Mahamat-Ahmad Alhabo, candidat du Parti pour les libertés et le développement (PLD) aux présidentielles de 2016, et actuel coordinateur du Front de l’opposition nouvelle pour l’alternance et le changement (FONAC).
Alwihda Info. Pouvez-vous nous expliquer exactement ce qui vous est arrivé à l'aéroport ?
Mahamat-Ahmad Alhabo : Le lundi 10 avril, je rentrais d'une mission à l'étranger et quand je suis arrivé à l'aéroport international de N'Djamena, une équipe de presque une dizaine d'agents de l'ANS (Agence Nationale de la Sécurité) m'attendais. Quand j'ai terminé mes formalités de police et retiré mes bagages qui ont été placés dans mon véhicule, je m'apprêtais à rentrer. Les agents de l'ANS qui ont encerclés m'a voiture dès que les portières de la voiture ont été ouvertes par mon chauffeur, se sont précipités pour ouvrir les portières, ont arrachés mes bagages, fuis en courant dans le salon d'honneur et ont traversés pour disparaitre sur la piste de l'aéroport de N'Djamena.
J'ai attendu plusieurs minutes, je ne les ai pas vu venir et j'ai décidé d'aller chercher mes affaires. Je ne peux pas accepter que des gens que je ne connais pas viennent et arrachent mes affaires. Quand je me dirigeai vers l'aérogare de l'aéroport de N'Djamena pour chercher ces gens là, je les ai vu entrain de revenir avec mes affaires à la main. Donc je suis reparti dans le hall du salon d'honneur, quand ils sont arrivés, ils m'ont jetés les affaires et ils voulaient partir. J'ai dit non, vous ne pouvez pas partir, vous avez arrachés mes affaires, mes bagages, je ne sais pas qu'est ce que vous en avez fait, il faut qu'on ouvre les bagages, on contrôle ce qui manque et ce qui ne manque pas.
Ils ont refusé, certains d'entre eux sont partis, et d'autres sont restés, et j'ai toute suite ouvert mon sac à main, et constaté que mon ordinateur, mes deux tablettes, mes deux smartphones n'étaient pas là. Je leur ai dit, sans aller plus loin en profondeur, vous avez subtiliser mes affaires et je ne peux pas accepter qu'on n'établisse pas un procès verbal parce que je constate que vous êtes des éléments de la sécurité V.us ne pouvez pas vous comporter comme cela. Vous ne pouvez pas arracher mes affaires et les ramener sans qu'on établisse un PV.
Ils ont refusé, ils disent qu'ils n'établissent pas un PV. Ils sont repartis dans leur bureau, je les ai poursuivis dans leur bureau et j'ai exigé, soit qu'on dresse ensemble un PV, soit qu'ils remettent mes affaires. C'est à ce moment là que l'un d'eux, leur chef, me semble-t-il, a décliné son identité et m'a dit qu'eux, ils ne me connaissent pas, ni d'Adam, ni d'Eve, qu'ils ont reçus des instructions de leur haute hiérarchie et c'est pourquoi ils ont agit comme ça, qu'ils n'ont pas été mandatés pour dresser un PV des effets qu'ils auraient saisi.
Donc, si j'ai besoin de mes affaires, je n'ai qu'à me rendre demain matin à la direction générale de l'ANS pour les récupérer. Sur ces faits là, ils sont partis, donc je suis rentré sans mes affaires, et jusqu'aujourd'hui, rien ne m'a été rendu. Ils ont pris beaucoup de choses, des courriers, j'ai constaté après qu'il manquait de l'argent dans mes affaires.
Ce qui m'intéresse beaucoup plus, ce sont mes données personnelles qui se trouvent dans ces supports magnétiques. En agissant comme cela, l'ANS a violé la loi, la constitution notamment qui garantit le secret des communications des personnes et la sécurité aussi des biens des personnes, donc le droit à la vie privée a été violé.
J'ai été traité de façon dégradante et humiliante parce que je ne peux pas comprendre qu'un service de renseignement, s'il veut me contrôler, je suis un citoyen comme tout le monde, et la loi s'applique à moi, il pourrait tout simplement me présenter un mandat, un ordre de mission pour dire que je suis interpellé et que le contrôle doit se faire en ma présence, devant moi, il ne peut pas prendre mes affaires, aller se cacher quelque part, ramasser, voler mes affaires, et venir me restituer le reste. Donc voilà ce qui s'est passé et donc on va continuer à exiger que toutes mes affaires qui ont été ramassés me soient restituées.
Avez-vous entrepris des démarches pour entrer en possession de vos biens spoliés ?
Les agents de l'ANS, s'ils ont cherchés à me pister, ils ont su que j'était à l'étranger, ils ont su que je rentrait tel jour, à tel heure, par tel avion, donc ce sont des gens qui me connaissent très bien, ils connaissent ma maison, mes mouvements, je suis suivi chaque heure, tout ce que je fait est suivi, donc ils savent où est-ce que je me trouve. Moi, je ne suis pas aller chez eux pour qu'ils prennent mes affaires. Ils sont venus m'attendre à l'aéroport. Ils connaissent ma maison, ils connaissent tout, s'ils ont pris, ils n'ont qu'à me rendre mes affaires.
C'est pas dans la rue comme sa qu'on est venu m'attendre pour arracher mes affaires, c'est dans un lieu public, le salon d'honneur de l'aéroport international de l'aéroport de N'Djamena.
Comment expliquez-vous que cet incident vous arrive pour la première fois ? Soupçonnez-vous quelque chose, ou êtes-vous coupable d'un fait ?
Le chef de l'Agence de sécurité qui dirigeait cette opération m'a clairement dit qu'eux, ils ont reçu des instructions de leur haute hiérarchie. Vous savez très bien que l'ANS dépend de la Présidence, donc leur premier responsable c'est Idriss Déby. Ils ont reçu des ordres de Idriss Déby pour venir arracher mes affaires, je demande à Idriss Déby de me restituer mes affaires. C'est tout, moi je n'interprète pas ça autrement. L'ANS est un service qui dépende la Présidence de la République.
Quand l'agent de l'ANS dit qu'il a reçu des instructions de son plus grand chef, ça veut dire qu'il a reçu des instructions de la part de Déby.
Quelle est votre réaction par rapport à l'assassinat des prisonniers en voie de transfèrement, dans la nuit du 11 août entre Massaguet et Djermaya ?
Vous savez que le massacre par des éléments des forces de défense et de sécurité des citoyens innocents est devenu malheureusement au Tchad quelque chose de récurrent. Dans les autres pays, quand vous voyez un agent des forces de défense et de sécurité, vous, vous sentez protéger, malheureusement dans notre pays, les forces de défense et de sécurité, parfois, attirent ou engendrent la peur chez les personnes.
