Dis moi quel sang coule dans tes veines, je te dirai qui tu es. Intrigués par la nature néfaste de l'ignoble criminel Ali Aref, nous avons décidé d'enquêter sur ce personnage afin de déceler l'origine de sa toxicité. Et s'il s'agissait d'une manifestation de l'atavisme ? Telle a été notre première interrogation. Autrement dit, nous nous sommes interrogés de prime abord sur la possibilité de l'origine héréditaire des traits de caractère d'Ali Aref. « Qualis pater, talis filius » dit l'expression proverbiale latine. Notre recherche sur la filiation de ce personnage nous a permis de corroborer notre hypothèse de départ, à savoir la question de l'hérédité criminelle. En effet, nous avons découvert le pedigree de son arrière grand-père Aboubaker Ibrahim Chehem qui surpasse, et de loin, son descendant en matière de criminalité. Si les crimes commis par Ali Aref à l'encontre des Djiboutiens pendant la période coloniale ont été abominables, ceux de son aïeul furent cruels et monstrueux. Mais quels sont ces crimes qui seraient plus effroyables que les forfaits du félon Aref ? Peut s'interroger toute personne qui n'ait pas encore eu vent des atrocités inhumaines commises par l'arrière grand-père de ce dernier. Révélations.
Nous levons, aujourd’hui, un coin de voile sur la vraie histoire de l'arrière grand-père d'Ali Aref, nous allons vous montrer le vrai visage d'Aboubaker Ibrahim Chehem. Un visage terrifiant et dénué d'humanité. Dans le dictionnaire « Trésor de la langue française », l'humain est défini comme ce qui « se réfère à l'ensemble des propriétés qui font qu'un homme est un homme » ou encore se montre « sensible à la pitié, fait preuve d'indulgence, de compréhension envers les autres humains ». Et l'inhumain désigne ce qui « n'appartient pas ou qui semble étranger aux dimensions de l'être humain » ou encore « qui manque d'humanité ». En d'autres termes, l'homme devient inhumain lorsqu'il transgresse les limites de la condition humaine pour reprendre l'expression de Sartre (ou de Montaigne) ou qu'il déshumanise son prochain, notamment en le réduisant en esclavage. C'est précisément ce qu'a fait le dénommé Aboubaker Ibrahim Chehem qui a commis le crime contre l'humanité le plus odieux qui soit, à savoir pratiquer à grande échelle un honteux trafic d'esclaves. Aussi incroyable que cela puisse paraître, notre pays a été une des plaques tournantes de la traite orientale. Et cette pratique ignominieuse s'étant déroulée dans le golfe de Tadjourah, en terre afar.
Si l'histoire de l'esclavage et la traite négrière atlantique sont généralement assez bien connues chez nous, rares sont les Djiboutiens qui connaissent le trafic d'esclaves opéré dans nos côtes entre le XIXe siècle et le début du vingtième siècle. Cette traite demeure curieusement l'un des faits de notre histoire les plus méconnus pour ne pas dire occultés. Ni les historiens encore moins les anthropologues ne se sont penchés sur cette barbarie. Jusqu'aujourd'hui, aucune étude sérieuse n'a été consacrée sur cet infâme trafic. Or, la traite négrière du golfe de Tadjourah fut incontestablement, à l'instar de celle de l'atlantique, un crime contre l’humanité aussi odieux qu'inhumain.
Tout au long du 19ème siècle, l'arrière grand-père d'Ali Aref a été donc le principal architecte de la traite négrière dans la Corne de l'Afrique. Les spécialistes de l'esclavage le qualifient même de « l'un des plus grands esclavagistes au monde ». Compte tenu des atrocités commises par Aboubaker Ibrahim, le vocable de « négrier génocidaire » est également celui qui le caractérise.
