Les faits, la procédure et la question de droit posée au Conseil constitutionnel.
Par un arrêté du 19 avril 2019, le gouvernement français avait décidé une augmentation discriminatoire des droits d’inscription dans les universités publiques, visant les étudiants étrangers extracommunautaires (De 170 € à 2 770 € pour la licence ; et 3 770 € pour le master [243 € avant] et le doctorant [380 € avant]). Le 25 juillet 2019, suite à une saisine d’associations d’étudiants visant à contester la légalité de cet arrêté, le Conseil d’Etat a sursis à statuer, et a soumis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité. Par cette question les étudiants demandent au Conseil constitutionnel de décider que l’article 48 de la loi de finances du 24 mai 1951, qui prévoit en son alinéa 3 que des droits d’inscription dans les établissements publics sont fixés par arrêté, n’est pas conforme à la constitution. Qu’il méconnait les exigences de gratuité de l'enseignement public et d'égal accès à l'instruction, telles que posées par le treizième alinéa du préambule de la constitution française de 1946.
Par une décision du vendredi 11 octobre 2019, le Conseil constitutionnel confirme le principe de gratuité de l’accès à l’éducation, mais rejette la demande des étudiants. Les avocats des associations étudiantes réclamaient un accès à l’université 100% gratuit, sans droits d’inscription. Ce qui ne correspond pas à la revendication des étudiants étrangers, qui ne refusent pas de payer les droits d’inscription. Ce qu’ils refusent c’est l’augmentation discriminatoire de ces droits, qui leur est opposée. Dès lors, on peut remettre en cause la pertinence et l’intérêt pour les étudiants étrangers.de cette question prioritaire.
Selon le Conseil constitutionnel, la gratuité et l’égalité devant le service public de l’éducation n’excluent pas des droits d’inscription et des différences tarifaires.
Il ne découle aucunement de cette décision que la mesure gouvernementale d’augmentation des droits d’inscription des étudiants étrangers est anticonstitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a rejeté la demande des étudiants et de leurs avocats, et autorise le gouvernement à fixer des droits d’inscription, malgré le principe de la gratuité de l’éducation qu’il réaffirme. A notre sens, les avocats des associations étudiantes ont manqué de poser au Conseil constitutionnel la question pertinente pour défendre les étudiants étrangers. La question prioritaire de constitutionnalité qu’ils ont posée est un remake d’une veille question de droit administratif que connait tout étudiant en droit : la gratuité du service public est-il compatible au paiement par les usagers d’un ticket modérateur ou de droits modiques ? La question pertinente pour les étudiants étrangers est de savoir si le gouvernement a le droit, en appliquant la loi de finances de 1951, d’instaurer une discrimination tarifaire entre les usagers du service public de l’éducation, et au détriment des étrangers ? Le Conseil d’Etat devra répondre à cette question, en décidant si le gouvernent français a le droit ou non de discriminer les étudiants étrangers, pour l’accès comme pour leur traitement dans le service public de l’éducation. Sauf si le Conseil d’Etat estime que les principes constitutionnels de gratuité et d’égalité d’accès à l’instruction ne concernent que les nationaux, la décision d’augmentation des frais d’inscription des étudiants étrangers sera annulée.
Toutefois, le Conseil d’Etat a déjà validé des discriminations tarifaires dans l’accès à l’éducation, au motif de l’intérêt général. Avec la limite que les tarifs les plus élevés ne dépassent pas le coût de fonctionnement du service public en question. Ce principe de discriminations tarifaires dans l’accès aux services publics a aussi été consacré par une loi de 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Cette loi précise clairement que les discriminations tarifaires ne font pas obstacle à l’égal accès de tous les usagers au service public. Le gouvernement français pourrait s’appuyer sur ce principe ; faire de la communication politique ; revoir sa copie et sa méthode ; invoquer des motifs d’intérêt général ; et adopter une nouvelle mesure d’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers. Mais ce serait une vaine peine, car les discriminations susceptibles d’être justifiées par l’intérêt général doivent avoir pour finalité de favoriser l’accès de tous les usagers au service public, notamment les plus démunis. Or les étudiants africains, dans leur grande majorité, ont moins de moyens que les étudiants français. Le gouvernement français pourrait aussi être amené à faire voter une loi pour entériner cette discrimination. La légalité d’une telle loi pourrait à son tour être contestée. En effet, le fait de financer l’université publique par des droits de scolarité exorbitants, imposés aux étudiants les plus pauvres, est une grave atteinte au principe d’égalité d’accès à l’instruction. Enfin, le gouvernement français pourrait aussi s’obstiner à faire adopter cette discrimination tarifaire en brandissant l’argument de la différence de situation appréciable (Une telle discrimination est admise par le Conseil d’Etat), sur la base de l’extranéité. Ce qui serait problématique pour les étudiants étrangers.
