Khalifa Sall. crédits photo : sources
Quand on veut noyer son chien, on l’accuse de rage. Et quand on veut écarter de sérieux rivaux à une élection présidentielle, eh bien on les accuse d’enrichissement illicite ou de détournement de deniers publics et on les livre à « sa » justice ! Khalifa Ababacar Sall, maire de Dakar adulé par ses administrés, va donc devoir passer à la potence comme le sale gibier qu’il n’est pas parce que tel est le bon plaisir du président Macky Sall. Un président prêt à tout pour obtenir un deuxième (attention, nous ne disons pas second !) mandat. Sous une grotesque accusation de détournement de deniers publics, Khalifa Sall est donc renvoyé devant un tribunal correctionnel comme un vulgaire voleur. Ce en même temps que des lampistes, de pauvres pères et mère de familles accusés de l’avoir aidé à perpétrer son forfait. On remarquera au passage que le percepteur municipal de Dakar, celui-là même qui a été aux affaires durant toutes les années où Khalifa Sall a été maire de la capitale, celui sans qui aucun détournement n’aurait été possible, a été promu à la tête d’un Trésor-bis — au mépris du principe de l’unicité de caisse ! — par lequel transitent tous les financements des grands projets du PSE. Il est vrai que l’homme avait eu l’intelligence de prendre une carte de l’APR, assurance tous risques absolue par les temps qui courent… L’accusation de détournement de deniers publics portée contre le maire de Dakar, nous l’avons démontée ici, dans ces mêmes colonnes, au lendemain de son arrestation. D’abord, parce que l’usage qui a été fait par les maires de Dakar successifs de la caisse d’avance, a toujours été politique au sens de fonds politiques. Nous avons raconté comment elle avait été instaurée du temps du président Senghor, à la demande de la coordination de Dakar de l’UPS-PS pour permettre d’assister les militants. Nous avons aussi montré les différents usages qui en étaient faits,
y compris la rémunération d’indicateurs du régime ! Ensuite, parce que, dans cette affaire, il n’y a pas d’enrichissement personnel de Khalifa Sall. Mieux, avec cette caisse d’avance, il a eu à aider des gens du pouvoir actuel. Bref, il s’agit d’un complot politique comme d’ailleurs la suite l’a prouvé avec les multiples libertés prises avec le Code de procédure pénale pour maintenir en détention celui qui est désormais le plus célèbre prisonnier de ce pays. Officiellement, il s’agit, pour le chantre de la gouvernance « sobre et vertueuse » de prouver à travers ce dossier qu’il entend se poser comme le gardien intransigeant des ressources publiques. Au nom de quoi, les corrompus qui bouffent les deniers de la Nation doivent être sévèrement punis. Outre que cette intransigeance et cette rigueur sont bien sélectives — exemple, sur la liste des 25 voleurs de l’ancien régime publiée au début du mandat de l’actuel président et devant comparaître devant la Crei, un seul a finalement été traduit devant cette juridiction d’exception —, il se trouve que le peuple au nom duquel cette croisade moralisatrice est menée, ne partage guère l’avis de notre « M. Propre ». A preuve, il a plébiscité aux dernières élections législatives, dans le département de Dakar, qui correspond aussi aux limites de la mairie de Ville, ce maire que l’on veut présenter comme un grand voleur ! Bien que privé de liberté, sans aucune possibilité de s’adresser aux électeurs, empêché de faire ne serait-ce qu’une déclaration radiotélévisée comme ont pu le faire tous les autres candidats, cet homme a quand même pu récolter plus de 400.000 voix ! Et n’a « perdu » le département de Dakar que dans les conditions que l’on sait. Mieux : il est à parier que s’il affrontait à la régulière aujourd’hui, dans le même département de Dakar, le « vertueux » qui l’a fait mettre en prison, gageons qu’il le battrait à plate couture. Et sans même avoir à battre campagne, bien sûr.
Macky comme Issoufou et… Kabila
Pour dire que ce peuple souverain au nom duquel la justice est rendue, a absous le maire de Dakar. Et que cette affaire de détournement de deniers publics dont on accuse Khalifa Babacar Sall, c’est un vaste complot politique. Un peu comme cette ridicule
accusation de « trafic de bébés volés » portée par le président nigérien, Mahamadou Issoufou, contre son plus sérieux rival à la dernière présidentielle, l’ancien président de l’Assemblée nationale Hama Amadou. Là aussi, bien qu’étant en prison, Hama avait réussi à amener Issoufou — qui prétendait réaliser un « coup KO — au second tour !
