POINT DE VUE

Hommage du Mouvement de février 2008 au Cameroun: Un an déjà, Remember Abel Eyinga


Alwihda Info | Par Kamegni T. Simplice - 16 Février 2015


16 février 2014- 16 février 2015: Un an après la mort de l'opposant historique Abel Eyinga, cette nouvelle continue à bouleverser de nombreux Camerounais. Le patriarche politique de la Région du Sud était très affaibli par une mystérieuse maladie qui l’avait rendu paraplégique.


Abel EYINGA était un symbole de la lutte anticoloniale, un opposant historique résiliant au régime dictatorial des deux premières décennies après l’indépendance de notre pays, un résistant acharné à l’oppression politique dont il a souffert dans sa chair.

Malgré son état, il était constamment sollicité par divers cercles de réflexion, même par ceux qui l’ont le plus combattu pour des contributions politiques ou scientifiques.

Abel Eyinga fait partie de ces jeunes Camerounais, brillants sujets de l’école française, pressentis pour prendre les rênes du pays dès l’accession à l’indépendance. Pour ce faire, il faisait partie tout comme Paul Biya et beaucoup d’autres, de l’écurie du Dr Louis-Paul Aujoulat, ce médecin de colonie qui repérait les jeunes appelés à former l’élite politico-administrative en opposition aux nationalistes de l’Union des populations du Cameroun (Upc). C’est ainsi que nanti de son baccalauréat, indique une source qui le connaissait bien, le jeune Eyinga s’envole pour la France. Destiné à faire des études de pharmacie, il opte plutôt pour le droit. Tête forte déjà à l’époque, il finit par convaincre son mentor et s’inscrit en faculté de droit de sciences économiques.(1)

Abel EYINGA était un symbole de la lutte anticoloniale, un opposant historique résiliant au régime dictatorial des deux premières décennies après l’indépendance de notre pays, un résistant acharné à l’oppression politique dont il a souffert dans sa chair.

La vie d’Abel Eyinga et de ses parents à Ebolowa ne sera pas du tout paisible. L’exil qui commence sera long et éprouvant. Il va durer 30 ans. On retrouve Abel Eyinga tantôt à New-York, en service au cabinet de Diallo Telli à la Représentation permanente de la Guinée aux Nations Unies ; tantôt à Paris, journaliste à Afrique – Asie. Mais, il n’oublie pas le Cameroun. Il y a toujours le cœur et surtout des idées plein la tête.

En 1970, Abel Eyinga annonce de Paris sa candidature à l’élection présidentielle contre Ahmadou Ahidjo. C’est un crime de lèse-majesté, un acte de subversion impardonnable. Eyinga sera d’ailleurs le seul homme à avoir ainsi osé défier Ahidjo. Non seulement sa candidature ne sera évidemment pas retenue, mais en plus, il sera jugé par contumace et condamné à mort. Un mandat d’arrêt international est émis contre lui.(2)

Le régime Ahidjo fait pression sur la France pour obtenir son arrestation. Finalement le Président français Georges Pompidou le fait expulser. Il trouve refuge en Algérie.

Au Cameroun, sa famille souffre le martyr. Les lettres qu’il essaie d’échanger avec les siens sont saisies. L’Ecole privée ouverte par son frère cadet Angounou est ostracisée. Son frère aîné est arrêté à sa place et jeté en prison sans ménagement. Il en sortira aveugle.

Avec le retour au multipartisme au Cameroun en 1991, il reçoit enfin un passeport camerounais et peut rentrer voir les siens, 30 ans après. Sous forte surveillance policière. On le file depuis Paris. A l’atterrissage à Nsimalen au milieu de la nuit, un jeune homme se montre très entreprenant pour l’aider à remplir ses formalités et à récupérer ses bagages. Il lui conseille de passer la nuit à l’Hôtel des Députés, le voyage pour Ebolowa pouvant être dangereux. Il hèle un taxi et installe l’opposant de retour. Au moment de partir, le conducteur a un mot pour le jeune homme entreprenant : « Au revoir Mon Commissaire ! ». « Vous avez dit Commissaire ? », lui demande Abel Eyinga. « Oui, c’est le Commissaire de l’aéroport ».

Ainsi sera faite la trajectoire de ce brillant intellectuel fidèle à ses idées et à ses convictions. Même sous le Renouveau triomphant où l’on n’a plus besoin d’aller au maquis pour exprimer ses idées.

La Nationale, le parti politique de sa création sera combattue avec hargne. Comme la laitière de la fable, Abel Eyinga verra son pot de lait se briser sur les réalités d’une société intolérable où la pensée unique est indéracinable.

Il n’a pas gouverné ce pays pour lequel il caressait le plus grand rêve ; il ne lui manquait pas les aptitudes nécessaires pour ce faire. Mais il n’aura pas vécu pour rien. Il demeurera une source d’inspiration pour tous les patriotes camerounais et une référence de valeur pour la jeunesse camerounaise si souvent déboussolée. L'histoire contemporaine est en train de lui donner raison.

Adieu Abel…..Que ton sang fortifie ceux qui prennent le chemin de la liberté.

(1)Jacques Doo Bell, Le Messager
(2) Melvin Akam, Aeud.info


Kamegni T. Simplice, Mvmt Fevrier 2008, Bruxelles

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