Qui est cet abject trafiquant d'esclaves ? Il s'agit de l'arrière grand-père du Judas djiboutien, Ali Aref. Le patronyme complet de ce dernier est le suivant : Ali Aref Bourhan Aboubaker Ibrahim Chehem. Né au début du 19ème siècle (vers 1800), Aboubaker Ibrahim a passé son enfance dans le hameau d'Ambabo. Sa famille s'y est installée après avoir été chassée de Tadjourah pour cause de dispute avec un membre du clan du sultan. Un bannissement douloureux pour la famille d'Ibrahim. D'autant plus que leur nouveau lieu d'habitation est un endroit paumé où pas une âme ne vit. L'aventurier français et natif de Tarbes, Davin Albert, affirme qu'Aboubaker « naquit de parents réduits à une pauvreté extrême ». Il est attesté que sa mère était une ad'ali de Tadjourah mais sa généalogie du côté paternel est peu claire. On prête , par exemple, à la famille Ibrahim Chehem des origines Galla (une tribu d’Éthiopie). Son grand-père Chehem serait un descendant d'esclaves, adopté par le clan Hassoba.
Dans le seul livre consacré au plus grand esclavagiste de la Corne de l'Afrique, intitulé « Abou-bakr Ibrahim, pacha de zeyla et marchand d'esclaves », « Marc Fontrier aborde la question du trafic des esclaves. A la page 51 de son livre, cet auteur souligne que « depuis fort longtemps, les Afar qui opèrent au détriment des populations des plateaux d'Éthiopie, du Harär et des Arusi se sont fait de la traite des esclaves une lucrative spécialité. Oromo et Guragé passent sans conteste pour leurs meilleures marchandises ».
A l'instar de ses contribules de Tadjourah, Ibrahim Chehem (le père d'Aboubaker) va lui aussi devenir un trafiquant d'esclaves. Comme l'esclavage se pratique de père en fils, Aboubaker est initié par son père comme le rapporte Marc Frontier dans son livre : « Au fil de ces chemins, le jeune Abou Bakr fait l'apprentissage de son métier. C'est une de ses premières expéditions. Son père a décidé qu'il serait du voyage. Ibrahim Shehem se prépare à traverser l'Awsa pour se rendre vers les marchés d'esclaves réputés de Dawowé, Abderasoul ou Bati, aux confins des royaumes d’Éthiopie. ». Cette odieuse pratique va lui rapporter beaucoup des Thalers (la monnaie de l'époque) : « L'entreprise familiale étant de bonne taille, les marges bénéficiaires réalisées par les Shehem leur assurent des revenus importants en dépit des nombreux droits acquittés. Tous frais généraux déduits, (…), une caravane rapporte en moyenne un bénéfice de trois cent thalers (monnaie de l'époque) par pièce vendue. ».
A ses quarante printemps, Aboubaker va perdre son père Ibrahim Chehem et deux frères (Makki et Mahammad), tous morts lors d'un combat opposant leur clan à celui du sultan de l'Awsa. Après la mort de ses proches, il intensifie son ignoble trafic, devenant ainsi l'un des plus puissants trafiquants d'esclaves dans la Corne de l'Afrique. Pire, il fait de Tajourah un centre de castration. Une fabrique à eunuques. L'eunuchisme ou l'émasculation étant cette pratique immonde et criminelle qui consiste à castrer un individu, le plus souvent jeune. Castrer veut dire ablation des organes génitaux mâles. L’objectif étant de priver le castré de ses capacités de reproduction, le rendre un eunuque. Une barbarie sans nom. On attribue les origines de cette pratique abjecte et inhumaine des eunuques à la reine moyen-orientale Sémiramis, la légendaire souveraine de Babylone qui créa les fameux jardins suspendus. On peut lire dans le livre « le monde des eunuques » que cette reine « aurait initié cette pratique auprès des prisonniers de guerre, afin d'affaiblir ses ennemis. On lui prêtait également des amants multiples qu'elle faisait émasculer après consommation ».
Au départ, Aboubaker ibrahim faisait castrer ses captifs en Éthiopie, notamment en pays Galla. La fabrique des eunuques était une pratique courante dans cette contrée comme l'a observée le géographe et ethnologue Philipp Paulitsche. Il a noté que « la castration est pratiquée par les Gallas, peuple au sud de l’Éthiopie, sur des garçons de dix à quinze ans, par l'ablation des testicules ; la plaie est soignée au beurre. Il sort des chargements entiers de ces eunuques par le port de Tadjoura, les fatigues du trajet et les mauvais soins tuaient 70 à 80%. » (propos rapporté par Tidiane N'diaye dans son livre « le génocide voilé » p.193).
