régulier des salaires ? L'élévation du niveau de vie ? En quoi la double nationalité est un handicap pour satisfaire à ces besoins élémentaires dont le peuple tchadien rêve en vain ? D'autant plus que nous avons de nombreux exemples en Afrique et ailleurs : Houphouet Boigny a été député à l'Assemblée nationale française en tant que citoyen Français. Il n'a certainement pas renoncé à sa nationalité française jusqu'à sa mort. Il a construit la Côte d'Ivoire. Léopold Sédar Senghor est Sénégalo-Français. Jean Bedel Bokassa avait la double nationalité française et centrafricaine. L'actuel président du Sénégal, Abdoulaye Wade a la double nationalité française et sénégalaise. Chez ces différentes personnalités, quels sont les éléments négatifs qui ont influencé la politique dans leur pays et qui sont en relation directe avec leur double nationalité ? Koffi Gnamgname est Franco-Togolais. Il a été ministre de Mitterrand. Il voulait se porter candidat aux élections présidentielles au Togo après la mort de Eyadéma. Il peut aussi se porter candidat aux élections présidentielles en France. Il n'y a pas dans la Constitution française un article qui l'en empêchera. Nicolas Sarkozy pouvait bien avoir sa nationalité hongroise. Ceci ne l'empêcherait pas de passer devant Jean-Marie Le Pen qui a brandi pendant la campagne électorale, les origines étrangères de Sarkozy pour tenter de lui barrer la route. Quand les arguments manquent, on les cherche du côté des origines.
Pourquoi Sarkozy bien qu "étranger" a-t-il été élu ? Tout simplement parce que la majorité des Français s'est retrouvée dans son programme de campagne. Quand le doigt montre la lune, les imbéciles regardent le bout du doigt. Cet adage populaire peut s'appliquer à cette situation. Au lieu de regarder le programme politique d'un candidat, on regarde ses origines. Si partout dans le monde, les électeurs ont tendance à voter le candidat de leur terroir, au Tchad, c'est encore plus manifeste. Imaginons cet improbable scénario, jamais réalisé heureusement : nous sommes en 1980. Hissein Habré et Kamougué, sont les deux candidats retenus au deuxième tour des élections au Tchad. Sans tenir compte de leur programme respectif, Hissein Habré aura l'écrasante majorité au nord et Kamougué l'écrasante majorité au sud. Ainsi donc, pour moi, le problème de la double nationalité est un faux problème. Tout Tchadien, pourvu qu'il soit porteur d'un projet de société viable pour ses compatriotes, peut briguer la présidence, même s'il a une quadruple nationalité. L'expérience que nous avons eu avec les différents présidents qui se sont succédé à la tête du Tchad, nous montre à suffisance qu'on peut être Tchadien, sans se prévaloir d'aucune autre nationalité, et être véritable ennemi du peuple. Citons seulement l'exemple d'Hissein Habré qui est Tchadien de père et de mère et qui ne s'est pas prévalu d'une autre nationalité. Il a laissé un triste et amer souvenir au Tchad. Il a dressé les Tchadiens les uns contre les autres. C'est lui qui a allumé le feu entre le Nord et le Sud. Il a pillé le Tchad avec différentes astuces : opération or, effort de guerre, cotisation à l'Unir, contribution à l'effort de réhabilitation du BET, demi-salaire, etc etc. Enfin et surtout, il a assassiné des milliers de ses compatriotes pendant ses huit ans de règne avant de se réfugier à Dakar. Hissein Habré, après son accession au pouvoir, s'est retourné contre tous les Tchadiens sans distinction, à commencer par ceux qui l'ont porté au pouvoir. Il est aujourd'hui poursuivi par ses propres compatriotes pour crime contre l'humanité et actes de barbarie. Peut-on dire que Ahmad Alla-mi qui est le fruit d'un métissage multiple ne fera pas mieux que Habré ? Peut-on donc dire que tout autre Tchadien avec une double nationalité ne fera pas mieux que Habré ? Non ! Halte à l'absurdité !
