POINT DE VUE

Centrafrique : Humiliation ? Pour qui ?


Alwihda Info | Par David KOULAYOM-MASSEYO - 10 Juillet 2014



Le dur adoubement de Catherine Samba Panza par ses pairs à Malabo a légitimement choqué les Centrafricains et tous les démocrates . Rarement, acte n’aura suscité autant de réactions passionnées ! Voici ma contribution à ce débat .

Contrairement à la plupart de mes concitoyens, je considère que c’est le prix à payer par la Présidente de transition pour être acceptée dans le syndicat des chefs d’Etat de l’Afrique Centrale qui sont ses bailleurs . Ce geste d’une goujaterie sans nom quand il s’agit d’une femme, qualifie plus ceux qui l’ont fait que celle qui l’a subi . Ce n’est qu’une réitération de celui que le Président tchadien a déjà imposé à Bozizé au sommet de Libreville . 
Faut-il rappeler que de Gaulle n’a pas été convié à Yalta et que les alliés ne l’ont pas mis au courant du débarquement du 5 juin 1944 ? Ce qui ne l’a nullement empêché de redresser son pays par la suite .

A mes compatriotes indignés, je demande quel est l’autre terme de l’alternative pour Madame la Présidente de la transition à Malabo ? Provoquer un clash par fierté et quitter  le sommet de Malabo ? Elle fait malheureusement de « l’avion stop » et ne dispose pas des moyens de sa colère . La fameuse main qui donne , reste toujours au-dessus de celle qui reçoit . Il s’agit de bailleurs, pas du tout démocrates et passablement phallocrates.
 
« L’humiliation » de Malabo n’est que la manifestation d’une profonde frustration du Président tchadien, déçu de constater l’échec de sa politique machiavélique en Centrafrique, obligé de retirer ses troupes de la Misca, accusé par l’ONU et ses agences de crimes et qui réagit en autocrate qu’il est . Il est regrettable que ses pairs l’aient suivi . Tous ces braves présidents oublient simplement que ce qui se passe aujourd’hui en Centrafrique peut se produire demain au Congo, au Gabon et surtout au Cameroun, pays à forte majorité musulmane et voisin de Boko Haram . Tous ces présidents qui dansent sur les cendres fumantes de la RCA sont plus à plaindre qu’à blâmer . Il vaut mieux aider le voisin à éteindre le feu qui brûle sa maison au lieu d’attendre son tour les bras croisés  .

Les propos du Premier ministre, comptant sur le mondial brésilien et le ramadan pour ramener une paix transitoire m’interpellent et m’indignent plus . Le premier ministre subodore -t-il qu’après le mondial et le ramadan, les Centrafricains seraient autorisés à se tuer à nouveau ? Comment gouverner en s’appuyant sur un calendrier qui ne dépend pas de vous ? 
 
     Enfin, au lieu d’exercer une pression intolérable sur la Présidente de la transition, le gouvernement français au travers de son ministre de la Défense ( déjà 7 voyages en RCA) ferait mieux d’ordonner aux militaires français sur place d’accomplir leur première mission : DESARMER les milices et PROTEGER les populations civiles . N’est-ce pas là, la première mission assignée à Sangaris en RCA avant de changer en plein milieu du gué ? La France ne sortira de son ambiguïté en Centrafrique qu’à son détriment .  Le désarmement est la clé de voûte de tout en Centrafrique . Tant que cette condition ne sera pas remplie, nous pouvons dores et déjà gager que le sommet de Brazzaville sera un autre grand coup d’épée dans l’eau . Comment négocier avec des hommes qui dissimulent leurs armes sous la table même des négociations ?  Quelqu’un peut-il me dire pourquoi malgré ses  dénégations, partout où passe l’ex Séléka la vie trépasse avec nos cours d’eau charriant des corps suppliciés d’innocents, des églises attaquées et de paisibles paysans chassés de leurs villages et leurs maisons brûlées ? . J’ai déjà écrit que le double langage, la manipulation des ex Séléka sont une insulte à l’intelligence des Centrafricains . Même le gouvernement n’arrive pas à articuler haut et fort la présence des ex Séléka et des Anti-balaka  en son sein au point de susciter le sommet de Brazzaville pour les y faire entrer …
 
L’impunité pour les tueurs, les violeurs et les pillards de tout acabit est perçue par les Centrafricains comme un encouragement . On ne pardonne qu’à celui qui a demandé le pardon . L’oublier c’est sûrement préparer des lendemains qui vont déchanter . Aussi, je plains ceux des Centrafricains qui vont se précipiter à Brazzaville : ils prendront une très lourde responsabilité en allant s’asseoir côte à côte avec des bourreaux sans foi ni loi, sans compassion, sans remords, sans projet pour la République centrafricaine.
 
David KOULAYOM-MASSEYO
Forum de Reims, 9 juillet 2014.

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