Par Alexis B. BELEKE et Félicien NDARATA
Le Président du Conseil National de Transition, ALEXANDRE FERDINAND NGUENDET se promène dans les rues de Bangui. © Diaspora Media
Chers compatriotes,
De toute son histoire, la République Centrafricaine (RCA) notre très chère patrie n’a jamais connu de crise aussi alarmante et déchirante que celle qu’elle traverse en ce moment. Le pays est tombé plus bas et les centrafricains sont devenus la risée de tous sur le continent africain. C’est la pire des humiliations jamais connues. Cependant, loin de faire porter tout sur le dos des puissances étrangères, nous en tant que centrafricains avons tous, d’une manière ou d’une autre notre part de responsabilité dans cette crise. Notre désintéressement en tant que membres de la société civile à la gestion de la chose publique, notre silence face aux injustices, notre adhésion au fanatisme, notre soumission aveuglante à nos leaders politiques et notre manque d’objectivité, de visibilité et de patriotisme ont laissé nos dirigeants brillés par leur immaturité et égocentrisme. Leurs ingratitudes et incapacités notoires en matière de gestion de la chose publique nous ont conduits dans cette situation.
Pendant de longs moments au pays les populations centrafricaines de tout bord sont restées muselées par cette peste horrifiante qui n’hésitait de la réduire au néant. Depuis longtemps nous avons crié au secours, personne ne semblait nous écouter. Aujourd’hui, grâce aux efforts multiples entre autres de l’Église catholique, des organismes humanitaires, les organisations non gouvernementales et certains compatriotes de bonne foi, la communauté internationale a fini par voler à notre secours. C’est l’occasion ici de remercier la communauté internationale en général, et en particulier la France mais surtout les chefs d’état de la communauté économiques des états d’Afrique centrale (CEEAC) qui n’ont ménagé aucun effort pour nous débarrasser de DJOTODJA et de son gouvernement de transition sans effusion de sang. Nous saluons la sagesse des membres du conseil national de transition (CNT) qui nous donne cette marge pour préparer la feuille de route pour la mise en place d’une nouvelle équipe de transition. On peut se permettre de dire que la balle est dans le camp centrafricain. Le monde entier nous observe pour voir ce dont nous sommes capables. Nous n’avons pas droit à l’erreur. C’est notre dernière chance. C’est pour cela que c’est maintenant où jamais qu’il faut profiter de cette présence des forces de la communauté internationale sur notre territoire (présence qui force tous les regards sur notre pays) pour montrer que nous, en tant que peuple, sommes aussi capables de prendre notre destinée en main. Concrètement, voici quelques propositions que nous faisons pour permettre à notre pays de se relever.
1. Critères du choix des nouveaux dirigeants de transition
Depuis quelques décennies, la RCA souffre d’une léthargie en matière du choix des hommes et des femmes capables de défendre les intérêts du pays. Au nom d’une prétendue raison d’équilibre géopolitique, l’administration centrafricaine tant au pays que dans les représentations diplomatiques est bourrée de personnes non qualifiées, faisant ainsi ternir l’image du pays. Les éternels assoiffés du pouvoir se sont servis de cette fourberie pour nous diviser, nous monter les uns contre les autres. Par exemple le fait de dire que :
pour ne citer que ces deux cas de figures. De telles allégations ont fait que le pays a sombré dans le chao absolu sur tous les plans; politique, économique et socioculturel. Ce que nous connaissons tous et que nous décrions aujourd’hui n’est rien d’autre que le corollaire de cette absurdité. Le jeu devient très compliqué surtout lorsqu’on associe les soi-disant partis politiques que l’on sait chez nous que
certains d’entre eux ne se limitent qu’aux membres de leur famille, avec un niveau d’instruction suffisamment réduit. Les charognards patentés et les vautours, les super «Tê ka mo tê gé» doivent savoir qu’ils n’ont plus leur place dans la sphère politique en Centrafrique.
Si nous voulons rebâtir un pays qui aspire à la paix et au développement, et qui veut laisser un héritage pour les générations futures, il est à la fois nécessaire et fondamental d’appliquer la philosophie de «l’homme qu’il faut à la place qu’il faut» dans tous les processus de recrutement à l’échelle du pays. En d’autres termes, la compétence, la probité et l’intégrité d’un individu doivent être les seuls critères recherchés dans son profil pour assumer un poste de responsabilité.