Ca c'est de façon générale. Il y a beaucoup de massacres qui se sont opérés dans le pays et à plusieurs reprises donc on va pas le répéter, tout le monde sait de quoi il s'agit. Dans le cas d'espèce, c'est personnes étaient des prisonniers. Un prisonnier, c'est un homme qui est désarmé et qui est sous l'autorité du gouvernement et de personnes qui sont chargées de gérer sa situation. Ces gens là n'étaient ni armés, plus grave, il étaient même menottés, parce que ils étaient deux à deux menottés.
En regardant et en examinant les faits de très près, il y a me semble qu'il y avait un plan de massacre auquel ont participé des responsables de très haut niveau, à plusieurs étapes. Le fait que ces prisonniers qui ont été massacrés ont été tous habillés en tenue militaire, c'est pour que les gens les identifient des autres.
Quand un militaire commet un crime ou qu'il est présumé coupable, il est présenté devant la justice mais il ne porte pas de tenue militaire. Il n'est pas en service commandé . Pourquoi au moment de leur transfèrement, on les a habillé en tenue militaire. Qui les a habillés en tenue militaire pour qu'on les identifient ? Ca, il faut aller chercher au niveau de la maison d'arrêt.
Deuxièmement, selon les informations qui ont été données, l'heure du départ de ces prisonniers a été changé, le ministre de la justice a donné une heure, et celui qui est responsable de ce convoyage est parti plus tôt que prévu. Pourquoi il a fait cela ? Qui est cette personne qui a donné l'ordre du départ avant l'heure fixé par le garde des sceaux, ministre de la justice ?
Troisièmement, les militaires qui convoyaient ces prisonniers n'étaient pas tous armés, une bonne partie d'eux n'avaient pas d'armes. Comment on convoi des militaires soupçonnés d'avoir commis des crimes, donc des prisonniers dangereux, et qui sont transférés de N'Djamena vers Koro Toro par des éléments non armés ? Qui a désarmé ces militaires là ou ces gendarmes ?
Il y a beaucoup de questionnement, ce qui veut dire qu'il y a une chaine de complicité à un très haut niveau. Regardez les voitures qui ont fait l'opération, elles appartiennent à de très hauts responsables militaires. Voyez-vous comment les gens se sont comportés au Palais de Justice devant la Télévision, avec des turbans à la tête, ils ne sont pas menottés, ils souriaient, ils narguaient tout le monde.
Aujourd'hui on nous montre qu'au Tchad, il n'y a pas de loi ou bien, il y a une loi pour certains et pas de loi pour d'autres, donc nos lois sont à géométrie variable, selon la tête du client, tu a tué tel, tu a un traitement spécial, tu a tué tel, on te traite autrement. Dès l'instant où la loi ne s'applique pas à tous, voilà les dérives et ici, le gouvernement est entièrement responsable. Si nous sommes dans un pays normal, toutes les autorités qui sont à charge de ce dossier doivent démissionner. C'est une honte ce qui est arrivé là. C'est quelque chose de grave.
Dans d'autres pays véritablement démocratiques, même le Premier ministre doit démissionner. Le Président de la République doit avoir honte de ce qui se passe dans ce pays. Mais bon, ici, ni la honte, ni l'éthique, on ne la connait pas. Les gens trouvent tout ça normal qu'on massacre la population ou les hommes désarmés.
De manière impunie, les gens qui ont commis ce crime là, vont être pendant quelques temps arrêtés, un bon matin, on va monter un simulacre d'attaque, les sortir de leur prison et ils vont disparaitre dans la nature.
Quel est le contenu du mémorandum que le FONAC (Front de l'Opposition Nouvelle pour l'Alternance et le Changement) compte rendre public le 21 avril ?
Je ne peux pas vous parler du contenu tant qu'il n'est pas rendu public. Il faut que vous ayez la patience d'attendre qu'il soit officiellement diffusé, rendu public.
Pourquoi vous avez choisi la date du 21 avril qui coïncide avec la confirmation de l'élection du Président Déby par le conseil constitutionnel ? Quel message voulez-vous véhiculer ?
Nous voulions dire que Déby n'a pas été élu, il est arrivé en 4ème position à l'issu du premier tour de l'élection du 10 avril 2016, il est éliminé, il a recueilli à peine 10% des voix. Vous avez vu qu'il a opéré un coup d'Etat électoral parce que dès que l'annonce des résultats a été faite par la CENI, vous avez tous été témoins, les militaires se sont mis sur l'ensemble du pays à tirer avec des armes de divers calibres pendant toute la nuit pour faire peur aux gens, intimider la population.
Ceux qui sont à N'Djamena, quand on s'est réveillé le lendemain, on a vu que tous les carrefours et les grandes places de la ville étaient occupés par des militaires fortement armés. C'est une façon de dire à la population, bouger et vous allez voir.
En général, une démonstration de force comme ça, on ne le voit que quand il y a un coup d'Etat militaire. On occupe la radio, la Présidence, les positions stratégiques, on met les militaires dans tous les carrefours, pour que la population, les gens contre le coup d'Etat ne manifestent pas et quand la pilule est avalé, maintenant ils se retirent. C'est exactement cela, comme ça qu'on a fait quand on a donné les résultats, le 21.
Pour nous, c'est pour dire que c'est un jour de deuil pour le peuple tchadien parce que on a volé son suffrage librement exprimé. Ce qui a été diffusé ne correspond en rien à la réalité du vote. Les gens ont voté le 10 mais le coup d'Etat électoral a été annoncé le 21.
La candidate du Front National (FN) à l'élection présidentielle française, Marine Le Pen, a récemment été accueillie au Tchad. L'auriez-vous reçue, si vous étiez Président de la République ?
Vous savez que Marine Le Pen c'est la fille de son père, c'est un parti en France qui est considéré comme un parti xénophobe, c'est un parti raciste, qui dit clairement qu'il ne veut pas que les étrangers viennent en France, restent en France, vivent en France. Mais qu'est ce que le chef d'un tel parti vient faire chez nous ? S'il elle n'aime pas les étrangers en France, elle n'a qu'a rester chez elle cette dame là. Qu'est-ce-qu'elle vient faire au Tchad ? Elle n'a rien à foutre ici, le Tchad, ce n'est pas l'endroit où l'on vient essuyer ses chaussures, sa saleté, sa haine contre les autres, contre les étrangers. Les tchadiens qui vivent en France vont être victimes de Madame Le Pen. Leurs enfants seront un jour chassés, renvoyés par madame le Pen si elle arrive au pouvoir et c'est une femme comme ça, un parti comme ça, que le Président du Tchad accueille. Elle a été accueilli par quel Président dans le monde ? Personne. Aucun Président. Elle est partie dans d'autres pays, elle a été rencontrer telle ou telle personnalité mais elle n'a rencontré aucun Président. Est-ce qu'en accueillant Madame Le Pen, Idriss Déby veut nous montrer qu'il accepte ou qu'il partage avec elle sa philosophie, c'est-à-dire la haine des autres, la xénophobie, et tout cela, cette philosophie du front national, le MPS et le FN sont d'accord avec tout cela.