Radin qu'il est, il n'a pas voulu payer un Thaler à des castrateurs abyssins, préférant délocaliser cette pratique immonde. Aboubaker a décidé que les opérations de castration se feront dorénavant à Tadjourah, ce qui lui permettrait d’économiser quelques thalers. Peu importe si les castrateurs afars ne sont pas aussi chevronnés que ceux de l’Éthiopie. Sur dix enfants mâles opérés, un seul survivait. Les eunuques qui ont eu la chance de survivre étaient ensuite exportés par la mer vers la péninsule arabique. La revue des deux mondes (1900) a estimé qu'il se faisait « dans le golfe de Tadjourah un commerce d'environ 20 000 esclaves par an, qui étaient exportés en Arabie ». La famille Aboubaker Ibrahim a pratiqué, à elle toute seule, cet abject trafic durant un siècle. Vous pouvez mesurer l'ampleur de cette traite génocidaire. Même s'il est difficile d'évaluer avec précision l'importance de la ponction démographique, nous pouvons soutenir que la traite négrière du golfe de Tadjourah pourrait très facilement dépasser le million d'esclaves. Elle est fut, par conséquent, la plus dévastatrice de la traite négrière de l'Afrique de l'Est. C'est ce qu'a souligné l'anthropologue Malek Chebel dans son livre « l’esclavage en terre d’Islam » : « C’est ici le moment d’évoquer un puissant personnage qui a marqué les annales : il s’agit d’Abû-bakr Shehem Ibrahim (1810-1885), le plus célèbre des trafiquants de la région. Pacha de Zeîla, port situé à l’entrée de la mer rouge, à quelques encablures de Djibouti, Abû-Bakr Ibrahim fut, en son temps, le plus important esclavagiste de la Corne. (…) Un dernier élément à charge : la « fabrique des eunuques ». (…) Le taux de mortalité élevé qu’il engendrait : plus de 80 % de morts, ce qui conférait à l’eunuque « réussi » une valeur inestimable. Une fois castrés et soignés avec du beurre, les eunuques étaient expédiés à partir de Tadjoura dans les pays voisins, au Yémen, en Arabie, en Mésopotamie et en Syrie. » (extrait pp. 175-176)
Le premier gouverneur de Djibouti, Léonce Lagarde, a qualifié le négrier Aboubaker de « forban » qui s’adonne à un « trafic honteux ». Paul Soleillet qui était un aventurier français établi à Obock en 1881 pour faire du commerce a, quant lui, dénoncé le « commerce honteux » de l'arrière grand-père d'Ali Aref. Il a écrit cette dénonciation dans une lettre qu'il a adressée au secrétaire général de la société de géographie, une lettre rédigée à Obock le 24 janvier 1883. Dans sa lettre, M. Soleillet détaille sans complaisance les modes opératoires du trafic d'esclaves d'Aboubaker Ibrahim : « Le père et le grand-père du pacha Aboubaker étaient les plus riches marchands d'esclaves de Tadjourah. (….) Voici comment ils opèrent. Au moment où j'écris (1883), ils ont deux routes pour revenir du Choa, l'une aboutit à Zeila et ne leur sert que pour le transport des marchandises tolérées, ivoire, café et peaux ; l'autre qui aboutit à Ambabo, propriété de cette famille, entre Tadjourah et Sagallo, est le point où ils font arriver leurs caravanes d'esclaves, composées d'enfants des deux sexes, destinées aux harems d’Égypte et de la Turquie. C'est à Ambabo qu'ils engraissent les filles et émasculent les garçons. Notre établissement de Sagallo les a gênés, les obligeant à aller se cacher un peu plus loin. On les mène par des routes parallèles à la côte, et là, par une nuit plus ou moins sombre, on les embarque sur un boutre qui les transporte à Hodeida, Djedda ou Moka. De là, au moyen de correspondants associés, on les fait parvenir à Constantinople et à Alexandrie. »
En somme, l'esclavagiste Aboubaker et sa famille ont semé la désolation et la mort chez des milliers et des milliers de ménages, commis des razzias, infligé des traitements inhumains à des êtres innocents et décimé des familles entières. Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour imaginer les effets dévastateurs du commerce honteux de cet esclavagiste sur les populations victimes et mesurer l'horreur de cette abomination. Combien de nos semblables ont été arrachés à leur terre, vendus comme du vulgaire bétail au sinistre marché aux esclaves de Tadjourah. Une effroyable barbarie !
