ANALYSE

Abakar SABONE : Pas si rigolo que ça


Alwihda Info | Par Alain Lamessi. - 28 Décembre 2013


Ne nous trompons pas d’ennemis. Nous ne dirons jamais assez : nos ennemis ce ne sont ni les musulmans, ni les chrétiens. Le peuple centrafricain n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais l’ennemi du peuple tchadien. Nous sommes deux peuples amis, deux peuples frères. Savez-vous qu’il y a moins de soixante ans, le Tchad et l’Oubangui-Chari n’étaient qu’un seul pays : le territoire de l’Oubangui-Chari-Tchad ?


Par Alain Lamessi.

Abakar Sabone, lors d'une conférence de presse. Crédit photo : Francetvinfo.fr
Qui a dit que le sieur Abakar SABONE est un piètre illuminé qui a déliré, ce dimanche 22 décembre 2013, sur la partition de la République centrafricaine lors de la conférence de presse qu’il a tenue devant les média du monde entier ?

Que la Séléka ne nous prenne pas pour des zozos. Abakar SABONE est un homme intelligent. Il est le vrai porte-parole du chef d’Etat de transition et non ces petits zinzins qui brassent le vent à longueur de journée qui malheureusement seront bientôt jetés dans la poubelle de l’histoire.
Abakar SABONE conseiller spécial du Chef d’Etat de transition, nommé seulement quelques jours plus tôt, ne peut pas convoquer une conférence de presse, ni faire une déclaration aussi grave sans l’autorisation expresse de son supérieur hiérarchique car cela participe à l’évidence d’une stratégie de communication. La proximité du sieur Abakar SABONE avec Mr Michel DJOTODIA (ils avaient été arrêtés au Benin et emprisonnés dans la même cellule pendant quelques années) laisse à penser qu’il a parlé au nom du Chef d’Etat de transition. Le Chef d’Etat de transition a certes désavoué son vrai porte-parole du bout des lèvres sans jamais le démettre de sa fonction. C’est tout dire. La vérité, c’est que la partition de la République centrafricaine est le plan B de la Séléka. En effet, pour la Séléka l’objectif principal était de chasser Bozizé, de prendre le pouvoir à Bangui pour instaurer un état islamique en République centrafricaine. En tout cas c’est ce qui a motivé le soutien financier, matériel et militaire d’un état islamique comme le Soudan, le bras armé de l’Iran, ainsi que de certains pays du golfe.

Ayant pris le pouvoir à Bangui mais ayant échoué à instaurer un état islamique en République centrafricaine et surtout sentant que le pouvoir est entrain de lui échapper, la Séléka brandit son objectif secondaire : la partition de la République centrafricaine, le nord musulman et le sud chrétien. Fascinée qu’elle est de l’indépendance du Sud Soudan.

Alain Lamessi.
La volonté de la partition de la République centrafricaine est une déclaration de guerre que nul patriote ne saurait sous-estimer. Nous ne devons pas nous contenter de la dénoncer en parole. C’est tellement grave qu’il faut la combattre avec énergie. Cela passe assurément par la réhabilitation des FACA qui ruent dans le brancard et brûlent d’envie de prouver ce dont ils sont capables. Désarmer une armée nationale, la neutraliser et la remplacer par les pieds nickelés de la Séléka c’est l’un des pires catastrophes que le « Machiavel de Birao » ait pu infliger à notre pays.

Aujourd’hui l’objectif pour le peuple centrafricain n’est pas d’aller aux élections coûte que coûte comme si on devait faire une course contre la montre alors même que sur la piste il y a non seulement beaucoup d’obstacles mais encore des milliers d’inconnus. C’est faire fausse route que de vouloir appliquer automatiquement le scénario à la malienne au cas de la République centrafricaine tant les facteurs socio-historico-politiques sont dissemblables.

L’urgence c’est avant tout le désarmement de la Séléka et des Anti-balaka. C’est aussi la sécurité et la normalisation avec le retour des déplacés chez eux. Que la transition soit aujourd’hui à bout de souffle, cela est évident. Que les partis politiques aient totalement disparu, c’est tous les observateurs qui le reconnaissent. Nous ne devons plus attendre que l’extérieur dicte des scénarii de sortie de crise. Qu’on ne convoque pas encore dans une capitale étrangère toute la classe politique pour leur demander de valider un scénario pensé et écrit sans leur avis. Quelle que soit leur bonne volonté, nos amis ne connaissent pas la situation de notre pays mieux que nous-mêmes. Si à Bangui pour des raisons évidentes de sécurité, il est difficile de se réunir, à l’extérieur prenons l’initiative de nous retrouver pour faire des propositions constructives mais surtout désintéressées.

Ne nous trompons pas d’ennemis. Nous ne dirons jamais assez : nos ennemis ce ne sont ni les musulmans, ni les chrétiens. Le peuple centrafricain n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais l’ennemi du peuple tchadien. Nous sommes deux peuples amis, deux peuples frères. Savez-vous qu’il y a moins de soixante ans, le Tchad et l’Oubangui-Chari n’étaient qu’un seul pays : le territoire de l’Oubangui-Chari-Tchad ? Savez-vous que des millions de tchadiens du sud parlent couramment sango et ont des familles ou même ont grandi en Centrafrique ? Les démocrates tchadiens ont toujours été solidaires de la lutte du peuple centrafricain. J’ai milité avec beaucoup de camarades tchadiens au sein de la FEANF en France. A Pessac, près de Bordeaux nous mangions dans la même assiette, des tripes cuites à la mode tchadienne avec beaucoup de piment. Nous nous appelons affectueusement « aou » lorsque nous nous rencontrons. Nous avons accueilli en République centrafricaine des milliers de tchadiens dans les années 80 lors de la guerre du Tchad. J’en ai personnellement enseigné plusieurs dizaines à l’université Bangui et nous sommes aujourd’hui de bons amis. A la fin de nos études en 1982, de retour de France de nombreux tchadiens ont préféré rester à Bangui que de rentrer chez eux, c’est parce qu’ils s’y sentaient mieux. Et des milliers de centrafricains vivent au Tchad. Lorsque Paoua est agressé, c’est au Tchad que des centrafricains trouvent refuge.

De grâce ne faisons pas l’amalgame entre la Séléka et ses soutiens objectifs avec les ressortissants du Tchad qui sont nos frères et amis depuis toujours.

Que Dieu bénisse la République centrafricaine.

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