On regrette énormément que notre pays ait donné un tel spectacle au monde entier, aucun autre Président ne s'est livré à cet exercice là qui de notre point de vue, ne semble pas être digne.
Ne craignez-vous pas qu'avec une éventuelle arrivée au pouvoir du Front National, qui semble partager la même vision qu'Idriss Déby, notamment sur le terrorisme, puisse créer et renforcer une alliance stratégique entre le Tchad et la France ?
Le terrorisme, ce n'est pas l'affaire de Madame Le Pen, c'est l'affaire de tous les gens qui sont contre la violence Vous savez que les membres de l'organisation de son père ont attrapés des immigrés qui vivaient en France et les ont jetés dans la Seine, ils sont morts. On peut dire que le FN, les militants du FN sont eux mêmes des terroristes parce qu'ils ont tués des gens qui ne savent pas nager, on les a attraper, on les a jeter dans la seine et ils sont morts dont le terrorisme je ne pense pas que ce soit le dada de Madame Le Pen.
Monsieur Déby n'est pas le chantre de la lutte contre le terrorisme, c'est pas vrai. La France, à la demande du Mali, a voulu intervenir contre les djihadistes qui voulaient prendre Bamako, et les militaires français qui sont les proches amis du Président Déby, ont conseillé au président Hollande d'amener des militaires tchadiens pour servir de chair à canon et de soutien aux éléments de l'armée française pour qu'ils ne soient pas massacrés par les djihadistes. Donc, le Président Déby a accepté d'envoyer les tchadiens pour protéger les militaires français, ce n'est pas pour lutter contre le djiahdisme. Le djihadisme, il est ici, il n'est pas au Mali. Quand ça a commencé, pourquoi il n'est pas allé au Lac Tchad, au Nigeria faire le combat contre les djihadites ? Il est allé au Mali. C'est à la demande, aux instructions, aux ordres de la France, des militaires français.
Il est parti servir une cause. Il traine beaucoup de casseroles, il a massacré des gens, enlevé, fait disparaitre, il était mis au banc des accusés sur le plan internationale et donc en retour, il a sauté sur l'occasion pour aller amener les enfants, les militaires tchadiens, mourir sur la scène malienne et apparaitre comme un héros.
Je pense qu'il faut situer les choses dans leur contexte. Tu vient, tu protège des militaire français pour qu'ils ne soient pas massacrés, pour que les militaires tchadiens servent de chair à canon. En retour, vous savez qu'il a demandé à plusieurs reprises à aller en France et ça été refusé. Les français ont refusé de rencontrer le Président Déby. Au début, Hollande ne voulait même pas le saluer quand ils se rencontraient dans les conférences internationales. Il l'évitait au maximum. L'affaire du Mali pour Déby c'était du pain béni. Il a sauter dessus et l'étau qui était serré sur lui, s'est desserré. C'est comme ça qu'il faut interpréter les choses, il faut rétablir la vérité.
Depuis quelques temps, tout est aux arrêts sur le plan économique. Des secteurs comme la santé marchent à peine. Qu'est-ce qui explique toute cette morosité ?
C'est la gestion catastrophique de notre pays par le pouvoir MPS, par le Président Déby. C'est eux qui ont mis le Tchad dans la situation que nous vivons aujourd'hui, dans la banqueroute totale. Le Tchad a eu des ressources énormes, beaucoup, beaucoup d'argent. Cet argent là est parti où ? Si vous regardez les Panama Papers, dans les paradis fiscaux, il y a 10,76 milliards de dollars au nom du Tchad. Qui a amené cet argent pour le cacher dans les paradis fiscaux ? C'est au nom de qui ? Pourquoi le gouvernement n'en parle pas ? Il faut absolument que cette question soit clarifié. Quand les députés de l'opposition ont déposé une motion de censure pour interpeller le gouvernement pour qu'il vienne s'expliquer devant l'assemblée nationale, pour que tout soit su par le peuple tchadien, le gouvernement a refusé, parce qu'il a des choses à cacher. Si sa gestion était transparente, très claire, il serait venu à l'assemblée pour répondre aux questions.
Ils ont fait des choses qui sont très mauvaises et ils ont honte d'en parler, d'en discuter publiquement. On ne nous dit pas, qu'est-ce qui a été fait avec notre argent. L'argent appartient au peuple tchadien, ça n'appartient pas au MPS, ça n'appartient pas à Idriss Déby. C'est l'argent des tchadiens, où est parti cet argent ?
Vous savez que quand le Tchad a préparé le projet pétrolier, le cout du baril était de 13 dollars et après, le cout du baril est monté à 130/140 dollars, plus de dix fois le prix initial du dollars. Le consortium Exon Mobill et les autres qui exploitent le dossier ont prévu de se rembourser leur investissement en 25 ans, en moins de 10 ans ils se sont remboursés leur investissement. Ce qui veut dire qu'en retour aussi, le Tchad a reçu des sommes colossales. Tout cela, aujourd'hui, ont me dit que ça a disparu, mais le premier responsable de cette mauvaise gestion, de cette gestion calamiteuse, catastrophique, banqueroute qui est arrivé au Tchad, c'est Idriss Déby, il n'y en a pas deux.
C'est le seul responsable, il est le seul. Si quelqu'un doit s'expliquer, c'est à lui de s'expliquer et de dire aux tchadiens qu'est ce qu'il a fait de l'argent du Tchad, il l'a amené où, caché où. Il faut qu'il dise ça aux tchadiens.
Le renforcement de la présence militaire et policière ne passe pas inaperçu. S'agit-il d'éviter une éventuelle explosion sociale ou d'assurer la sécurité des biens et des personnes ?
Le Tchad a connu la guerre civile, entre 1979 et 1982. Après, une dictature implacable qui a causé la mort de plus de 40.000 personnes par un pouvoir de 1982 jusqu'à 1990, l'un des piliers de ce régime là était aussi Idriss Déby. En 1993, tous les tchadiens se sont retrouvés à la conférence nationale souveraine, ils se sont entendus pour bâtir un Etat de liberté, de démocratie.
Nous avons tous adoptés, en 1996, par référendum, une constitution qui a pour mission de construire au Tchad un Etat démocratique. Dès que la conférence souveraine fut terminé, pour Idriss Déby, reconduit par la conférence dans ses fonctions, son souci majeur était de détricoter la constitution. Après le premier mandat, quand il a entamé le second, il a tout fait pour modifier la limitation des mandats. Il s'est, dans son comportement, attaqué violemment aux forces de l'opposition.
Vous avez vu comment il a enlevé notre secrétaire général, Ibni Oumar Mahamat Saleh qui est porté disparu jusqu'aujourd'hui. Il y a une commission internationale d'enquête qui a été mise en place et qui a dans son rapport conclu de façon claire que les chaines de commandements n'étaient pas rompues. Le premier responsable de ces chaines de commandements, c'est Idriss Déby, c'est lui qui a fait arrêter et disparaitre Ibni.
