Par Chantal Nganafei
L’opinion publique centrafricaine ne lui est nullement favorable, les juges non plus ! Mais le représentant de la France à Bangui, comme à l’accoutumée, s’oppose à l’exécution d’un mandat d’amener décerné contre lui. Décryptage.
Il y a la grande histoire. Celle d’un carnage sans précédent qui devait, espérait-on du côté des commanditaires, servir de prétexte à un coup d’Etat. Même les plus sceptiques d’entre les observateurs du Dallas à la sauce « dongo yongoro » centrafricain en conviennent, Jean-Jacques Demafouth était à la manoeuvre. Lui, qui même sans se raser pense à l’incident qui pourrait lui permettre d’accéder à la magistrature suprême de l’État. D’ailleurs, tous les indices concordants convergent vers lui et, au-delà du doute raisonnable, le désigne comme le principal instigateur du massacre de l’Église Notre Dame de Fatima qui aura fait une centaine de victimes.
Pour y voir clair, le procureur près du Tribunal de Grande Instance de Bangui l’a inculpé « d’atteinte à la sureté de l’État » et a décerné le 29 mai dernier, au nom du peuple centrafricain, un mandat d’amener contre lui (lire le mandat ci-joint).
Puis patatras! Il y a actuellement la petite histoire. Celle d’un obscure diplomate qui, sous des dehors d’ancien séminariste, est un néo-colon convaincu et qui croit être revenu à l’époque des gouverneurs coloniaux. Charles Malinas, c’est son nom, ci-devant ambassadeur de France à Bangui, s’oppose donc farouchement à l’exécution du mandat d’amener délivré par la justice centrafricaine contre son protégé Demafouth. C’est chez cet ambassadeur d’un autre genre que Demafouth s’est réfugié dans un premier temps pour échapper à la justice. D’ailleurs, sieur Malinas n’a pas eu trop de mal à convaincre dame Samba-Panza qui se trouve être la nièce de Demafouth et qui, désormais, s’oppose elle aussi à l’arrestation de son oncle.
Nous ne sommes donc pas loin d’une république bananière : un ambassadeur, fût-il celui de la France, qui s’investit autant dans une affaire judiciaire du pays auprès duquel il est simplement accrédité, c’est une nouveauté sous les latitudes de « l’Absurdistan », ce pays de l’absurde qu’est désormais la Centrafrique. On connaissait des représentants de la France donneurs de leçon devant l’éternel. Nous découvrons Charles Malinas qui se vit, au mépris de la souveraineté centrafricaine, comme un chef d’État par procuration.
Le problème, c’est que ce genre d’agissement réconforte certains individus dans leur attitude anti-républicaine. Pire, cela consacre définitivement le règne d’impunité à l’origine de la descente aux enfers de la République Centrafricaine, tant il est vrai que depuis plusieurs années, Jean-Jacques Demafouth, pour ne prendre que son exemple, échappe à la justice.
Il faut rappeler le fétichisme de Demafouth qui a une histoire particulière avec la date du 28 mai de chaque année. L’on se souviendra que le 28 mai 2001 déjà, Demafouth était le principal commanditaire d’une tentative de coup d’État sanglante contre le président Ange-Félix Patassé qui le considérait pourtant comme son propre fils. À l’époque, devant l’échec cuisant de son putsch, Demafouth avait convaincu l’ambassadeur de France à Bangui, Jean-Marc Simon, d’obtenir du général André Kolingba de revendiquer ce coup d’État afin d’éviter le massacre des Yakoma, disait-il. On connait la suite. Aujourd’hui, il refait la même chose avec ses mêmes complices, parmi lesquels son parent et directeur de la gendarmerie, Guy Bertrand Damango.
Question: c’est à partir de combien de morts que la France va enfin décider de lâcher son ressortissant et « honorable correspondant » de ses services de renseignement ?
C’est en cela que le silence d’André Nzapayeké qui avait pourtant lancé avec fracas des accusations publiques est assourdissant. Jusqu’à quand va-t-il ainsi continuer à avaler des couleuvres ? De camouflet en humiliation, il finira par avaler un serpent boa.