2. Désignation d’un nouveau président et premier ministre
Compte tenu de la complexité et la gravité de la crise que le pays traverse, pour les postes de président et premier ministre de la nouvelle transition, nous devons d’ores et déjà bannir de nos esprits les choses suivantes:
i. le soi-disant tandem «chrétien-musulman» que l’occident ne cesse de véhiculer et qui selon lui (l’occident), serait la meilleure formule pour éviter tout conflit interconfessionnel. Le couple DJOTODJA-TIANGAYE est une parfaite illustration de ce fameux tandem, et nous connaissons les résultats. Ne rentrons pas dans ce jeu de l’occident pour dénaturer la nature de la crise en RCA. Même s’il arrivait que les numéros 1 et 2 du futur exécutif centrafricain soient de différentes confessions religieuses, il est hors de question cela fasse partie de critères ou conditions d’éligibilité. Tous les deux doivent être centrafricains et posséder la carrure nécessaire pour faire face aux enjeux qui les attendent.
ii. la géopolitique qui consisterait à choisir un candidat à cause de son appartenance régionale ou ethnique. On ne devient pas président ou premier ministre pour servir une frange de la population, encore moins sa tribu ou sa région. On l’est pour servir sa patrie et garantir la sécurité des biens et des personnes sans exclusive sur l’ensemble du pays et celui des centrafricains de l’étranger. On n‘est pas dans un match de tennis ou de ping-pong où les services doivent être changés après un nombre établi de set.
iii. le concept à la fois farfelu et absurde de nominations fantaisistes et complaisantes des descendants des anciens chefs d'état à cause des noms de leurs pères, sans aucune compétence préalable en la matière. Les enfants des anciens présidents BOGANDA, DACKO, BOKASSA, KOLINGBA, PATASSÉ ou BOZIZÉ peuvent siéger dans un gouvernement ou dans n’importe quel poste de responsabilité, non pas parce qu'ils portent les noms de leurs pères, mais si et seulement s’ils ont le profile requis comme tout autre digne fille et fils du pays. Sinon, c'est contraire à la démocratie et cela démontre un manque de sérieux. La RCA n'est pas une monarchie. Même les enfants des monarques sont toujours formés et préparés pour assumer les rôles pour lesquels ils sont destinés.
2.1. Le président
Vu qu’une personnalité civile ne peut avoir les capacités et le pouvoir nécessaire pour désarmer et cantonner les ex-rebelles et milices, pacifier le pays en un temps record, former et restructurer l’armée pour garantir la sécurité sur toute l’étendue du territoire centrafricain avec ses nombreuses frontières poreuses, nous pensons que le futur président devra être choisi parmi les braves officiers supérieurs des forces armées centrafricaines (FACA) qui fait l’unanimité de l’ensemble des militaires centrafricains. Cet officier doit non seulement incarner l’armée centrafricaine, mais doit aussi être un fin stratège de la politique sous régionale, régionale et voire à l’échelle mondiale. À cet effet, Nous voyons le colonel Josué GALOUTI ou le général Lucien Guillaume NDJENGBOT capable d’assumer cette responsabilité.
2.2. Le premier ministre
Le premier ministre quant à lui devra être désigné parmi les personnalités militaires et civiles intègres, crédibles et apolitique. Le pays a besoin d’un technocrate qui fera de la rigueur et la
discipline son cheval de bataille. Il lui appartiendra de restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire centrafricain et chercher à recoudre l’image en lambeaux que la RCA n’a cessé de présenter sur l’échiquier international depuis une année. Nous projetons monsieur Jean-Pierre LEBOUDER ou l’avocat Me Zarambaud ASSINGAMBI à la hauteur d’une telle tâche.
3. Les membres du gouvernement
Le premier ministre va devoir former un gouvernement réduit composés des personnalités civiles et militaires crédibles, intègres et (non-politiques), capables de remettre l’administration centrafricaine sur les rails. Le pays a besoin de personnalités compétentes, des technocrates. Dans ce processus, il faut exclure ce fameux concept de géopolitique qui consiste à grossir le budget de l’État avec des figurants et opportunistes. Il va falloir nécessairement éloigner tous les leaders politiques et leur laisser le temps de se préparer pour les futures élections. Toutefois, les cadres des partis politiques compétents pourront faire partie du gouvernement pas au nom de leur parti politique mais en tant que centrafricains. Voici la liste de certaines personnalités que nous croyons capables de faire partie du gouvernement :
4. Délai de la nouvelle transition
Afin de réussir la transition et aboutir aux élections libres et crédibles, il est important d’accorder le temps nécessaire au nouveau gouvernement de crise pour pacifier, redéployer l’administration et restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du pays. Vu l’étendue du territoire national, c’est un long processus qui nécessite du temps et les moyens. Ce serait une grave erreur de vouloir précipiter les choses sans faire un travail de fond. Les cas au Mali et en RCA sont loin d’être comparables. Aussi, le copier-coller du modèle ou des idées de l’occident n’a jamais fonctionné chez nous, et ne fonctionnera jamais, simplement parce que les réalités sont très différentes. Le gouvernement va devoir convaincre la France et la communauté internationale d’accepter le délai de la nouvelle transition à 2 ans. Les élections à la va-vite ne résoudront rien. Les arguments ne manquent pourtant pas;
Mais il suffit de savoir les arranger et les présenter selon les règles de l’art. Cela requiert une équipe gouvernementale solide et crédible. Un mécanisme continu de suivi des différents processus sur le terrain chargé d’évaluer l’évolution des choses devra être mis en place et en fonction de ces informations, l’agenda de la transition pourra être redéfini ou révisé. L’agence nationale des élections (ANE) pourrait bien jouer ce rôle.