Touts ça réuni, l'engagement que tous les tchadiens ont pris ensemble à la conférence nationale pour bâtir un Etat de liberté, de démocratie est entrain d'être cassé en tous les morceaux par le pouvoir du MPS et par la volonté personnelle de Idriss Déby.
Un à un, petit à petit, toutes les libertés sont entrain d'être remises en cause. Aujourd'hui, la loi sur les partis politiques dit qu'un parti, dès qu'il est librement constitué et reconnu par l'administration, a le droit d'exercer. Un parti de l'opposition, lui son travail c'est de s'opposer. Aujourd'hui, il est interdit de marcher, de faire des meetings, de se rassembler, tout est interdit.
Voyez-vous comment le responsable de la plateforme MECI a été intimidé ? Ceux de la société civile ? Aujourd'hui, Nadjo Kaina est en prison. Tout cela, ce sont les formes d'une dictature qui est entrain de se mettre petit à petit en place. Le pouvoir n'a plus d'arguments, il ne peut pas venir expliquer aux tchadiens le malheur qui est tombé sur leur tête, la misère qu'ils vivent. On a réduit le salaire des enseignants, on a coupé les bourses des étudiants, on ne paye pas les pensions des retraités; ils sont sortis manifestés il y a deux jours dans la rue. Malgré que la coopération française ait donné beaucoup d'argent pour payer leur retraite, cet argent aussi a disparu.
Le gouvernement ne paye pas cela, les hôpitaux sont devenus des mouroirs, l'école ne marche pas, les maitres communautaires ont presque trois ans d'impayés, donc c'est la catastrophe. Devant cette situation là, le MPS dit que personne n'a le droit de critiquer, de manifester, de dire ou de se poser des questions : "Pourquoi les choses sont ainsi ?". Dès que vous parlez, on vous envoi l'ANS qui vous enlève, il y a des gens qui ont été enlevés à l'église, comme le directeur de cabinet de Yorongar. Avec sa bible à la main, il sortait de l'église, on l'a attrapé. On pourchasse les syndicalistes, les responsables d'associations de droits de l'homme.
On veut bâillonner les gens. Ca nous rappelle étrangement la DDS, ou les autres polices politique dans le monde que nous avons connues. On connait des polices politiques très sinistres, et chez nous on a connu la DDS. Aujourd'hui, l'ANS qui a été créé dans le cadre des recommandations des résolutions de la conférence nationale souveraine, pour défendre les intérêts du Tchad sur le plan extérieur, on a détourné sa mission et on en a fait une police politique qui est entrain de rendre la vie difficile aux tchadiens.
Idriss Déby est entrain de vouloir construire au Tchad un régime dictatorial. Il appartient aux tchadiens d'accepter ou de ne pas accepter. Si les gens ne veulent pas qu'une dictature s'instaure dans notre pays, il ne reste pas milles solutions, il faut se mette debout et lutter contre ce régime et cette volonté du Président Déby.
La situation est très peu enviable. Que faire pour remettre le Tchad debout ?
Nous, on a dit que le MPS et Idriss Déby ont échoués complètement, sur tous les plans. Le Tchad n'a jamais eu autant de ressources financières que depuis 2003. Avec toutes ces ressources là, ils n'ont pas été capables de gérer et aujourd'hui, un des problèmes majeures de notre pays, c'est la pauvreté. La lutte contre la pauvreté, on va en guerre contre la pauvreté pour que les tchadiens vivent bien, mangent, aillent à l'école, quand ils sont malades, ils sont soignés, ils sont en sécurité, ont des routes pour voyager. C'est ça le développement, c'est ça lutte, que chaque tchadien mange à sa faim, ait une maison pour dormir, c'est ça la mission d'un gouvernement normal.
Sur ce plan, le pouvoir actuel et Déby ont complètement échoué, ils ont amenés le pays à la banqueroute, tout est arrêté. Que faut-il faire ? Quand un chef militaire va à la guerre, qu'il est battu, la logique voudrais qu'il démissionne. Les japonais qui sont très fiers, ils se font Hara-Kiri (suicide par éventration avec un couteau, ndlr). Quand un chef militaire japonais va au combat et qu'il est battu, il se fait Hara-Kiri.
On ne demande à personne au Tchad de se faire Hara-Kiri. Nous, à l'opposition, on a dit, très bien, la situation est celle-là. Ceux qui ont amené le Tchad dans cette situation difficile, eux ils sont incapables, incompétents, ils ne peuvent pas redresser le pays.
Demain, on aura d'autres ressources. On n'aura jamais des ressources aussi importantes que celles que nous avons eu. Si ce sont les mêmes personnes qui sont là, ils vont le dilapider, comme ils l'ont fait avec les ressources pétrolières. C'est pourquoi nous, on a dit que le problème du Tchad ne peut être résolu que par la discussion de l'ensemble des tchadiens, des forces vives nationales, et nous avons proposer au gouvernement de laisser, de mettre à côté sa fierté qui est insensé parce que, on est fier quand on a fait quelque chose de positif, mais quand on a échoué, on ne doit pas être fier de son échec.
Donc, de laisser à côté sa fierté et de réunir tous les tchadiens autour d'une table pour qu'on fasse le diagnostic de la situation réelle. Quelles sont les causes réelles qui ont conduit le Tchad à cette situation là ? Quelles sont les remèdes adéquates pour sortir le pays de la crise ? Cela ne peut être fait que dans le cadre d'un dialogue inclusif. Le pouvoir doit venir expliquer aux gens comment il a fait pour amener le pays dans le trou.
Le pouvoir, l'opposition, la société civile, les autres tchadiens qui s'intéressent à la situation du Tchad, comme la conférence nationale souveraine, doivent se mettre autour d'une table, dialoguer parce que la force ne résout rien. Si par la force et la brutalité, on pouvait régler le problème principal de notre pays qui est la pauvreté et la misère, nous serions arrivés très loin aujourd'hui, peut-être la population la plus heureuse du monde. La violence n'a rien réglé et ne réglera rien du tout. Il faut s'asseoir autour d'une table, organiser un dialogue inclusif, diagnostiquer objectivement la situation, proposer des remèdes et relancer la machine, mettre le Tchad sur les rails.
La chose la plus importante qui intéresse les tchadiens, c'est sortir le Tchad de la pauvreté, qu'aucun tchadien ne vive dans la misère. Dieu nous a donné beaucoup de ressources importantes qui nous permettent d'organiser la vie pour sortir les tchadiens de la pauvreté et de la misère, ça c'est faisable. Malheureusement, ni le MPS, ni Idriss Déby ne sont compétents pour faire cela.
Vos souhaits pour le Tchad ?
Je souhaite pour mon pays une vie de prospérité et de bonheur, on a pas d'autres objectifs que cela. Cela ne peut pas être atteint avec ce régime là, qui aujourd'hui a mis le pays complètement en panne, sur cale. Donc, je souhaiterais que ce malheur que le Tchad et les tchadiens connaissent prenne rapidement fin.