En République démocratique du Congo (RDC), le potentat Joseph Kabila, qui joue les prolongations (ou, plutôt, le « glissement ») depuis l’expiration de son mandat en décembre 2016 — la présidentielle dans ce vaste pays n’aura finalement lieu qu’en décembre 2018 a décidé la Commission électorale nationale —, Kabila, donc, a monté de toutes pièces une affaire d’escroquerie immobilière pour écarter de la course à la présidence l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi. Lequel a été condamné à trois ans de prison pour ce délit. La juge qui avait en charge ce dossier, avait reçu avant le procès le tout-puissant patron de l’Agence nationale de renseignements, les redoutables services secrets du pays, qui lui demandait de condamner Katumbi. Et en lui laissant entrevoir ce qui l’attendait en cas de refus de condamnation. Après avoir prononcé la condamnation demandée, la brave dame, prise de remords, a pris les chemins de l’exil il y a quelques mois non sans s’être fendue auparavant d’une lettre pour expliquer à quoi elle avait été contrainte !
Bref, quand nos chefs d’Etat veulent se débarrasser d’un adversaire, ils ne lésinent pas sur les moyens. Hélas, ils trouvent toujours des juges pour servir leurs funestes desseins. Ainsi, Karim Wade a été condamné à six ans de prison ferme et Hama Amadou, on l’a vu, a lui aussi été embastillé. Quant à Katumbi, il ne doit d’être en liberté que parce qu’il a quitté le pays !
Elu député par la volonté du peuple sénégalais souverain, Khalifa Sall s’est vu dénier l’immunité parlementaire attachée à sa nouvelle fonction. Dans toutes les juridictions, le Parquet a expliqué que les faits pour lesquels il est poursuivi étant antérieurs à son interpellation, il ne saurait prétendre à cette immunité. Puis, brusquement, mû par on ne sait quoi, le procureur de la République s’est réveillé un beau jour pour saisir l’Assemblée nationale aux fins de demander la levée de l’immunité
parlementaire — qui selon lui n’existait pas ! — du député-détenu Khalifa Sall. Une demande à laquelle la majorité mécanique Benno Bokk Yaakar (BBY) a bien entendu accédé de bonne grâce.
La dernière forfaiture en date — à tout le moins, le dernier piétinement des droits du détenu Khalifa Sall —, c’est lorsque le doyen des juges d’instruction a rejeté à la hussarde la demande de cautionnement déposée par les avocats du maire de Dakar. On nous a alors expliqué doctement que des biens immobiliers ne sauraient servir de caution et qu’il aurait fallu verser en espèces ou par chèque certifié la somme de 1,8 milliard de francs pour laquelle le responsable socialiste et ses co-accusés sont poursuivis. Bien évidemment, là aussi, c’est toujours la même chose : devant la détermination, programmée en haut lieu, de renvoyer tout ce beau monde devant le tribunal correctionnel, aucun argument de droit et aucune jurisprudence ne sauraient prévaloir. Car enfin, de Ndèye Khady Diop à Khabane Fall (ancien percepteur de Dakar Source) en passant par Amadou Kane Diallo (qui s’apprête à faire son entrée officielle à l’APR !), ils sont nombreux les détenus à avoir cautionné des biens immobiliers pour humer l’air de la liberté. Mieux, on a même vu un individu cautionner un chèque en bois de deux milliards de francs pour ne pas aller en prison ! C’était sous l’actuel régime, lorsque l’opération « Mains propres — enterrée depuis — battait son plein. Moustapha Yacine Guèye, poursuivi dans l’affaire de l’ARTP, avait perçu indument deux milliards de francs (c’est quand même plus que ce que Khalifa est accusé d’avoir pris) du régulateur des télécoms, avait remis un chèque Sgbs de deux milliards de francs pour éviter de se retrouver à Rebeuss. A l’époque, nous avions appelé une autorité judiciaire pour lui dire que nous avions appris que le chèque de Moustapha Yacine était sans provision. Réponse de notre interlocuteur : « Moi-même, on m’a dit quelque chose du genre. On a déposé le chèque à l’encaissement (Ndlr, il était tiré sur un compte à Paris). En principe, ça dure 40 jours. Si ces allégations sont fondées, on avisera. » Eh bien, comme tous les Sénégalais ont pu s’en rendre compte, le chèque était effectivement en bois et Moustapha Yacine Guèye n’est jamais allé en prison. L’affaire avait été réglée dans le salon de son marabout… qui est aussi celui du juge en charge de son dossier !
Pour dire que là où il est permis de cautionner avec un chèque en bois, il doit bien être possible de donner en caution des biens immobiliers qui, eux, sont bien réels !
Mais bon alea jacta est (le sort en est jeté). Le sort de Khalifa Sall et consorts est entre les mains du juge Maguette Diop dont on espère qu’il saura dire le droit. Droit qui n’a pas été dit depuis le début de cette scandaleuse affaire Khalifa Sall !
Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » quotidien sénégalais
PS :
Je ne sais pas pourquoi mais, le sentiment que j’ai ressenti en apprenant le renvoi en correctionnelle du maire de Dakar, c’est le même — fait de peine et de rage impuissante évidemment — que j’ai éprouvé le jour où Macky Sall a été destitué de son poste de président de l’Assemblée nationale. Mais comme hier avec Wade, et aujourd’hui avec Macky Sall, je conseillerais à un adversaire réel ou supposé, à chaque fois qu’un président utilise sa force pour le brimer, de s’en remettre à Dieu qui est le meilleur des Juges…
Pour terminer, j’adresse ce message à mes amis personnels Mbaye Touré et Amadou Moctar Diop, détenus en même temps que Khalifa Sall : Courage car, si longue que soit la nuit, le soleil se lèvera inéluctablement !
y compris la rémunération d’indicateurs du régime ! Ensuite, parce que, dans cette affaire, il n’y a pas d’enrichissement personnel de Khalifa Sall. Mieux, avec cette caisse d’avance, il a eu à aider des gens du pouvoir actuel. Bref, il s’agit d’un complot politique comme d’ailleurs la suite l’a prouvé avec les multiples libertés prises avec le Code de procédure pénale pour maintenir en détention celui qui est désormais le plus célèbre prisonnier de ce pays. Officiellement, il s’agit, pour le chantre de la gouvernance « sobre et vertueuse » de prouver à travers ce dossier qu’il entend se poser comme le gardien intransigeant des ressources publiques. Au nom de quoi, les corrompus qui bouffent les deniers de la Nation doivent être sévèrement punis. Outre que cette intransigeance et cette rigueur sont bien sélectives — exemple, sur la liste des 25 voleurs de l’ancien régime publiée au début du mandat de l’actuel président et devant comparaître devant la Crei, un seul a finalement été traduit devant cette juridiction d’exception —, il se trouve que le peuple au nom duquel cette croisade moralisatrice est menée, ne partage guère l’avis de notre « M. Propre ». A preuve, il a plébiscité aux dernières élections législatives, dans le département de Dakar, qui correspond aussi aux limites de la mairie de Ville, ce maire que l’on veut présenter comme un grand voleur ! Bien que privé de liberté, sans aucune possibilité de s’adresser aux électeurs, empêché de faire ne serait-ce qu’une déclaration radiotélévisée comme ont pu le faire tous les autres candidats, cet homme a quand même pu récolter plus de 400.000 voix ! Et n’a « perdu » le département de Dakar que dans les conditions que l’on sait. Mieux : il est à parier que s’il affrontait à la régulière aujourd’hui, dans le même département de Dakar, le « vertueux » qui l’a fait mettre en prison, gageons qu’il le battrait à plate couture. Et sans même avoir à battre campagne, bien sûr.
Macky comme Issoufou et… Kabila
Pour dire que ce peuple souverain au nom duquel la justice est rendue, a absous le maire de Dakar. Et que cette affaire de détournement de deniers publics dont on accuse Khalifa Babacar Sall, c’est un vaste complot politique. Un peu comme cette ridicule
accusation de « trafic de bébés volés » portée par le président nigérien, Mahamadou Issoufou, contre son plus sérieux rival à la dernière présidentielle, l’ancien président de l’Assemblée nationale Hama Amadou. Là aussi, bien qu’étant en prison, Hama avait réussi à amener Issoufou — qui prétendait réaliser un « coup KO — au second tour !
En République démocratique du Congo (RDC), le potentat Joseph Kabila, qui joue les prolongations (ou, plutôt, le « glissement ») depuis l’expiration de son mandat en décembre 2016 — la présidentielle dans ce vaste pays n’aura finalement lieu qu’en décembre 2018 a décidé la Commission électorale nationale —, Kabila, donc, a monté de toutes pièces une affaire d’escroquerie immobilière pour écarter de la course à la présidence l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi. Lequel a été condamné à trois ans de prison pour ce délit. La juge qui avait en charge ce dossier, avait reçu avant le procès le tout-puissant patron de l’Agence nationale de renseignements, les redoutables services secrets du pays, qui lui demandait de condamner Katumbi. Et en lui laissant entrevoir ce qui l’attendait en cas de refus de condamnation. Après avoir prononcé la condamnation demandée, la brave dame, prise de remords, a pris les chemins de l’exil il y a quelques mois non sans s’être fendue auparavant d’une lettre pour expliquer à quoi elle avait été contrainte !
