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Fin de mission de la 4ème commission rogatoire des CAE au Tchad


Alwihda Info | Par - 9 Juin 2014


La 4ème commission rogatoire des Chambres africaines extraordinaires (CAE) a pris fin ce vendredi 06 juin 2014 au Tchad.


Son objectif était de poursuivre le travail des exhumations avec des experts argentins pour l’analyse des ossements, mais aussi l’audition de témoins et l’exploitation des archives de la DDS.  
L’occasion d’une rencontre qui a été saisie pour faire un round-up, avec ses membres sur les points saillants de ce dossier aux multiples interrogations.
 
Il ressort de cet entretien que des exhumations ont été faites au nord-est et au sud du pays. Des ossements ont été déposés au niveau du pool judiciaire pour analyse par une équipe spécialisée d’anthropologues, dont l'annonce des résultats est prévue au courant du mois de juillet. Il s’agissait pour la 4ème commission d’identifier des chantiers pouvant abriter des charniers, procéder aux exhumations pour enfin analyser les restes. Sauf rebondissement, cette 4ème commission sera la dernière, mais pour le moment la balle semble être dans le camp des experts argentins qui auraient fait leurs preuves, leur pays ayant subi une dictature entre 1976 et 1984, avec des cas similaires de personnes arrêtées et portées disparues. Leur expertise est courue un peu partout à travers le monde, comme c'est le cas en Tchétchénie, au Kosovo, et même en Afrique, dans des pays comme le Congo et la Côte d’ivoire.
D’après leur coordinateur, les membres de la commission ont travaillé sur indications de témoins de cette ère, mais aussi de certaines victimes qui ont travaillé au marquage dans la géo-localisation, de ces charniers grâce aux GPS de l’équipe. De source proche de l’enquête, des ossements ont été récupérés après avoir procédé à des fouilles en règle de ces zones.
L’équation de la plaine des morts
Interpellé sur les chantiers en construction qui poussent sur la plaine des morts, le procureur général que nous avons pu accrocher, a expliqué que cette urbanisation sur un lieu supposé être une scène de crime avait attiré leur attention. Une telle pratique ne les aide pas dans la localisation, a-t-il avoué. Ce qui fait que la seule option qui leur est offerte est de voir le film réalisé sur cette partie du pays par la commission d’enquête du Tchad vers les années 1991. Une équipe qui était dirigée par un magistrat, des membres de l’administration, des médecins. C’est, a-t-il dit, cette quête qui les a poussés à aller dans la région de Ambi, localité qui a connu l’exécution d’une centaine de militaires, dont seul un certain Bouchara a pu échapper. Des exhumations basées sur des indications précises y ont été faites.
Les éventuelles responsabilités sous cette ère
Sur d’éventuels responsables locaux de massacres, la commission a indiqué avoir recueilli en ce qui l’intéresse des témoignages très précis sur la période de 1982 à 1990, faits sur la base des indications de témoins et victimes. Des précautions ont été prises pour contrôler la véracité des faits et dans la limite de cette période. Des vérifications ont été faites, et il arrivait que rien ne soit trouvé, malgré certaines indications. Mais dans le sud, le travail des anthropologues va continuer encore une semaine à l'issue de laquelle les premiers résultats sont attendus.
Si du côté des associations, les présumées victimes continuaient à défiler, ce ne fut pas le cas pour cette 4ème commission rogatoire, où les membres n’ont pas noté une affluence véritable comme ce fut le cas pour les précédentes commissions, note-on.
La niche des présumés tortionnaires dans les sphères étatiques
Interrogé sur les plaintes des victimes relatives à certains présumés bourreaux ou personnes incriminées et identifiées au sein de la sphère étatique, le procureur M'backé Fall a indiqué avoir eu écho des ces informations glanées ça et là, mais leur souci est surtout de se conformer à leur mandat de l’Union africaine, à savoir la poursuite du principal ou des principaux auteurs des crimes internationaux commis durant la période indiquée. Cinq personnes sont considérés comme proches de l’ancien régime et ont eu à commettre certaines exactions; elles sont visées dans les réquisitoires et des mandats d’arrêt ont été lancés contre eux.
Pour ceux qui sont nichés peut-être dans les sphères de l’Etat et qui ont eu à commettre des exactions du temps de Habré, un dossier d’instruction a été ouvert au niveau de Ndjamena et concerne la poursuite des personnes supposées être des tortionnaires de Habré. Mais tout cela reste à être vérifié et il appartiendra aux victimes de le dénoncer en donnant des précisions fiables sur elles et sur les allégations portées, note le procureur général.
Le cas incertain de deux détenus tchadiens
Deux personnes détenues dans le cadre de l’instruction interne, font l’objet de mandat d’arrêt international, transmis aux autorités tchadiennes. Elles ont indiqué avoir reçu copie des mandats d’arrêt internationaux, puis étant officiellement saisi, elles se sont engagées à livrer ces personnes aux Chambres africaines pour la poursuite de l’instruction. Le message a été donné au procureur général, par le ministre tchadien de la justice, lors de la troisième commission rogatoire, puis réitéré à l’administrateur des Chambres africaines la semaine dernière par le même ministre. Leur non-livraison pourrait peser lourd sur la poursuite du procès.
« Nous osons espérer qu’il ne s’agit que de régler des modalités pratiques pour leur acheminement vers Dakar. Au point de vue du principe et l’engagement, nous avons des promesses fermes, de faire remettre ces deux personnes aux Chambres africaines. Au-delà des expertises et des rapports que nous attendons, c’est le seul point qui reste pour que le dossier puisse être bouclé. C’est ainsi que les choses pourraient aller très vite. Les juges pourraient procéder à leur inculpation et si besoin est, procéder à des confrontations » a expliqué le procureur général.
Ce transfert de prisonniers constitue le seul point d’achoppement pouvant retarder le procès, indique-t-on du coté de la commission rogatoire. Il appartient aussi à l’administrateur des Chambres de régler le problème des témoins et parties civiles à protéger, de voir des perspectives d’une organisation de l’audience. Le mois d’avril 2015 est pressenti pour être celui du procès tant attendu par les victimes, mais aussi par la Belgique et l’opinion internationale.
Une lumière sur le cas du turban de Habré
Mbacké Fall, le procureur général, a aussi été interrogé sur la suite donnée au cas du turban de Habré. Il est revenu sur les dispositions de procédure et ses exigences qui indiquent qu’un prévenu doit se présenter sur les lieux où officient les magistrats et les greffiers à découvert et dans le silence. C’est pourquoi, a-t-il dit que le Chambre d’accusation a donné raison au parquet.
« Maintenant l’application de cette décision de justice revient au parquet. Le problème était de savoir s’il fallait obliger de force cet inculpé. Mais compte tenu des possibilités de manipulation de la défense, nous avons joué la prudence, car la moindre éraflure ou blessure aurait été à l’avantage de la défense pour rameuter les organisations des droits de l’homme, pour dire qu’il est violenté, voire même torturé. Bien que le droit et la force de faire exécuter cette décision soit avec nous, pour des raisons d’apaisement, nous n’avons pas voulu pousser très loin, pour ne pas entraver l’instruction » a expliqué M'backé Fall, le procureur général. 
 
Fara Michel Dièye
 
Envoyé Spécial de Dakaractu au Tchad

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