Propos recueillis par Djimet Wiche
Mahamat-Ahmad Alhabo : Le lundi 10 avril, je rentrais d'une mission à l'étranger et quand je suis arrivé à l'aéroport international de N'Djamena, une équipe de presque une dizaine d'agents de l'ANS (Agence Nationale de la Sécurité) m'attendais. Quand j'ai terminé mes formalités de police et retiré mes bagages qui ont été placés dans mon véhicule, je m'apprêtais à rentrer. Les agents de l'ANS qui ont encerclés m'a voiture dès que les portières de la voiture ont été ouvertes par mon chauffeur, se sont précipités pour ouvrir les portières, ont arrachés mes bagages, fuis en courant dans le salon d'honneur et ont traversés pour disparaitre sur la piste de l'aéroport de N'Djamena.
J'ai attendu plusieurs minutes, je ne les ai pas vu venir et j'ai décidé d'aller chercher mes affaires. Je ne peux pas accepter que des gens que je ne connais pas viennent et arrachent mes affaires. Quand je me dirigeai vers l'aérogare de l'aéroport de N'Djamena pour chercher ces gens là, je les ai vu entrain de revenir avec mes affaires à la main. Donc je suis reparti dans le hall du salon d'honneur, quand ils sont arrivés, ils m'ont jetés les affaires et ils voulaient partir. J'ai dit non, vous ne pouvez pas partir, vous avez arrachés mes affaires, mes bagages, je ne sais pas qu'est ce que vous en avez fait, il faut qu'on ouvre les bagages, on contrôle ce qui manque et ce qui ne manque pas.
Ils ont refusé, certains d'entre eux sont partis, et d'autres sont restés, et j'ai toute suite ouvert mon sac à main, et constaté que mon ordinateur, mes deux tablettes, mes deux smartphones n'étaient pas là. Je leur ai dit, sans aller plus loin en profondeur, vous avez subtiliser mes affaires et je ne peux pas accepter qu'on n'établisse pas un procès verbal parce que je constate que vous êtes des éléments de la sécurité V.us ne pouvez pas vous comporter comme cela. Vous ne pouvez pas arracher mes affaires et les ramener sans qu'on établisse un PV.
Ils ont refusé, ils disent qu'ils n'établissent pas un PV. Ils sont repartis dans leur bureau, je les ai poursuivis dans leur bureau et j'ai exigé, soit qu'on dresse ensemble un PV, soit qu'ils remettent mes affaires. C'est à ce moment là que l'un d'eux, leur chef, me semble-t-il, a décliné son identité et m'a dit qu'eux, ils ne me connaissent pas, ni d'Adam, ni d'Eve, qu'ils ont reçus des instructions de leur haute hiérarchie et c'est pourquoi ils ont agit comme ça, qu'ils n'ont pas été mandatés pour dresser un PV des effets qu'ils auraient saisi.
Donc, si j'ai besoin de mes affaires, je n'ai qu'à me rendre demain matin à la direction générale de l'ANS pour les récupérer. Sur ces faits là, ils sont partis, donc je suis rentré sans mes affaires, et jusqu'aujourd'hui, rien ne m'a été rendu. Ils ont pris beaucoup de choses, des courriers, j'ai constaté après qu'il manquait de l'argent dans mes affaires.
Ce qui m'intéresse beaucoup plus, ce sont mes données personnelles qui se trouvent dans ces supports magnétiques. En agissant comme cela, l'ANS a violé la loi, la constitution notamment qui garantit le secret des communications des personnes et la sécurité aussi des biens des personnes, donc le droit à la vie privée a été violé.
J'ai été traité de façon dégradante et humiliante parce que je ne peux pas comprendre qu'un service de renseignement, s'il veut me contrôler, je suis un citoyen comme tout le monde, et la loi s'applique à moi, il pourrait tout simplement me présenter un mandat, un ordre de mission pour dire que je suis interpellé et que le contrôle doit se faire en ma présence, devant moi, il ne peut pas prendre mes affaires, aller se cacher quelque part, ramasser, voler mes affaires, et venir me restituer le reste. Donc voilà ce qui s'est passé et donc on va continuer à exiger que toutes mes affaires qui ont été ramassés me soient restituées.
Avez-vous entrepris des démarches pour entrer en possession de vos biens spoliés ?
Les agents de l'ANS, s'ils ont cherchés à me pister, ils ont su que j'était à l'étranger, ils ont su que je rentrait tel jour, à tel heure, par tel avion, donc ce sont des gens qui me connaissent très bien, ils connaissent ma maison, mes mouvements, je suis suivi chaque heure, tout ce que je fait est suivi, donc ils savent où est-ce que je me trouve. Moi, je ne suis pas aller chez eux pour qu'ils prennent mes affaires. Ils sont venus m'attendre à l'aéroport. Ils connaissent ma maison, ils connaissent tout, s'ils ont pris, ils n'ont qu'à me rendre mes affaires.
C'est pas dans la rue comme sa qu'on est venu m'attendre pour arracher mes affaires, c'est dans un lieu public, le salon d'honneur de l'aéroport international de l'aéroport de N'Djamena.
Comment expliquez-vous que cet incident vous arrive pour la première fois ? Soupçonnez-vous quelque chose, ou êtes-vous coupable d'un fait ?
Le chef de l'Agence de sécurité qui dirigeait cette opération m'a clairement dit qu'eux, ils ont reçu des instructions de leur haute hiérarchie. Vous savez très bien que l'ANS dépend de la Présidence, donc leur premier responsable c'est Idriss Déby. Ils ont reçu des ordres de Idriss Déby pour venir arracher mes affaires, je demande à Idriss Déby de me restituer mes affaires. C'est tout, moi je n'interprète pas ça autrement. L'ANS est un service qui dépende la Présidence de la République.
Quand l'agent de l'ANS dit qu'il a reçu des instructions de son plus grand chef, ça veut dire qu'il a reçu des instructions de la part de Déby.
Quelle est votre réaction par rapport à l'assassinat des prisonniers en voie de transfèrement, dans la nuit du 11 août entre Massaguet et Djermaya ?
Vous savez que le massacre par des éléments des forces de défense et de sécurité des citoyens innocents est devenu malheureusement au Tchad quelque chose de récurrent. Dans les autres pays, quand vous voyez un agent des forces de défense et de sécurité, vous, vous sentez protéger, malheureusement dans notre pays, les forces de défense et de sécurité, parfois, attirent ou engendrent la peur chez les personnes.
Ca c'est de façon générale. Il y a beaucoup de massacres qui se sont opérés dans le pays et à plusieurs reprises donc on va pas le répéter, tout le monde sait de quoi il s'agit. Dans le cas d'espèce, c'est personnes étaient des prisonniers. Un prisonnier, c'est un homme qui est désarmé et qui est sous l'autorité du gouvernement et de personnes qui sont chargées de gérer sa situation. Ces gens là n'étaient ni armés, plus grave, il étaient même menottés, parce que ils étaient deux à deux menottés.
