Par Alain Lamessi
Alain Lamessi.
Que dire de cette fin tragique du dernier musulman de Mbaïki : le compatriote Saleh Dido ? Que retenir de cette tragédie dont a été victime, comme des milliers d’autres, ce digne fils du pays dont le seul tort a été d’être musulman ? Il ne voulait pas partir parce qu’il croyait à juste raison qu’il était chez lui. Il a été lâchement assassiné parce qu’il était musulman. Paix à son âme ! Que la terre de la République centrafricaine qu’il a tant aimée, qu’il a tant servie lui soit douce et légère !!! Que le Dieu de toute consolation essuie les larmes de sa famille et de ses amis !
Massacrer en masse des musulmans, manger si besoin leur chair, détruire leurs biens et incendier des villages entiers. Le faire surtout au moment où les projecteurs de l’actualité sont braqués sur la République centrafricaine, à l’occasion du débarquement des militaires français de l’opération Sangaris, à l’occasion de la discussion et de l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, de l’Union européenne, de la commission des droits de l’homme de l’Union africaine ou simplement à l’occasion de la visite d’une personnalité internationale en République centrafricaine : Telle est la synchronie de la stratégie adoptée par certains compatriotes. Il fallait coûte que coûte transformer l’épopée macabre de la Séléka en une guerre de religions : musulmans contre chrétiens. C’était plus vendable. Ils l’ont fait, espéraient-ils, pour susciter l’émotion, attirer l’attention de la communauté internationale et in fine contraindre les différentes parties à accepter le principe du dialogue inter centrafricain qui aboutirait sinon à un hypothétique retour à la constitutionnalité, du moins à un partage de pouvoir.
Cette stratégie du pire tend, accessoirement, à semer la terreur au sein de la population et à montrer, si besoin en était, que la transition, dans sa forme actuelle, est incapable d’instaurer l’autorité de l’Etat. Est-ce par hasard que les critiques les plus virulentes à l’égard de la Présidente de la transition (à peine élue), Mme Catherine Samba-Panza, proviennent principalement de ce milieu et de ses affidés ? Au bout de seulement quelques poignées de jours, les voilà déjà qui enfourchent les trompettes de l’enfer pour prophétiser l’échec de la transition. C’est à croire qu’ils ne veulent pas que notre pays sorte de la crise pour que soit abrégée la souffrance du peuple centrafricain.
Après quatre mois de terreur la plus noire, instaurée par les « tontons macoutes des tropiques », force est de reconnaître que la réalité dépasse la fiction : Les morts ne se comptent plus. La désolation est à son comble dans tous les foyers. Les camps des déplacés sont toujours aussi nombreux et aussi pleins. « La nourriture rare et la mort facile » comme dirait Bouki, l’hyène, dans Les aventures de Leuk, le lièvre.
Cette petite stratégie, conçue et mise en œuvre par de petits hommes politiques au cœur de pierre et à la conscience de moineau, qui visent de petits objectifs politiques, a abouti à de résultats on ne peut plus catastrophiques qui ressemblent à s’y méprendre à un fiasco généralisé. L’avez-vous constaté ? Elle a surtout réussi, de façon magistrale, à faire oublier les atrocités innommables de l’exécrable Séléka, tant est grande la profondeur des horreurs que commettent chaque jour ces sbires. Ces horreurs révulsent la conscience humaine. Elles devraient révulser le cœur d’un homme ou femme normalement constitué (e). Réussir à faire passer au second plan l’inhumanité et la barbarie de la Sélaka, c’est que les Anti-balaka ont fait fort. Ils n’ont pas fait dans la dentelle pour mériter leur renommée mondiale d’impitoyables assassins, « épurateurs ethniques ». Ils sont inscrits, à leur corps défendant, dans le livre Guinness des records.
Lorsque la justification prend la forme de la propagande, cela devient de l’imposture. On a beau pervertir la vérité, on a beau tromper une partie du peuple et se tromper soi-même, en s’autoproclamant patriote ou résistant, on ne peut tromper l’histoire qui reste, après Dieu le Père, le juste juge. De la mémoire des centrafricains, on n’a jamais vu un tel déni de la vie. On n’a jamais vu un tel mépris des droits humains. On n’a jamais vu une telle ignominie.
En vérité, Séléka ou Anti-balaka: c’est kif-kif. C’est du pareil au même. Chrétien je suis, chrétien je demeure. Je ne ferai pas mienne la déclaration sibylline de l’autre qui reconnaît que les Anti-balaka ont fait du bon travail mais qui se sont hélas badigeonnés le corps avec je ne sais quelle matière biologique. Je ne succomberai pas non plus à la tentation de les maudire en criant qu’ils aillent en enfer où va rôtir pendant l’éternité leur âme damnée. Je continuerai d’intercéder, de nuit comme de jour, pour qu’au nom de Jésus-Christ s’arrête le bal des vampires dans mon pays ! Et que justice se fasse pour qu’enfin le peuple centrafricain se réconcilie avec lui-même !
Que Dieu bénisse la république centrafricaine.