Quant à Tombalbaye, il a lâchement éliminé Gabriel Lisette, certainement parce que ce dernier était considéré comme "pas tout à fait Tchadien" de part ses origines antillaises. Si Lisette, était devenu Président de la République, (il en avait la possibilité), Tombalbaye l'aurait combattu en brandissant ses origines étrangères. Peu importerait les réalisations positives de Lisette. A un cran au-dessus, il ne reste plus qu'à retirer le droit de vote aux détenteurs de la double nationalité. Logiquement parlant, tout électeur devrait être éligible, pourvu qu'il soit honnête et porteur d'un projet de société viable pour le pays. Accorder le droit de vote aux détenteurs de la double nationalité tout en leur interdisant le droit de se porter candidat à la présidence est une absurdité absolue ! La double nationalité, comme Lyadish Ahmed l'a démontré, peut s'acquérir de plusieurs façons. Citons le cas d'un enfant de père Tchadien et de mère Française qui acquiert dès la naissance, sans le demander, la double nationalité. S'il vit au Tchad, s'il connaît bien la société tchadienne avec son calvaire quotidien, de quel droit l'empêchera-t-on de proposer des solutions aux problèmes de son pays ? On doit le laisser se présenter, et au peuple tchadien de se prononcer par rapport à son projet. Il n'appartient pas un groupe d'individus, qu'ils soient juristes, de se réunir dans une petite salle exiguë pour fixer au peuple tchadien les conditions d'éligibilité qui frisent le ridicule. Évitons d'ouvrir de cette manière la boîte de Pandore ! Nous ne partageons pas les frontières avec la Côte d'Ivoire, mais on dirait que le syndrome ivoirien nous guette. Les Ivoiriens se sont plantés en procédant de cette manière. On a là des leçons à tirer. Et puis, on a tout à gagner avec ceux qui ont la double nationalité, mais rien à perdre avec eux. Lorsque les Tchadiens auront éliminé tous les "étrangers", ils se retourneront les uns contre les autres en se disant : "Celui-ci est de telle région, donc il ne peut diriger le Tchad". Après Idriss Déby Itno, d'aucun diront certainement : "les nordistes ont assez dirigé. Place maintenant aux sudistes". Entre sudistes, on se dira : "Jusque-là, aucun ressortissant du Mayo-Kébi n'a jamais dirigé le Tchad. C'est leur tour". On dira également que tel département ministériel doit être confié aux Nordistes parce que jusque-là ce sont toujours les Sudistes qui l'ont occupé. Avec de tels raisonnements, on ne s'en sortira jamais. Exclure une candidature pour défaut de double nationalité, c'est presque du Jean-Marie Le Pen.
La comparaison avec le football qu'évoque Lyadish Ahmed est inopportune à mon avis, car cette disposition sportive a, entre autres buts, de limiter les abus. Des pays riches peuvent en effet, s'acheter facilement les services d'un bon très bon joueur évoluant dans une équipe nationale étrangère en lui octroyant gracieusement la nationalité à des fins sportives, ou encore en lui proposant plus d'argent s'il a déjà la double nationalité. Ceci fausserait évidemment l'esprit de compétition sportive. D'ailleurs, la FIFA a révisé récemment cette règle au profit des jeunes sportifs et des sélections nationales. Désormais, les détenteurs de double nationalité peuvent changer de maillot national s'ils n'ont jamais disputé de match international avec l'équipe A. S'ils ont joué seulement en équipe A', ils peuvent toujours changer de maillot national.
Par ailleurs, l'âge de l'éligibilité fixé à 35 ans au Tchad est encore une autre absurdité absolue qui ne dit pas son nom. Je citerai Corneille tout simplement en disant, qu'aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre d'années. Rappelons que la Syrie avait fixé une limite d'âge pour accéder au pouvoir suprême. Mais à la mort du président Hafez el-Assad, le parlement syrien a amendé la constitution, pour abaisser l'âge minimum du candidat à la fonction présidentielle. L'âge passe de 40 à 34 ans, ce qui permet au fils Bachar el-Assad de succéder à son père sans coup férir. Tiens ! On dirait qu'on est en Afrique ! Décidément, le ridicule ne tue pas. Et puis, a-t-on fixé un âge maximal pour les exercer les fonctions présidentielles au Tchad ? Si cela n'a pas été fait, il faut le faire parce que plus l'individu avance en âge, plus il devient capricieux, moins il accepte le débat et plus il risque de planter tout le pays. Les risques de démence sont aussi très présents quand l'âge avance.
Tout est relatif, c'est le seul principe absolu. Nos hommes de Droit doivent fournir l'effort nécessaire pour nous présenter une Constitution digne de ce nom. Ils ne doivent pas tolérer sa modification par le président en exercice, comme Déby l'a fait. Il nous faut une Constitution qui nous épargne des critères très discutables voire absurdes, qui limitent nos choix quant aux hommes qui doivent nous diriger. Les hommes providentiels se font de plus en plus rares au Tchad. Alors pourquoi limiter nos choix ?