Il est grand temps que la génocidaire traite négrière dans le golfe de Tadjourah, opérée par la famille Aboubaker Ibrahim Chehem et leurs contribules, soit examinée et étudiée, au même titre que la traite négrière transatlantique.
Nous levons, aujourd’hui, un coin de voile sur la vraie histoire de l'arrière grand-père d'Ali Aref, nous allons vous montrer le vrai visage d'Aboubaker Ibrahim Chehem. Un visage terrifiant et dénué d'humanité. Dans le dictionnaire « Trésor de la langue française », l'humain est défini comme ce qui « se réfère à l'ensemble des propriétés qui font qu'un homme est un homme » ou encore se montre « sensible à la pitié, fait preuve d'indulgence, de compréhension envers les autres humains ». Et l'inhumain désigne ce qui « n'appartient pas ou qui semble étranger aux dimensions de l'être humain » ou encore « qui manque d'humanité ». En d'autres termes, l'homme devient inhumain lorsqu'il transgresse les limites de la condition humaine pour reprendre l'expression de Sartre (ou de Montaigne) ou qu'il déshumanise son prochain, notamment en le réduisant en esclavage. C'est précisément ce qu'a fait le dénommé Aboubaker Ibrahim Chehem qui a commis le crime contre l'humanité le plus odieux qui soit, à savoir pratiquer à grande échelle un honteux trafic d'esclaves. Aussi incroyable que cela puisse paraître, notre pays a été une des plaques tournantes de la traite orientale. Et cette pratique ignominieuse s'étant déroulée dans le golfe de Tadjourah, en terre afar.
Si l'histoire de l'esclavage et la traite négrière atlantique sont généralement assez bien connues chez nous, rares sont les Djiboutiens qui connaissent le trafic d'esclaves opéré dans nos côtes entre le XIXe siècle et le début du vingtième siècle. Cette traite demeure curieusement l'un des faits de notre histoire les plus méconnus pour ne pas dire occultés. Ni les historiens encore moins les anthropologues ne se sont penchés sur cette barbarie. Jusqu'aujourd'hui, aucune étude sérieuse n'a été consacrée sur cet infâme trafic. Or, la traite négrière du golfe de Tadjourah fut incontestablement, à l'instar de celle de l'atlantique, un crime contre l’humanité aussi odieux qu'inhumain.
Tout au long du 19ème siècle, l'arrière grand-père d'Ali Aref a été donc le principal architecte de la traite négrière dans la Corne de l'Afrique. Les spécialistes de l'esclavage le qualifient même de « l'un des plus grands esclavagistes au monde ». Compte tenu des atrocités commises par Aboubaker Ibrahim, le vocable de « négrier génocidaire » est également celui qui le caractérise.
Qui est cet abject trafiquant d'esclaves ? Il s'agit de l'arrière grand-père du Judas djiboutien, Ali Aref. Le patronyme complet de ce dernier est le suivant : Ali Aref Bourhan Aboubaker Ibrahim Chehem. Né au début du 19ème siècle (vers 1800), Aboubaker Ibrahim a passé son enfance dans le hameau d'Ambabo. Sa famille s'y est installée après avoir été chassée de Tadjourah pour cause de dispute avec un membre du clan du sultan. Un bannissement douloureux pour la famille d'Ibrahim. D'autant plus que leur nouveau lieu d'habitation est un endroit paumé où pas une âme ne vit. L'aventurier français et natif de Tarbes, Davin Albert, affirme qu'Aboubaker « naquit de parents réduits à une pauvreté extrême ». Il est attesté que sa mère était une ad'ali de Tadjourah mais sa généalogie du côté paternel est peu claire. On prête , par exemple, à la famille Ibrahim Chehem des origines Galla (une tribu d’Éthiopie). Son grand-père Chehem serait un descendant d'esclaves, adopté par le clan Hassoba.