En regardant et en examinant les faits de très près, il y a me semble qu'il y avait un plan de massacre auquel ont participé des responsables de très haut niveau, à plusieurs étapes. Le fait que ces prisonniers qui ont été massacrés ont été tous habillés en tenue militaire, c'est pour que les gens les identifient des autres.
Quand un militaire commet un crime ou qu'il est présumé coupable, il est présenté devant la justice mais il ne porte pas de tenue militaire. Il n'est pas en service commandé . Pourquoi au moment de leur transfèrement, on les a habillé en tenue militaire. Qui les a habillés en tenue militaire pour qu'on les identifient ? Ca, il faut aller chercher au niveau de la maison d'arrêt.
Deuxièmement, selon les informations qui ont été données, l'heure du départ de ces prisonniers a été changé, le ministre de la justice a donné une heure, et celui qui est responsable de ce convoyage est parti plus tôt que prévu. Pourquoi il a fait cela ? Qui est cette personne qui a donné l'ordre du départ avant l'heure fixé par le garde des sceaux, ministre de la justice ?
Troisièmement, les militaires qui convoyaient ces prisonniers n'étaient pas tous armés, une bonne partie d'eux n'avaient pas d'armes. Comment on convoi des militaires soupçonnés d'avoir commis des crimes, donc des prisonniers dangereux, et qui sont transférés de N'Djamena vers Koro Toro par des éléments non armés ? Qui a désarmé ces militaires là ou ces gendarmes ?
Il y a beaucoup de questionnement, ce qui veut dire qu'il y a une chaine de complicité à un très haut niveau. Regardez les voitures qui ont fait l'opération, elles appartiennent à de très hauts responsables militaires. Voyez-vous comment les gens se sont comportés au Palais de Justice devant la Télévision, avec des turbans à la tête, ils ne sont pas menottés, ils souriaient, ils narguaient tout le monde.
Aujourd'hui on nous montre qu'au Tchad, il n'y a pas de loi ou bien, il y a une loi pour certains et pas de loi pour d'autres, donc nos lois sont à géométrie variable, selon la tête du client, tu a tué tel, tu a un traitement spécial, tu a tué tel, on te traite autrement. Dès l'instant où la loi ne s'applique pas à tous, voilà les dérives et ici, le gouvernement est entièrement responsable. Si nous sommes dans un pays normal, toutes les autorités qui sont à charge de ce dossier doivent démissionner. C'est une honte ce qui est arrivé là. C'est quelque chose de grave.
Dans d'autres pays véritablement démocratiques, même le Premier ministre doit démissionner. Le Président de la République doit avoir honte de ce qui se passe dans ce pays. Mais bon, ici, ni la honte, ni l'éthique, on ne la connait pas. Les gens trouvent tout ça normal qu'on massacre la population ou les hommes désarmés.
De manière impunie, les gens qui ont commis ce crime là, vont être pendant quelques temps arrêtés, un bon matin, on va monter un simulacre d'attaque, les sortir de leur prison et ils vont disparaitre dans la nature.
Quel est le contenu du mémorandum que le FONAC (Front de l'Opposition Nouvelle pour l'Alternance et le Changement) compte rendre public le 21 avril ?
Je ne peux pas vous parler du contenu tant qu'il n'est pas rendu public. Il faut que vous ayez la patience d'attendre qu'il soit officiellement diffusé, rendu public.
Pourquoi vous avez choisi la date du 21 avril qui coïncide avec la confirmation de l'élection du Président Déby par le conseil constitutionnel ? Quel message voulez-vous véhiculer ?
Nous voulions dire que Déby n'a pas été élu, il est arrivé en 4ème position à l'issu du premier tour de l'élection du 10 avril 2016, il est éliminé, il a recueilli à peine 10% des voix. Vous avez vu qu'il a opéré un coup d'Etat électoral parce que dès que l'annonce des résultats a été faite par la CENI, vous avez tous été témoins, les militaires se sont mis sur l'ensemble du pays à tirer avec des armes de divers calibres pendant toute la nuit pour faire peur aux gens, intimider la population.
Ceux qui sont à N'Djamena, quand on s'est réveillé le lendemain, on a vu que tous les carrefours et les grandes places de la ville étaient occupés par des militaires fortement armés. C'est une façon de dire à la population, bouger et vous allez voir.
En général, une démonstration de force comme ça, on ne le voit que quand il y a un coup d'Etat militaire. On occupe la radio, la Présidence, les positions stratégiques, on met les militaires dans tous les carrefours, pour que la population, les gens contre le coup d'Etat ne manifestent pas et quand la pilule est avalé, maintenant ils se retirent. C'est exactement cela, comme ça qu'on a fait quand on a donné les résultats, le 21.
Pour nous, c'est pour dire que c'est un jour de deuil pour le peuple tchadien parce que on a volé son suffrage librement exprimé. Ce qui a été diffusé ne correspond en rien à la réalité du vote. Les gens ont voté le 10 mais le coup d'Etat électoral a été annoncé le 21.
La candidate du Front National (FN) à l'élection présidentielle française, Marine Le Pen, a récemment été accueillie au Tchad. L'auriez-vous reçue, si vous étiez Président de la République ?
Vous savez que Marine Le Pen c'est la fille de son père, c'est un parti en France qui est considéré comme un parti xénophobe, c'est un parti raciste, qui dit clairement qu'il ne veut pas que les étrangers viennent en France, restent en France, vivent en France. Mais qu'est ce que le chef d'un tel parti vient faire chez nous ? S'il elle n'aime pas les étrangers en France, elle n'a qu'a rester chez elle cette dame là. Qu'est-ce-qu'elle vient faire au Tchad ? Elle n'a rien à foutre ici, le Tchad, ce n'est pas l'endroit où l'on vient essuyer ses chaussures, sa saleté, sa haine contre les autres, contre les étrangers. Les tchadiens qui vivent en France vont être victimes de Madame Le Pen. Leurs enfants seront un jour chassés, renvoyés par madame le Pen si elle arrive au pouvoir et c'est une femme comme ça, un parti comme ça, que le Président du Tchad accueille. Elle a été accueilli par quel Président dans le monde ? Personne. Aucun Président. Elle est partie dans d'autres pays, elle a été rencontrer telle ou telle personnalité mais elle n'a rencontré aucun Président. Est-ce qu'en accueillant Madame Le Pen, Idriss Déby veut nous montrer qu'il accepte ou qu'il partage avec elle sa philosophie, c'est-à-dire la haine des autres, la xénophobie, et tout cela, cette philosophie du front national, le MPS et le FN sont d'accord avec tout cela.
On regrette énormément que notre pays ait donné un tel spectacle au monde entier, aucun autre Président ne s'est livré à cet exercice là qui de notre point de vue, ne semble pas être digne.