BELEMGOTO Macaoura
contact : [email protected]
« ... Si le Tchad n'est pas plongé dans le désordre politique actuel, ‘‘des personnes n'ayant pas d'attache sérieuse'' (…) ne seront pas à la tête de notre diplomatie ... »
Que fait Hassane MAYO ABAKAKA aux côtés de Ahmad Allam-mi quand il constate que rien ne va plus au Ministère des Affaires étrangères ? Logiquement, il devrait remettre sa démission au ministre avec ampliation au Président de la République, en expliquant clairement les raisons de sa démission. A partir de là, Idriss Déby tranchera entre limoger Ahmad Allam-mi s'il est vraiment incompétent, ou le confirmer à son poste dans le cas contraire. Jusque-là, si Déby garde Allam-mi à la tête de ce département, c'est qu'il estime que Allam-mi fait bien son affaire. Et puis, le mal doit être attaqué dans sa racine. Monsieur Mayo Abakaka lui-même affirme que "la diplomatie tchadienne reflète l'image du pays dans sa mauvaise gouvernance". Cette mauvaise gouvernance est l'oeuvre d'Idriss Déby Itno, Président de la République du Tchad. Donc, c'est Idriss Déby Itno qu'il faut combattre et non Ahmad Allam-mi qui n'est qu'un pauvre type qui tente de tirer son épingle de ce système maffieux instauré par Idriss Déby Itno depuis 1990. C'est Déby qui doit être la principale cible. Et il y a plusieurs manières de l'atteindre. Il y a tout d'abord l'opposition politique civile, sinon, l'autre alternative est l'opposition politico-militaire pour laquelle bon nombre de Tchadiens ont opté. Je lance ici un appel vibrant à Monsieur Hassane Mayo Abakaka : il a l'obligation d'être tranchant dans ses démarches, et de nous faire grâce de notre temps en ne nous soumettant pas n'importe quoi à la lecture. Il a annoncé que c'est la troisième et dernière partie de son réquisitoire contre Allam-mi. Tant mieux pour nous. Sans être dans le secret de Dieu, je peux me permettre d'affirmer que les Tchadiens, dans leur immense majorité sont convaincus que le rayonnement de notre pays tant à l'intérieur que sur le plan de la diplomatie extérieure, passe nécessairement par le départ de Déby du pouvoir. Il ne sert donc strictement à rien de nous rabâcher sans cesse que Ahmad Allami-mi est un mauvais Ministre des Relations extérieures.
Lyadish Ahmed m'a marché sur la langue. Il a déjà dit tout ce que je voulais dire. Merci Lyadish Ahmed pour ce rappel à l'ordre. Cela dit, je partage presque entièrement l'analyse pertinente de ce compatriote sur cette question de "Vrais" ou de "Faux" ou de "Pas assez Tchadien". Pour ma part, Ahmad Allam-mi est bel et bien Tchadien, avec des attaches sérieuses avec son pays, le Tchad. Il peut se porter candidat à la magistrature suprême un jour, et je peux éventuellement voter pour lui si je me retrouve parfaitement dans son programme politique et si j'estime qu'il est honnête et qu'il tiendra ses promesses électorales. Je ne regarderai ni sa peau, ni les origines de ses ancêtres qui n'ont rien à voir avec sa capacité ou non à diriger le Tchad.
Le seul point que je ne partage pas avec Lyadish Ahmed, c'est quand il approuve la disposition constitutionnelle tendant à restreindre les conditions de l'éligibilité de certains Tchadiens. Je veux parler de la question de la double nationalité. Notre compatriote écrit à cet effet : "L'on ne peut pas être naturalisé Français ou Canadien et ensuite venir prétendre diriger le Tchad. Déjà dans le domaine du sport en général et du football international en particulier, un joueur ayant participé à une compétition internationale sous les couleurs d'un pays ne peut plus faire partie de l'équipe nationale d'un autre pays. A fortiori, diriger un pays doit exclure la double nationalité".