Dans le seul livre consacré au plus grand esclavagiste de la Corne de l'Afrique, intitulé « Abou-bakr Ibrahim, pacha de zeyla et marchand d'esclaves », « Marc Fontrier aborde la question du trafic des esclaves. A la page 51 de son livre, cet auteur souligne que « depuis fort longtemps, les Afar qui opèrent au détriment des populations des plateaux d'Éthiopie, du Harär et des Arusi se sont fait de la traite des esclaves une lucrative spécialité. Oromo et Guragé passent sans conteste pour leurs meilleures marchandises ».
A l'instar de ses contribules de Tadjourah, Ibrahim Chehem (le père d'Aboubaker) va lui aussi devenir un trafiquant d'esclaves. Comme l'esclavage se pratique de père en fils, Aboubaker est initié par son père comme le rapporte Marc Frontier dans son livre : « Au fil de ces chemins, le jeune Abou Bakr fait l'apprentissage de son métier. C'est une de ses premières expéditions. Son père a décidé qu'il serait du voyage. Ibrahim Shehem se prépare à traverser l'Awsa pour se rendre vers les marchés d'esclaves réputés de Dawowé, Abderasoul ou Bati, aux confins des royaumes d’Éthiopie. ». Cette odieuse pratique va lui rapporter beaucoup des Thalers (la monnaie de l'époque) : « L'entreprise familiale étant de bonne taille, les marges bénéficiaires réalisées par les Shehem leur assurent des revenus importants en dépit des nombreux droits acquittés. Tous frais généraux déduits, (…), une caravane rapporte en moyenne un bénéfice de trois cent thalers (monnaie de l'époque) par pièce vendue. ».
A ses quarante printemps, Aboubaker va perdre son père Ibrahim Chehem et deux frères (Makki et Mahammad), tous morts lors d'un combat opposant leur clan à celui du sultan de l'Awsa. Après la mort de ses proches, il intensifie son ignoble trafic, devenant ainsi l'un des plus puissants trafiquants d'esclaves dans la Corne de l'Afrique. Pire, il fait de Tajourah un centre de castration. Une fabrique à eunuques. L'eunuchisme ou l'émasculation étant cette pratique immonde et criminelle qui consiste à castrer un individu, le plus souvent jeune. Castrer veut dire ablation des organes génitaux mâles. L’objectif étant de priver le castré de ses capacités de reproduction, le rendre un eunuque. Une barbarie sans nom. On attribue les origines de cette pratique abjecte et inhumaine des eunuques à la reine moyen-orientale Sémiramis, la légendaire souveraine de Babylone qui créa les fameux jardins suspendus. On peut lire dans le livre « le monde des eunuques » que cette reine « aurait initié cette pratique auprès des prisonniers de guerre, afin d'affaiblir ses ennemis. On lui prêtait également des amants multiples qu'elle faisait émasculer après consommation ».
Au départ, Aboubaker ibrahim faisait castrer ses captifs en Éthiopie, notamment en pays Galla. La fabrique des eunuques était une pratique courante dans cette contrée comme l'a observée le géographe et ethnologue Philipp Paulitsche. Il a noté que « la castration est pratiquée par les Gallas, peuple au sud de l’Éthiopie, sur des garçons de dix à quinze ans, par l'ablation des testicules ; la plaie est soignée au beurre. Il sort des chargements entiers de ces eunuques par le port de Tadjoura, les fatigues du trajet et les mauvais soins tuaient 70 à 80%. » (propos rapporté par Tidiane N'diaye dans son livre « le génocide voilé » p.193).