Ne craignez-vous pas qu'avec une éventuelle arrivée au pouvoir du Front National, qui semble partager la même vision qu'Idriss Déby, notamment sur le terrorisme, puisse créer et renforcer une alliance stratégique entre le Tchad et la France ?
Le terrorisme, ce n'est pas l'affaire de Madame Le Pen, c'est l'affaire de tous les gens qui sont contre la violence Vous savez que les membres de l'organisation de son père ont attrapés des immigrés qui vivaient en France et les ont jetés dans la Seine, ils sont morts. On peut dire que le FN, les militants du FN sont eux mêmes des terroristes parce qu'ils ont tués des gens qui ne savent pas nager, on les a attraper, on les a jeter dans la seine et ils sont morts dont le terrorisme je ne pense pas que ce soit le dada de Madame Le Pen.
Monsieur Déby n'est pas le chantre de la lutte contre le terrorisme, c'est pas vrai. La France, à la demande du Mali, a voulu intervenir contre les djihadistes qui voulaient prendre Bamako, et les militaires français qui sont les proches amis du Président Déby, ont conseillé au président Hollande d'amener des militaires tchadiens pour servir de chair à canon et de soutien aux éléments de l'armée française pour qu'ils ne soient pas massacrés par les djihadistes. Donc, le Président Déby a accepté d'envoyer les tchadiens pour protéger les militaires français, ce n'est pas pour lutter contre le djiahdisme. Le djihadisme, il est ici, il n'est pas au Mali. Quand ça a commencé, pourquoi il n'est pas allé au Lac Tchad, au Nigeria faire le combat contre les djihadites ? Il est allé au Mali. C'est à la demande, aux instructions, aux ordres de la France, des militaires français.
Il est parti servir une cause. Il traine beaucoup de casseroles, il a massacré des gens, enlevé, fait disparaitre, il était mis au banc des accusés sur le plan internationale et donc en retour, il a sauté sur l'occasion pour aller amener les enfants, les militaires tchadiens, mourir sur la scène malienne et apparaitre comme un héros.
Je pense qu'il faut situer les choses dans leur contexte. Tu vient, tu protège des militaire français pour qu'ils ne soient pas massacrés, pour que les militaires tchadiens servent de chair à canon. En retour, vous savez qu'il a demandé à plusieurs reprises à aller en France et ça été refusé. Les français ont refusé de rencontrer le Président Déby. Au début, Hollande ne voulait même pas le saluer quand ils se rencontraient dans les conférences internationales. Il l'évitait au maximum. L'affaire du Mali pour Déby c'était du pain béni. Il a sauter dessus et l'étau qui était serré sur lui, s'est desserré. C'est comme ça qu'il faut interpréter les choses, il faut rétablir la vérité.
Depuis quelques temps, tout est aux arrêts sur le plan économique. Des secteurs comme la santé marchent à peine. Qu'est-ce qui explique toute cette morosité ?
C'est la gestion catastrophique de notre pays par le pouvoir MPS, par le Président Déby. C'est eux qui ont mis le Tchad dans la situation que nous vivons aujourd'hui, dans la banqueroute totale. Le Tchad a eu des ressources énormes, beaucoup, beaucoup d'argent. Cet argent là est parti où ? Si vous regardez les Panama Papers, dans les paradis fiscaux, il y a 10,76 milliards de dollars au nom du Tchad. Qui a amené cet argent pour le cacher dans les paradis fiscaux ? C'est au nom de qui ? Pourquoi le gouvernement n'en parle pas ? Il faut absolument que cette question soit clarifié. Quand les députés de l'opposition ont déposé une motion de censure pour interpeller le gouvernement pour qu'il vienne s'expliquer devant l'assemblée nationale, pour que tout soit su par le peuple tchadien, le gouvernement a refusé, parce qu'il a des choses à cacher. Si sa gestion était transparente, très claire, il serait venu à l'assemblée pour répondre aux questions.
Ils ont fait des choses qui sont très mauvaises et ils ont honte d'en parler, d'en discuter publiquement. On ne nous dit pas, qu'est-ce qui a été fait avec notre argent. L'argent appartient au peuple tchadien, ça n'appartient pas au MPS, ça n'appartient pas à Idriss Déby. C'est l'argent des tchadiens, où est parti cet argent ?
Vous savez que quand le Tchad a préparé le projet pétrolier, le cout du baril était de 13 dollars et après, le cout du baril est monté à 130/140 dollars, plus de dix fois le prix initial du dollars. Le consortium Exon Mobill et les autres qui exploitent le dossier ont prévu de se rembourser leur investissement en 25 ans, en moins de 10 ans ils se sont remboursés leur investissement. Ce qui veut dire qu'en retour aussi, le Tchad a reçu des sommes colossales. Tout cela, aujourd'hui, ont me dit que ça a disparu, mais le premier responsable de cette mauvaise gestion, de cette gestion calamiteuse, catastrophique, banqueroute qui est arrivé au Tchad, c'est Idriss Déby, il n'y en a pas deux.
C'est le seul responsable, il est le seul. Si quelqu'un doit s'expliquer, c'est à lui de s'expliquer et de dire aux tchadiens qu'est ce qu'il a fait de l'argent du Tchad, il l'a amené où, caché où. Il faut qu'il dise ça aux tchadiens.
Le renforcement de la présence militaire et policière ne passe pas inaperçu. S'agit-il d'éviter une éventuelle explosion sociale ou d'assurer la sécurité des biens et des personnes ?
Le Tchad a connu la guerre civile, entre 1979 et 1982. Après, une dictature implacable qui a causé la mort de plus de 40.000 personnes par un pouvoir de 1982 jusqu'à 1990, l'un des piliers de ce régime là était aussi Idriss Déby. En 1993, tous les tchadiens se sont retrouvés à la conférence nationale souveraine, ils se sont entendus pour bâtir un Etat de liberté, de démocratie.
Nous avons tous adoptés, en 1996, par référendum, une constitution qui a pour mission de construire au Tchad un Etat démocratique. Dès que la conférence souveraine fut terminé, pour Idriss Déby, reconduit par la conférence dans ses fonctions, son souci majeur était de détricoter la constitution. Après le premier mandat, quand il a entamé le second, il a tout fait pour modifier la limitation des mandats. Il s'est, dans son comportement, attaqué violemment aux forces de l'opposition.
Vous avez vu comment il a enlevé notre secrétaire général, Ibni Oumar Mahamat Saleh qui est porté disparu jusqu'aujourd'hui. Il y a une commission internationale d'enquête qui a été mise en place et qui a dans son rapport conclu de façon claire que les chaines de commandements n'étaient pas rompues. Le premier responsable de ces chaines de commandements, c'est Idriss Déby, c'est lui qui a fait arrêter et disparaitre Ibni.