Lyadish Ahmed peut-il répondre aux interrogations suivantes : quand une maison brûle, doit-on regarder les origines de ceux qui apportent volontairement de l'eau pour l'extinction du feu, à fortiori si les volontaires sont les habitants de la maison ? Que demande le peuple ? N'est-ce pas la paix sociale ? La bonne gouvernance ? La construction de routes, d'hôpitaux, d'écoles, collèges et lycées, de logements dignes ? La bonne gestion des revenus de l'Etat ? Le paiement régulier des salaires ? L'élévation du niveau de vie ? En quoi la double nationalité est un handicap pour satisfaire à ces besoins élémentaires dont le peuple tchadien rêve en vain ? D'autant plus que nous avons de nombreux exemples en Afrique et ailleurs : Houphouet Boigny a été député à l'Assemblée nationale française en tant que citoyen Français. Il n'a certainement pas renoncé à sa nationalité française jusqu'à sa mort. Il a construit la Côte d'Ivoire. Léopold Sédar Senghor est Sénégalo-Français. Jean Bedel Bokassa avait la double nationalité française et centrafricaine. L'actuel président du Sénégal, Abdoulaye Wade a la double nationalité française et sénégalaise. Chez ces différentes personnalités, quels sont les éléments négatifs qui ont influencé la politique dans leur pays et qui sont en relation directe avec leur double nationalité ? Koffi Gnamgname est Franco-Togolais. Il a été ministre de Mitterrand. Il voulait se porter candidat aux élections présidentielles au Togo après la mort de Eyadéma. Il peut aussi se porter candidat aux élections présidentielles en France. Il n'y a pas dans la Constitution française un article qui l'en empêchera. Nicolas Sarkozy pouvait bien avoir sa nationalité hongroise. Ceci ne l'empêcherait pas de passer devant Jean-Marie Le Pen qui a brandi pendant la campagne électorale, les origines étrangères de Sarkozy pour tenter de lui barrer la route. Quand les arguments manquent, on les cherche du côté des origines.
Pourquoi Sarkozy bien qu "étranger" a-t-il été élu ? Tout simplement parce que la majorité des Français s'est retrouvée dans son programme de campagne. Quand le doigt montre la lune, les imbéciles regardent le bout du doigt. Cet adage populaire peut s'appliquer à cette situation. Au lieu de regarder le programme politique d'un candidat, on regarde ses origines. Si partout dans le monde, les électeurs ont tendance à voter le candidat de leur terroir, au Tchad, c'est encore plus manifeste. Imaginons cet improbable scénario, jamais réalisé heureusement : nous sommes en 1980. Hissein Habré et Kamougué, sont les deux candidats retenus au deuxième tour des élections au Tchad. Sans tenir compte de leur programme respectif, Hissein Habré aura l'écrasante majorité au nord et Kamougué l'écrasante majorité au sud. Ainsi donc, pour moi, le problème de la double nationalité est un faux problème. Tout Tchadien, pourvu qu'il soit porteur d'un projet de société viable pour ses compatriotes, peut briguer la présidence, même s'il a une quadruple nationalité. L'expérience que nous avons eu avec les différents présidents qui se sont succédé à la tête du Tchad, nous montre à suffisance qu'on peut être Tchadien, sans se prévaloir d'aucune autre nationalité, et être véritable ennemi du peuple. Citons seulement l'exemple d'Hissein Habré qui est Tchadien de père et de mère et qui ne s'est pas prévalu d'une autre nationalité. Il a laissé un triste et amer souvenir au Tchad. Il a dressé les Tchadiens les uns contre les autres. C'est lui qui a allumé le feu entre le Nord et le Sud. Il a pillé le Tchad avec différentes astuces : opération or, effort de guerre, cotisation à l'Unir, contribution à l'effort de réhabilitation du BET, demi-salaire, etc etc. Enfin et surtout, il a assassiné des milliers de ses compatriotes pendant ses huit ans de règne avant de se réfugier à Dakar. Hissein Habré, après son accession au pouvoir, s'est retourné contre tous les Tchadiens sans distinction, à commencer par ceux qui l'ont porté au pouvoir. Il est aujourd'hui poursuivi par ses propres compatriotes pour crime contre l'humanité et actes de barbarie. Peut-on dire que Ahmad Alla-mi qui est le fruit d'un métissage multiple ne fera pas mieux que Habré ? Peut-on donc dire que tout autre Tchadien avec une double nationalité ne fera pas mieux que Habré ? Non ! Halte à l'absurdité !
