ANALYSE

Centrafrique : la politique de la main tendue


Alwihda Info | Par GBANDI Anatole - 6 Janvier 2018



L'annonce de la livraison d'armes russes au président Touadéra a fait sortir de ses gonds le plus puissant des chefs de guerre centrafricains. Retranché dans l'extrême nord du pays, Nourredine Adam a toujours regardé de haut les Centrafricains. Ses hommes ont la gâchette facile : leurs principaux ennemis, les populations civiles dont ils ont brûlé de nombreux villages. Leurs exactions et leurs crimes qui auraient dû disqualifier leur chef dans les négociations de paix centraficano-centrafricaines ont, au contraire, fait de lui un interlocuteur incontournable.

1. LES CHOUCHOUS DE LA RÉPUBLIQUE

Jamais dans aucun autre pays du monde les rebelles n'ont été autant chouchoutés qu'en Centrafrique : ils sont dans pratiquement tous les gouvernements depuis Djotodia. Ils se trouvaient dans celui de Tiangaye, dans celui de Nzapayéké, dans celui de Kamoun ; ils se trouvent aujourd'hui dans le deuxième gouvernement de Sarandji, et occupent plusieurs postes dans l'administration, dans les grands corps de l'État, dans les cabinets. Ils ont été conviés à tous les pourparlers de paix dont ils ont systématiquement violé les accords. Quand un chef rebelle fut arrêté au Cameroun, des négociations furent diligentées pour qu'il fût libéré. Et il fut libéré.

Aucun rebelle n'est laissé en rade dans les pourparlers de paix. Il leur est institué une prime, le DDRR alors qu'ils continuent, comme à Paoua, de semer l'épouvante au sein des populations civiles. On leur a institué une prime, le DDRR avant même que leurs victimes réfugiées à l'étranger n'aient été entièrement rapatriées, avant même que les plaies qu'ils ont infligées au pays ne se soient cicatrisées.

2. UN PIED DEDANS UN PIED DEHORS

Quelles sont les dividendes de cette politique de la main tendue. Non seulement elles sont pour ainsi dire nulles, mais cette politique a accentué la pression des groupes armés sur le pays. Elle a entériné un nouveau paradoxe, celui de gouverner avec les gens qui ont un pied dans le gouvernement, un pied dans la rébellion, un pied dans la légalité, un pied dans l'illégalité.

Il semble que l'essentiel pour les rebelles c'est de durer, l'essentiel pour eux c'est d'exister, en ayant pour unique plate-forme idéologique les pillages, les massacres et l'espoir de prendre un jour le pouvoir. Avant cette étape ultime, chaque groupe rebelle aura un semblant de parti politique républicain, qui lui assurera, le cas échéant, un poste au gouvernement. Il y restera jusqu'au jour où il se fera limoger. Alors il tonnera, comme un obus, il tonnera : << Quoi ! Me chasser comme un malpropre ! Vous avez formé un gouvernement tribaliste, un gouvernement théocratique. Vous allez voir ce que vous allez voir ! >> Et il reprendra le maquis pour, en fait, postuler un autre maroquin. Les rebellions en Centrafrique sont devenues au propre et au figuré un véritable fonds de commerce.

3. LA CAROTTE ET LE BÂTON

Les rebelles ne sont pas des hommes politiques comme les autres. Pour discuter avec eux, il faut être en situation de force ou, à tout le moins, avoir une armée. Le gouvernement centrafricain n'a pas d'armée, et la MINUSCA qui aurait dû le mettre en situation de force n'est qu'une force d'interposition. Il ne restait donc au président Touadéra qu'à lâcher du lest en proposant des maroquins aux rebelles et en espérant, en retour, un assouplissement de leur position. Mais les rebelles en situation de force entraient au gouvernement sans concession, et même en accentuant leur travail de sape dans les provinces. C'est comme s'ils disaient : << Les portefeuilles ministériels, ce sont des miettes. Nous voulons le pouvoir, tout le pouvoir. Et nous avons les moyens de le prendre.>>

Cette politique de concessions unilatérales a renforcé les rebelles qui se sont crus en face d'un pouvoir faible qu'ils pouvaient manipuler à leur guise. Elle dégénère aujourd'hui en invectives entre le chef rebelle Nourredine Adam et le Premier ministre. Elle s'est pour ainsi dire retournée contre son promoteur, le président Touadéra. Est-ce à dire qu'elle était mauvaise ? Non, à condition d'être assortie d'un dispositif de coercition ou d'une force coercitive. Car la force dans un État de droit est l'apanage du pouvoir exécutif. Il n'existe pas, sur la planète, un seul pays en guerre qui ne dispose pas d'armée. Les dirigeants centrafricains l'ont compris, peut-être à retardement, mais ils l'ont compris. Voilà qui explique les déclarations incendiaires de Nourredine Adam, qui croyait ses pouvoirs de nuisances assurés pour l'éternité.

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