Le Conseil Constitutionnel ne dit pas que la gratuité et l’égalité d’accès à l’université concerne les étrangers au même titre que les français.
Si le gouvernement français brandissait l’argument de l’extranéité, les avocats des étudiants étrangers auraient du fil à retordre, avec des nœuds difficiles à dénouer. Les dispositions constitutionnelles ne disent pas que le principe de la gratuité du service public s’applique indistinctement aux français et aux étrangers. Il en ressort qu’il n’est pas possible de déduire de la décision du Conseil constitutionnel que les étudiants étrangers sont concernés par le principe de la gratuité et l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur.
Il faut trouver d’autres arguments pour démontrer que ce principe, posé par l’alinéa 13 du préambule de la Constitution française du 27 octobre 1946, concerne à la fois l’adulte français et l’adulte étranger. L’alinéa 5 de cette même constitution pose le principe qu’il ne peut y avoir de différence de traitement dans l’accès à l’emploi, en raison de l’origine. Ce qui voudrait dire que les étrangers ont les mêmes droits que les français d’accéder à l’emploi. Or il existe une discrimination légale dans ce domaine, au détriment des étrangers : Leur droit de travailler en France est subordonné à la délivrance d’une autorisation de travail (Article L5221-2 du code du travail). Mieux, l’alinéa 12 vise exclusivement les français quand il pose le principe de la solidarité et de l’égalité devant les charges dues aux calamités nationales. Mieux encore, si les avocats des étudiants étrangers se livraient à déduire de la décision Conseil constitutionnel la gratuité de l’enseignement supérieur pour ces derniers, tout étranger pourrait s’appuyer sur l’alinéa 18, stipulant que « la France garantit à tous l'égal accès aux fonctions publiques », pour dire qu’il a les mêmes droits que les français d’accéder aux fonctions publiques. Ce qui est une chimère !
Contrairement à ce que laissent penser le brouhaha médiatique et la liesse de certains étudiants étrangers, le combat ne fait que commencer, aucune bataille n’a été gagnée.
Aliou TALL,
Président du RADUCC.
[email protected]
Par un arrêté du 19 avril 2019, le gouvernement français avait décidé une augmentation discriminatoire des droits d’inscription dans les universités publiques, visant les étudiants étrangers extracommunautaires (De 170 € à 2 770 € pour la licence ; et 3 770 € pour le master [243 € avant] et le doctorant [380 € avant]). Le 25 juillet 2019, suite à une saisine d’associations d’étudiants visant à contester la légalité de cet arrêté, le Conseil d’Etat a sursis à statuer, et a soumis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité. Par cette question les étudiants demandent au Conseil constitutionnel de décider que l’article 48 de la loi de finances du 24 mai 1951, qui prévoit en son alinéa 3 que des droits d’inscription dans les établissements publics sont fixés par arrêté, n’est pas conforme à la constitution. Qu’il méconnait les exigences de gratuité de l'enseignement public et d'égal accès à l'instruction, telles que posées par le treizième alinéa du préambule de la constitution française de 1946.
Par une décision du vendredi 11 octobre 2019, le Conseil constitutionnel confirme le principe de gratuité de l’accès à l’éducation, mais rejette la demande des étudiants. Les avocats des associations étudiantes réclamaient un accès à l’université 100% gratuit, sans droits d’inscription. Ce qui ne correspond pas à la revendication des étudiants étrangers, qui ne refusent pas de payer les droits d’inscription. Ce qu’ils refusent c’est l’augmentation discriminatoire de ces droits, qui leur est opposée. Dès lors, on peut remettre en cause la pertinence et l’intérêt pour les étudiants étrangers.de cette question prioritaire.
Selon le Conseil constitutionnel, la gratuité et l’égalité devant le service public de l’éducation n’excluent pas des droits d’inscription et des différences tarifaires.