Touts ça réuni, l'engagement que tous les tchadiens ont pris ensemble à la conférence nationale pour bâtir un Etat de liberté, de démocratie est entrain d'être cassé en tous les morceaux par le pouvoir du MPS et par la volonté personnelle de Idriss Déby.
Un à un, petit à petit, toutes les libertés sont entrain d'être remises en cause. Aujourd'hui, la loi sur les partis politiques dit qu'un parti, dès qu'il est librement constitué et reconnu par l'administration, a le droit d'exercer. Un parti de l'opposition, lui son travail c'est de s'opposer. Aujourd'hui, il est interdit de marcher, de faire des meetings, de se rassembler, tout est interdit.
Voyez-vous comment le responsable de la plateforme MECI a été intimidé ? Ceux de la société civile ? Aujourd'hui, Nadjo Kaina est en prison. Tout cela, ce sont les formes d'une dictature qui est entrain de se mettre petit à petit en place. Le pouvoir n'a plus d'arguments, il ne peut pas venir expliquer aux tchadiens le malheur qui est tombé sur leur tête, la misère qu'ils vivent. On a réduit le salaire des enseignants, on a coupé les bourses des étudiants, on ne paye pas les pensions des retraités; ils sont sortis manifestés il y a deux jours dans la rue. Malgré que la coopération française ait donné beaucoup d'argent pour payer leur retraite, cet argent aussi a disparu.
Le gouvernement ne paye pas cela, les hôpitaux sont devenus des mouroirs, l'école ne marche pas, les maitres communautaires ont presque trois ans d'impayés, donc c'est la catastrophe. Devant cette situation là, le MPS dit que personne n'a le droit de critiquer, de manifester, de dire ou de se poser des questions : "Pourquoi les choses sont ainsi ?". Dès que vous parlez, on vous envoi l'ANS qui vous enlève, il y a des gens qui ont été enlevés à l'église, comme le directeur de cabinet de Yorongar. Avec sa bible à la main, il sortait de l'église, on l'a attrapé. On pourchasse les syndicalistes, les responsables d'associations de droits de l'homme.
On veut bâillonner les gens. Ca nous rappelle étrangement la DDS, ou les autres polices politique dans le monde que nous avons connues. On connait des polices politiques très sinistres, et chez nous on a connu la DDS. Aujourd'hui, l'ANS qui a été créé dans le cadre des recommandations des résolutions de la conférence nationale souveraine, pour défendre les intérêts du Tchad sur le plan extérieur, on a détourné sa mission et on en a fait une police politique qui est entrain de rendre la vie difficile aux tchadiens.
Idriss Déby est entrain de vouloir construire au Tchad un régime dictatorial. Il appartient aux tchadiens d'accepter ou de ne pas accepter. Si les gens ne veulent pas qu'une dictature s'instaure dans notre pays, il ne reste pas milles solutions, il faut se mette debout et lutter contre ce régime et cette volonté du Président Déby.
La situation est très peu enviable. Que faire pour remettre le Tchad debout ?
Nous, on a dit que le MPS et Idriss Déby ont échoués complètement, sur tous les plans. Le Tchad n'a jamais eu autant de ressources financières que depuis 2003. Avec toutes ces ressources là, ils n'ont pas été capables de gérer et aujourd'hui, un des problèmes majeures de notre pays, c'est la pauvreté. La lutte contre la pauvreté, on va en guerre contre la pauvreté pour que les tchadiens vivent bien, mangent, aillent à l'école, quand ils sont malades, ils sont soignés, ils sont en sécurité, ont des routes pour voyager. C'est ça le développement, c'est ça lutte, que chaque tchadien mange à sa faim, ait une maison pour dormir, c'est ça la mission d'un gouvernement normal.
Sur ce plan, le pouvoir actuel et Déby ont complètement échoué, ils ont amenés le pays à la banqueroute, tout est arrêté. Que faut-il faire ? Quand un chef militaire va à la guerre, qu'il est battu, la logique voudrais qu'il démissionne. Les japonais qui sont très fiers, ils se font Hara-Kiri (suicide par éventration avec un couteau, ndlr). Quand un chef militaire japonais va au combat et qu'il est battu, il se fait Hara-Kiri.
On ne demande à personne au Tchad de se faire Hara-Kiri. Nous, à l'opposition, on a dit, très bien, la situation est celle-là. Ceux qui ont amené le Tchad dans cette situation difficile, eux ils sont incapables, incompétents, ils ne peuvent pas redresser le pays.
Demain, on aura d'autres ressources. On n'aura jamais des ressources aussi importantes que celles que nous avons eu. Si ce sont les mêmes personnes qui sont là, ils vont le dilapider, comme ils l'ont fait avec les ressources pétrolières. C'est pourquoi nous, on a dit que le problème du Tchad ne peut être résolu que par la discussion de l'ensemble des tchadiens, des forces vives nationales, et nous avons proposer au gouvernement de laisser, de mettre à côté sa fierté qui est insensé parce que, on est fier quand on a fait quelque chose de positif, mais quand on a échoué, on ne doit pas être fier de son échec.
Donc, de laisser à côté sa fierté et de réunir tous les tchadiens autour d'une table pour qu'on fasse le diagnostic de la situation réelle. Quelles sont les causes réelles qui ont conduit le Tchad à cette situation là ? Quelles sont les remèdes adéquates pour sortir le pays de la crise ? Cela ne peut être fait que dans le cadre d'un dialogue inclusif. Le pouvoir doit venir expliquer aux gens comment il a fait pour amener le pays dans le trou.
Le pouvoir, l'opposition, la société civile, les autres tchadiens qui s'intéressent à la situation du Tchad, comme la conférence nationale souveraine, doivent se mettre autour d'une table, dialoguer parce que la force ne résout rien. Si par la force et la brutalité, on pouvait régler le problème principal de notre pays qui est la pauvreté et la misère, nous serions arrivés très loin aujourd'hui, peut-être la population la plus heureuse du monde. La violence n'a rien réglé et ne réglera rien du tout. Il faut s'asseoir autour d'une table, organiser un dialogue inclusif, diagnostiquer objectivement la situation, proposer des remèdes et relancer la machine, mettre le Tchad sur les rails.
La chose la plus importante qui intéresse les tchadiens, c'est sortir le Tchad de la pauvreté, qu'aucun tchadien ne vive dans la misère. Dieu nous a donné beaucoup de ressources importantes qui nous permettent d'organiser la vie pour sortir les tchadiens de la pauvreté et de la misère, ça c'est faisable. Malheureusement, ni le MPS, ni Idriss Déby ne sont compétents pour faire cela.
Vos souhaits pour le Tchad ?
Je souhaite pour mon pays une vie de prospérité et de bonheur, on a pas d'autres objectifs que cela. Cela ne peut pas être atteint avec ce régime là, qui aujourd'hui a mis le pays complètement en panne, sur cale. Donc, je souhaiterais que ce malheur que le Tchad et les tchadiens connaissent prenne rapidement fin.
Propos recueillis par Djimet Wiche