Radin qu'il est, il n'a pas voulu payer un Thaler à des castrateurs abyssins, préférant délocaliser cette pratique immonde. Aboubaker a décidé que les opérations de castration se feront dorénavant à Tadjourah, ce qui lui permettrait d’économiser quelques thalers. Peu importe si les castrateurs afars ne sont pas aussi chevronnés que ceux de l’Éthiopie. Sur dix enfants mâles opérés, un seul survivait. Les eunuques qui ont eu la chance de survivre étaient ensuite exportés par la mer vers la péninsule arabique. La revue des deux mondes (1900) a estimé qu'il se faisait « dans le golfe de Tadjourah un commerce d'environ 20 000 esclaves par an, qui étaient exportés en Arabie ». La famille Aboubaker Ibrahim a pratiqué, à elle toute seule, cet abject trafic durant un siècle. Vous pouvez mesurer l'ampleur de cette traite génocidaire. Même s'il est difficile d'évaluer avec précision l'importance de la ponction démographique, nous pouvons soutenir que la traite négrière du golfe de Tadjourah pourrait très facilement dépasser le million d'esclaves. Elle est fut, par conséquent, la plus dévastatrice de la traite négrière de l'Afrique de l'Est. C'est ce qu'a souligné l'anthropologue Malek Chebel dans son livre « l’esclavage en terre d’Islam » : « C’est ici le moment d’évoquer un puissant personnage qui a marqué les annales : il s’agit d’Abû-bakr Shehem Ibrahim (1810-1885), le plus célèbre des trafiquants de la région. Pacha de Zeîla, port situé à l’entrée de la mer rouge, à quelques encablures de Djibouti, Abû-Bakr Ibrahim fut, en son temps, le plus important esclavagiste de la Corne. (…) Un dernier élément à charge : la « fabrique des eunuques ». (…) Le taux de mortalité élevé qu’il engendrait : plus de 80 % de morts, ce qui conférait à l’eunuque « réussi » une valeur inestimable. Une fois castrés et soignés avec du beurre, les eunuques étaient expédiés à partir de Tadjoura dans les pays voisins, au Yémen, en Arabie, en Mésopotamie et en Syrie. » (extrait pp. 175-176)
Le premier gouverneur de Djibouti, Léonce Lagarde, a qualifié le négrier Aboubaker de « forban » qui s’adonne à un « trafic honteux ». Paul Soleillet qui était un aventurier français établi à Obock en 1881 pour faire du commerce a, quant lui, dénoncé le « commerce honteux » de l'arrière grand-père d'Ali Aref. Il a écrit cette dénonciation dans une lettre qu'il a adressée au secrétaire général de la société de géographie, une lettre rédigée à Obock le 24 janvier 1883. Dans sa lettre, M. Soleillet détaille sans complaisance les modes opératoires du trafic d'esclaves d'Aboubaker Ibrahim : « Le père et le grand-père du pacha Aboubaker étaient les plus riches marchands d'esclaves de Tadjourah. (….) Voici comment ils opèrent. Au moment où j'écris (1883), ils ont deux routes pour revenir du Choa, l'une aboutit à Zeila et ne leur sert que pour le transport des marchandises tolérées, ivoire, café et peaux ; l'autre qui aboutit à Ambabo, propriété de cette famille, entre Tadjourah et Sagallo, est le point où ils font arriver leurs caravanes d'esclaves, composées d'enfants des deux sexes, destinées aux harems d’Égypte et de la Turquie. C'est à Ambabo qu'ils engraissent les filles et émasculent les garçons. Notre établissement de Sagallo les a gênés, les obligeant à aller se cacher un peu plus loin. On les mène par des routes parallèles à la côte, et là, par une nuit plus ou moins sombre, on les embarque sur un boutre qui les transporte à Hodeida, Djedda ou Moka. De là, au moyen de correspondants associés, on les fait parvenir à Constantinople et à Alexandrie. »
En somme, l'esclavagiste Aboubaker et sa famille ont semé la désolation et la mort chez des milliers et des milliers de ménages, commis des razzias, infligé des traitements inhumains à des êtres innocents et décimé des familles entières. Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour imaginer les effets dévastateurs du commerce honteux de cet esclavagiste sur les populations victimes et mesurer l'horreur de cette abomination. Combien de nos semblables ont été arrachés à leur terre, vendus comme du vulgaire bétail au sinistre marché aux esclaves de Tadjourah. Une effroyable barbarie !
Il est grand temps que la génocidaire traite négrière dans le golfe de Tadjourah, opérée par la famille Aboubaker Ibrahim Chehem et leurs contribules, soit examinée et étudiée, au même titre que la traite négrière transatlantique.