Le tout n’est pas de précipiter les élections qui ne sont pas en soi-même la panacée. Le plus important est de jeter les bases et les fondements d’un état fort capable d’assumer ces responsabilités.
Organiser les élections dans la précipitation profitera aux opportunistes de tricher, les résultats seront contestés, et on repartira à la case de départ dans le cycle infernal des coups d’état. Or c’est la pire des choses à éviter. D’ailleurs à ce sujet, une fois la paix retrouvée et les activités économiques relancées, avec les recettes de l’État centrafricain et la volonté politique, le gouvernement de transition peut organiser des élections libres, crédibles et transparentes sans apport majeur de la communauté internationale. Il est tant d’apprendre à se prendre en charge au lieu de se faire toujours assister. Sachant que la main qui paie commande, on n’aura jamais notre indépendance si on ne cesse de se ridiculiser et de s’infantiliser. C’est inconcevable que dans l’un des premiers pays africains à avoir organisé des élections sur le continent (1981), à chaque fois, il faut faire recours à la communauté internationale pour financer un tel exercice domestique.
5. Mise en place d’un conseil permanent et indépendant de contrôle de l’exécutif
Afin de défendre les intérêts de la RCA, la société civile doit s’organiser de manière à surveiller toutes les actions des politiques et rappeler à l’ordre quand cela est nécessaire à travers le mouvement de masse avec les populations. Pour se faire, il va falloir mettre en place un organe permanent et indépendant de contrôle de l’exécutif. Ces observateurs de la vie politique centrafricaine joueront le rôle de régulateur.
Afin d’éviter tout conflit d’intérêts et de garantir sa crédibilité et son indépendance, les membres de cet organe doivent être des personnalités actives dans la vie courante qui n’émargeront pas sur le budget de l’État, mais qui agiront bénévolement comme une organisation à but non lucratif. Ledit organe doit être constitué inclusivement des membres de la société civile incluant l’archevêque de Bangui Mgr Dieudonné NZAPALAINGA, le pasteur Nicolas GUEREKOYAME, l'iman Omar Kobine LAYAMA, l’avocate Me Édith DOUZIMA, Fulgence ZENETH, Gervais LAKOSSO, Me Mathias MOROUBA, Joel-Yvon WALLOT, Mme Brigitte KPINDA et bien d’autres personnalités fiables et crédibles. Ceux-ci devront s’organiser pour désigner un comité exécutif et avoir des antennes partout au pays. Cet organe travaillera en étroite collaboration avec les différentes diasporas centrafricaines à travers la planète. Les diasporas centrafricaines à leur tour devront s’organiser pour faire asseoir des groupes de réflexion dans leurs pays hôtes et travailler en synergie entre elles pour faire le lobbying auprès des gouvernements et institutions internationales.
Nous souhaitons enfin que la communauté internationale accompagne le pays dans le processus électoral tout en restant neutre, pour que le futur président de la république soit l’émanation de la volonté réelle du peuple centrafricain. Ce cauchemar imposé à ce paisible peuple n’est rien d’autre que la résultante des frustrations générées par des régimes totalitaires, prédateurs et autoritaires qui ont été malheureusement soutenus par le passé par certaines puissances étrangères occidentales pour des raisons d’intérêts, au détriment des valeurs qu’elles prétendent défendre. Au sortir de cette crise, nous aimerions voir s’établir des partenariats équitables entre la République Centrafricaine et d’autres pays, dans le respect des règles élémentaires de la démocratie et la réciprocité dans les jeux d’intérêts économiques.
Fait à Montréal le 12 janvier 2014
1. Alexis B. BELEKE Ph.D., Associé de recherche, Université McGill, Montréal (QC), Canada
2. Félicien NDARATA M.Sc., Gestion de développement international et action humanitaire, Université Laval, Québec (QC), Canada