Bref, quand nos chefs d’Etat veulent se débarrasser d’un adversaire, ils ne lésinent pas sur les moyens. Hélas, ils trouvent toujours des juges pour servir leurs funestes desseins. Ainsi, Karim Wade a été condamné à six ans de prison ferme et Hama Amadou, on l’a vu, a lui aussi été embastillé. Quant à Katumbi, il ne doit d’être en liberté que parce qu’il a quitté le pays !
Elu député par la volonté du peuple sénégalais souverain, Khalifa Sall s’est vu dénier l’immunité parlementaire attachée à sa nouvelle fonction. Dans toutes les juridictions, le Parquet a expliqué que les faits pour lesquels il est poursuivi étant antérieurs à son interpellation, il ne saurait prétendre à cette immunité. Puis, brusquement, mû par on ne sait quoi, le procureur de la République s’est réveillé un beau jour pour saisir l’Assemblée nationale aux fins de demander la levée de l’immunité
parlementaire — qui selon lui n’existait pas ! — du député-détenu Khalifa Sall. Une demande à laquelle la majorité mécanique Benno Bokk Yaakar (BBY) a bien entendu accédé de bonne grâce.
La dernière forfaiture en date — à tout le moins, le dernier piétinement des droits du détenu Khalifa Sall —, c’est lorsque le doyen des juges d’instruction a rejeté à la hussarde la demande de cautionnement déposée par les avocats du maire de Dakar. On nous a alors expliqué doctement que des biens immobiliers ne sauraient servir de caution et qu’il aurait fallu verser en espèces ou par chèque certifié la somme de 1,8 milliard de francs pour laquelle le responsable socialiste et ses co-accusés sont poursuivis. Bien évidemment, là aussi, c’est toujours la même chose : devant la détermination, programmée en haut lieu, de renvoyer tout ce beau monde devant le tribunal correctionnel, aucun argument de droit et aucune jurisprudence ne sauraient prévaloir. Car enfin, de Ndèye Khady Diop à Khabane Fall (ancien percepteur de Dakar Source) en passant par Amadou Kane Diallo (qui s’apprête à faire son entrée officielle à l’APR !), ils sont nombreux les détenus à avoir cautionné des biens immobiliers pour humer l’air de la liberté. Mieux, on a même vu un individu cautionner un chèque en bois de deux milliards de francs pour ne pas aller en prison ! C’était sous l’actuel régime, lorsque l’opération « Mains propres — enterrée depuis — battait son plein. Moustapha Yacine Guèye, poursuivi dans l’affaire de l’ARTP, avait perçu indument deux milliards de francs (c’est quand même plus que ce que Khalifa est accusé d’avoir pris) du régulateur des télécoms, avait remis un chèque Sgbs de deux milliards de francs pour éviter de se retrouver à Rebeuss. A l’époque, nous avions appelé une autorité judiciaire pour lui dire que nous avions appris que le chèque de Moustapha Yacine était sans provision. Réponse de notre interlocuteur : « Moi-même, on m’a dit quelque chose du genre. On a déposé le chèque à l’encaissement (Ndlr, il était tiré sur un compte à Paris). En principe, ça dure 40 jours. Si ces allégations sont fondées, on avisera. » Eh bien, comme tous les Sénégalais ont pu s’en rendre compte, le chèque était effectivement en bois et Moustapha Yacine Guèye n’est jamais allé en prison. L’affaire avait été réglée dans le salon de son marabout… qui est aussi celui du juge en charge de son dossier !
Pour dire que là où il est permis de cautionner avec un chèque en bois, il doit bien être possible de donner en caution des biens immobiliers qui, eux, sont bien réels !
Mais bon alea jacta est (le sort en est jeté). Le sort de Khalifa Sall et consorts est entre les mains du juge Maguette Diop dont on espère qu’il saura dire le droit. Droit qui n’a pas été dit depuis le début de cette scandaleuse affaire Khalifa Sall !
Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » quotidien sénégalais
PS :
Je ne sais pas pourquoi mais, le sentiment que j’ai ressenti en apprenant le renvoi en correctionnelle du maire de Dakar, c’est le même — fait de peine et de rage impuissante évidemment — que j’ai éprouvé le jour où Macky Sall a été destitué de son poste de président de l’Assemblée nationale. Mais comme hier avec Wade, et aujourd’hui avec Macky Sall, je conseillerais à un adversaire réel ou supposé, à chaque fois qu’un président utilise sa force pour le brimer, de s’en remettre à Dieu qui est le meilleur des Juges…
Pour terminer, j’adresse ce message à mes amis personnels Mbaye Touré et Amadou Moctar Diop, détenus en même temps que Khalifa Sall : Courage car, si longue que soit la nuit, le soleil se lèvera inéluctablement !