Quant à Tombalbaye, il a lâchement éliminé Gabriel Lisette, certainement parce que ce dernier était considéré comme "pas tout à fait Tchadien" de part ses origines antillaises. Si Lisette, était devenu Président de la République, (il en avait la possibilité), Tombalbaye l'aurait combattu en brandissant ses origines étrangères. Peu importerait les réalisations positives de Lisette. A un cran au-dessus, il ne reste plus qu'à retirer le droit de vote aux détenteurs de la double nationalité. Logiquement parlant, tout électeur devrait être éligible, pourvu qu'il soit honnête et porteur d'un projet de société viable pour le pays. Accorder le droit de vote aux détenteurs de la double nationalité tout en leur interdisant le droit de se porter candidat à la présidence est une absurdité absolue ! La double nationalité, comme Lyadish Ahmed l'a démontré, peut s'acquérir de plusieurs façons. Citons le cas d'un enfant de père Tchadien et de mère Française qui acquiert dès la naissance, sans le demander, la double nationalité. S'il vit au Tchad, s'il connaît bien la société tchadienne avec son calvaire quotidien, de quel droit l'empêchera-t-on de proposer des solutions aux problèmes de son pays ? On doit le laisser se présenter, et au peuple tchadien de se prononcer par rapport à son projet. Il n'appartient pas un groupe d'individus, qu'ils soient juristes, de se réunir dans une petite salle exiguë pour fixer au peuple tchadien les conditions d'éligibilité qui frisent le ridicule. Évitons d'ouvrir de cette manière la boîte de Pandore ! Nous ne partageons pas les frontières avec la Côte d'Ivoire, mais on dirait que le syndrome ivoirien nous guette. Les Ivoiriens se sont plantés en procédant de cette manière. On a là des leçons à tirer. Et puis, on a tout à gagner avec ceux qui ont la double nationalité, mais rien à perdre avec eux. Lorsque les Tchadiens auront éliminé tous les "étrangers", ils se retourneront les uns contre les autres en se disant : "Celui-ci est de telle région, donc il ne peut diriger le Tchad". Après Idriss Déby Itno, d'aucun diront certainement : "les nordistes ont assez dirigé. Place maintenant aux sudistes". Entre sudistes, on se dira : "Jusque-là, aucun ressortissant du Mayo-Kébi n'a jamais dirigé le Tchad. C'est leur tour". On dira également que tel département ministériel doit être confié aux Nordistes parce que jusque-là ce sont toujours les Sudistes qui l'ont occupé. Avec de tels raisonnements, on ne s'en sortira jamais. Exclure une candidature pour défaut de double nationalité, c'est presque du Jean-Marie Le Pen.
La comparaison avec le football qu'évoque Lyadish Ahmed est inopportune à mon avis, car cette disposition sportive a, entre autres buts, de limiter les abus. Des pays riches peuvent en effet, s'acheter facilement les services d'un bon très bon joueur évoluant dans une équipe nationale étrangère en lui octroyant gracieusement la nationalité à des fins sportives, ou encore en lui proposant plus d'argent s'il a déjà la double nationalité. Ceci fausserait évidemment l'esprit de compétition sportive. D'ailleurs, la FIFA a révisé récemment cette règle au profit des jeunes sportifs et des sélections nationales. Désormais, les détenteurs de double nationalité peuvent changer de maillot national s'ils n'ont jamais disputé de match international avec l'équipe A. S'ils ont joué seulement en équipe A', ils peuvent toujours changer de maillot national.
Par ailleurs, l'âge de l'éligibilité fixé à 35 ans au Tchad est encore une autre absurdité absolue qui ne dit pas son nom. Je citerai Corneille tout simplement en disant, qu'aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre d'années. Rappelons que la Syrie avait fixé une limite d'âge pour accéder au pouvoir suprême. Mais à la mort du président Hafez el-Assad, le parlement syrien a amendé la constitution, pour abaisser l'âge minimum du candidat à la fonction présidentielle. L'âge passe de 40 à 34 ans, ce qui permet au fils Bachar el-Assad de succéder à son père sans coup férir. Tiens ! On dirait qu'on est en Afrique ! Décidément, le ridicule ne tue pas. Et puis, a-t-on fixé un âge maximal pour les exercer les fonctions présidentielles au Tchad ? Si cela n'a pas été fait, il faut le faire parce que plus l'individu avance en âge, plus il devient capricieux, moins il accepte le débat et plus il risque de planter tout le pays. Les risques de démence sont aussi très présents quand l'âge avance.
Tout est relatif, c'est le seul principe absolu. Nos hommes de Droit doivent fournir l'effort nécessaire pour nous présenter une Constitution digne de ce nom. Ils ne doivent pas tolérer sa modification par le président en exercice, comme Déby l'a fait. Il nous faut une Constitution qui nous épargne des critères très discutables voire absurdes, qui limitent nos choix quant aux hommes qui doivent nous diriger. Les hommes providentiels se font de plus en plus rares au Tchad. Alors pourquoi limiter nos choix ?
BELEMGOTO Macaoura
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