Il ne découle aucunement de cette décision que la mesure gouvernementale d’augmentation des droits d’inscription des étudiants étrangers est anticonstitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a rejeté la demande des étudiants et de leurs avocats, et autorise le gouvernement à fixer des droits d’inscription, malgré le principe de la gratuité de l’éducation qu’il réaffirme. A notre sens, les avocats des associations étudiantes ont manqué de poser au Conseil constitutionnel la question pertinente pour défendre les étudiants étrangers. La question prioritaire de constitutionnalité qu’ils ont posée est un remake d’une veille question de droit administratif que connait tout étudiant en droit : la gratuité du service public est-il compatible au paiement par les usagers d’un ticket modérateur ou de droits modiques ? La question pertinente pour les étudiants étrangers est de savoir si le gouvernement a le droit, en appliquant la loi de finances de 1951, d’instaurer une discrimination tarifaire entre les usagers du service public de l’éducation, et au détriment des étrangers ? Le Conseil d’Etat devra répondre à cette question, en décidant si le gouvernent français a le droit ou non de discriminer les étudiants étrangers, pour l’accès comme pour leur traitement dans le service public de l’éducation. Sauf si le Conseil d’Etat estime que les principes constitutionnels de gratuité et d’égalité d’accès à l’instruction ne concernent que les nationaux, la décision d’augmentation des frais d’inscription des étudiants étrangers sera annulée.
Toutefois, le Conseil d’Etat a déjà validé des discriminations tarifaires dans l’accès à l’éducation, au motif de l’intérêt général. Avec la limite que les tarifs les plus élevés ne dépassent pas le coût de fonctionnement du service public en question. Ce principe de discriminations tarifaires dans l’accès aux services publics a aussi été consacré par une loi de 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Cette loi précise clairement que les discriminations tarifaires ne font pas obstacle à l’égal accès de tous les usagers au service public. Le gouvernement français pourrait s’appuyer sur ce principe ; faire de la communication politique ; revoir sa copie et sa méthode ; invoquer des motifs d’intérêt général ; et adopter une nouvelle mesure d’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers. Mais ce serait une vaine peine, car les discriminations susceptibles d’être justifiées par l’intérêt général doivent avoir pour finalité de favoriser l’accès de tous les usagers au service public, notamment les plus démunis. Or les étudiants africains, dans leur grande majorité, ont moins de moyens que les étudiants français. Le gouvernement français pourrait aussi être amené à faire voter une loi pour entériner cette discrimination. La légalité d’une telle loi pourrait à son tour être contestée. En effet, le fait de financer l’université publique par des droits de scolarité exorbitants, imposés aux étudiants les plus pauvres, est une grave atteinte au principe d’égalité d’accès à l’instruction. Enfin, le gouvernement français pourrait aussi s’obstiner à faire adopter cette discrimination tarifaire en brandissant l’argument de la différence de situation appréciable (Une telle discrimination est admise par le Conseil d’Etat), sur la base de l’extranéité. Ce qui serait problématique pour les étudiants étrangers.
Le Conseil Constitutionnel ne dit pas que la gratuité et l’égalité d’accès à l’université concerne les étrangers au même titre que les français.
Si le gouvernement français brandissait l’argument de l’extranéité, les avocats des étudiants étrangers auraient du fil à retordre, avec des nœuds difficiles à dénouer. Les dispositions constitutionnelles ne disent pas que le principe de la gratuité du service public s’applique indistinctement aux français et aux étrangers. Il en ressort qu’il n’est pas possible de déduire de la décision du Conseil constitutionnel que les étudiants étrangers sont concernés par le principe de la gratuité et l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur.
Il faut trouver d’autres arguments pour démontrer que ce principe, posé par l’alinéa 13 du préambule de la Constitution française du 27 octobre 1946, concerne à la fois l’adulte français et l’adulte étranger. L’alinéa 5 de cette même constitution pose le principe qu’il ne peut y avoir de différence de traitement dans l’accès à l’emploi, en raison de l’origine. Ce qui voudrait dire que les étrangers ont les mêmes droits que les français d’accéder à l’emploi. Or il existe une discrimination légale dans ce domaine, au détriment des étrangers : Leur droit de travailler en France est subordonné à la délivrance d’une autorisation de travail (Article L5221-2 du code du travail). Mieux, l’alinéa 12 vise exclusivement les français quand il pose le principe de la solidarité et de l’égalité devant les charges dues aux calamités nationales. Mieux encore, si les avocats des étudiants étrangers se livraient à déduire de la décision Conseil constitutionnel la gratuité de l’enseignement supérieur pour ces derniers, tout étranger pourrait s’appuyer sur l’alinéa 18, stipulant que « la France garantit à tous l'égal accès aux fonctions publiques », pour dire qu’il a les mêmes droits que les français d’accéder aux fonctions publiques. Ce qui est une chimère !
Contrairement à ce que laissent penser le brouhaha médiatique et la liesse de certains étudiants étrangers, le combat ne fait que commencer, aucune bataille n’a été gagnée.
Aliou TALL,
Président du RADUCC.
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