Ce n'était bien qu'un répit. Ce que tout Bangui pressentait s'est produit. Les premiers coups de feu ont retenti vendredi, vers 4 heures du matin. Quelques heures plus tard, de nouveaux cadavres repoussaient sur le « goudron ». La plupart percés d'une balle. La mécanique de la violence s'est réenclenchée jeudi après-midi après que des soldats tchadiens de la Misca ont été victimes d'une embuscade dans le quartier de Gobongo. L'un d'entre eux a péri et cinq ont été blessés. Aussitôt, la réplique s'est organisée, à coups de canon et de mitrailleuse lourde sur le quartier. Des tirs étaient également entendus dans les alentours de l'aéroport. Puis vendredi matin, un groupe de miliciens anti-balaka a tenté une avancée vers le quartier majoritairement musulman de PK5. Là encore, le contingent tchadien a été placé en première ligne pour bloquer les assaillants. L'essentiel des affrontements s'est déroulé dans le quartier de Bahia Doumbia. Pour nombre de musulmans, les soldats dépêchés par N'Djamena constituent le dernier recours, la seule force capable de les protéger, le reste de la population les exècre, estimant qu'eux et les ex-Séléka ne font qu'un. Voir nos explications en cartes : Carte : pourquoi la France intervient en Centrafrique « SI LES TCHADIENS RESTENT, IL Y AURA UN GÉNOCIDE » En remontant vers le marché de Gobongo, alors que l'opération « Sangaris » a engagé dans les rues de Bangui la totalité de ses moyens disponibles, un soldat français raconte que « c'est la journée la plus compliquée », et qu'« avec les Tchadiens l'écart se creuse de plus en plus ». La stratégie française de ralentissement du processus de désarmement fait bouillir les officiers tchadiens de la Misca. Selon eux, si les ex-Séléka ont accepté d'être mis en caserne, il est désormais urgent de s'en prendre aux milices qui combattent le pouvoir centrafricain et s'en prennent aux populations musulmanes. Quelques mètres plus loin, un groupe d'anti-balaka surgit au bord de la route. Ils sont armés de grenades, de vieux révolvers, de fusils à un coup ou de machettes. Leur discours se limite à quelques mots : « Il faut que Djotodia parte ». Les soldats français ne les désarment pas. En pénétrant dans le quartier, des habitants sont en train de détruire méthodiquement une mosquée à coups de masse. Les tôles de la toiture, les pas de porte, les chambranles de fenêtres sont emportés à la hâte. Les livres de prières sont déchirés. Après avoir fièrement brandi la pièce de métal taillée en forme de croissant qui surplombait quelques minutes plus tôt l'édifice religieux, Claver, qui se présente comme un juriste, détaille avec précisions l'action qu'il est en train de mener. « Nous faisons ça car nous n'avons plus besoin des musulmans. Ils ont la culture de la haine, pas nous car nous sommes des chrétiens. Si les Tchadiens restent, il y aura un génocide. Pourquoi Idriss Déby s'ingère dans nos affaires en contradiction avec la charte des Nations unies ? Il faut que la France fasse comme en Libye, qu'elle chasse Djotodia comme Kadhafi. Sinon on se retournera contre eux. On ne veut plus de l'islam dans ce pays. Nous sommes prêts à faire couler des rivières de sang. » 29 MORTS DEPUIS JEUDI Pendant ce temps, les blessés affluent dans la salle d'attente de l'hôpital communautaire. Couché sur le sol, Augustin a pris une balle perdue dans la cuisse droite. Aboubacar a été visé dans le dos. Michel à l'arcade. D'autres ont reçu des coups de machette, par tout ce qui peut faire mal. Chrétiens et musulmans se retrouvent ici unis dans la douleur. Vendredi en fin de journée, selon Médecins sans frontières, les deux hôpitaux en état de fonctionner avaient reçu près de 80 blessés. A la mosquée Ali Babolo, selon un dignitaire de la communauté musulmane, une quinzaine de corps attendaient en fin d'après-midi d'être mis en terre. « Les gens parlent de plus en plus de faire sécession au Nord. Tout le monde, de 5 à 60 ans, est énervé », raconte Ahmat Deliris. Dans la matinée, des journalistes ont manqué de se faire lyncher dans ce quartier majoritairement musulman. Ici, la France n'a plus bonne presse. Chams, un commerçant d'origine sénégalaise considère que « c'est l'arrivée de l'armée française qui a tout fait dégénérer. Les anti-balaka se voient maintenant en position de force. Pourquoi les Français ne sont-ils pas intervenus pour les arrêter ce matin ? Ils nous laissent à la merci de tout le monde. » Les autorités françaises, elles, jurent de leur impartialité. En fin d'après-midi, Adam Rhakiss, le nouveau directeur général de la police, prend le temps de souffler après une journée passée aux côtés des soldats de la Misca, essentiellement des Tchadiens. « Depuis le matin, on est parti pour nettoyer l'attaque des anti-balaka dans les quartiers de Boeing, Cattin et derrière l'aéroport. Maintenant tout est propre », dit il. Pour les journées du 19 et du 20 décembre, la Croix-Rouge centrafricaine avait recensé vendredi en fin de journée, 29 morts, un bilan très partiel. Cyril Bensimon Journaliste au Monde
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Centrafrique : « On ne veut plus de l'islam dans ce pays »
Alwihda Info | Par Djamil Ahmat - 22 Décembre 2013
A la mosquée Ali Babolo, selon un dignitaire de la communauté musulmane, une quinzaine de corps attendaient en fin d'après-midi d'être mis en terre. « Les gens parlent de plus en plus de faire sécession au Nord. Tout le monde, de 5 à 60 ans, est énervé », raconte Ahmat Deliris.
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