INTERVIEW

Johnny Yannick Nalimo : "Mon engagement n'a pas de prix"


Alwihda Info | Par Saint régis Zoumiri - 27 Mars 2015


En Centrafrique comme ailleurs, on ne cesse de parler de lui. M. Johnny Yannick NALIMO est journaliste centrafricain exilé au Cameroun. Sa plume et sa vision pour son pays ne cessent de réveiller la classe politique centrafricaine. Pour certains, ce journaliste est proche du KNK de François Bozizé, d’autres disent qu’il est adhérent du MLPC de Martin Ziguélé. « Je ne suis pas du MLPC ni du KNK ni membre d’un parti politique quelconque » a-t-il rétorqué. Il livre ses impressions au Quotidien Centrafricain PALMARES où il parle des questions sensibles qui touchent le quotidien du Centrafricain. Il est l’un des rares Centrafricains de la diaspora qui critiquent sans longue de bois le supplice du peuple centrafricain.


Propos recueillis par Saint Régis Zoumiri

1 : qui est Johnny Yannick Nalimo ?

Je tiens d’abord à vous remercier pour cette marque d’attention particulière, car vous vous enregistrez le premier média à me mettre publiquement à l’épreuve des mots, j’en suis honoré. Beaucoup sont ceux qui se renseignent nuit et jour sur ma carcasse au point de me coller des étiquettes qui n’honorent mes motivations et mon mobile citoyen. Je suis un Centrafricain né à Bangui, issu d’une famille chrétienne, qui a passé la majeure partie de son enfance à prêcher la bonne nouvelle du royaume de Dieu, mais qui après la fleur de l’âge obliqué temporairement au militantisme Céleste pour combattre les maux qui paralysent le progrès socioculturel en République centrafricaine. Aujourd’hui je m’affirme journaliste et je ne vis que de ce métier. Malgré mon enfance particulièrement marquée par de forts moments de solitude due au manque d’affection parentale et de certains égarements regrettables de la jeunesse, j’ai su par la grâce de mon Créateur, mais aussi des pluies de conseils que mon entourage ne cesse de me prodiguer, de parfaire mes multiples défauts pour être celui qui répond humblement à vos questions.

2- vous êtes centrafricain et vous vivez depuis quelques temps au Cameroun, que faites-vous au Cameroun ?

Quand il pleut dehors, le mieux serait de se mettre à l’abri. L’année 2013 en Centrafrique était très insupportable pour bon nombre de Centrafricains et particulièrement pour moi en raison de cette crise confuse, pendant les durs périodes des troubles dans notre pays, il était très facile de prendre B pour 8, raison de mon départ au pays hospitalier et reposant de Douala Manga Bel. Tous ceux qui ont de fortes convictions et qui sont appelés à faire bouger les choses dans un environnement de prédation ont souvent le malheur de connaître l’exil. Je ne suis pas au Cameroun de mon gré, ma magie ne s’opère qu’en Centrafrique. Actuellement, en plus de l’animation du site d’informations que j’administre à plein temps, je suis des cours de communication à l’Université de Douala.

3 - Vous êtes journaliste, quelle lecture faites-vous de la situation actuelle dans votre pays ?

Même si au travers de mes écrits, j’affiche quelque fois des prises de position opposées à celle de la politique transitoire en cours, je ne m’affirmerai pas pyrochinésiste, c’est-à-dire un lanceur de flammes. Je suis du même avis que ceux qui perçoivent la RCA comme une ambulance sur laquelle il ne faut pas tirer. Mais il faut toujours avoir les yeux rivés sur ceux qui sont aux affaires et qui pérennisent les vieilles habitudes. La situation sécuritaire semble s’améliorer dans certaines parties du pays, mais il reste beaucoup à faire pour garantir la sécurité sur l’ensemble du territoire car des massacres se poursuivent encore dans les villes sous contrôle des bandes armées. La situation humanitaire reste criarde en dépit d’une liste pléthorique d’ONG intervenants en Centrafrique; les centaines de milliers de déplacés attendent désespérément des initiatives politiques favorables à leur retour ; l’état transitoire doit tout mettre en œuvre pour qu’il y’ait reprise des activités agricoles, économiques et culturelles dans les zones déclarées vertes.

4- la classe politique centrafricaine se prépare pour un énième forum inter centrafricain. Croyez-vous sincèrement à une issue favorable de ce grand rendez-vous ?

Le vocable « sincérité » n’est pas vérifiable dans les démarches des politiques nationaux, bien avant et pendant la transition en cours. Toutefois, ce dialogue national inclusif est crucial pour une sortie de crise, il est capital pour la refondation d’une nouvelle démocratie en Centrafrique. Les centrafricains veulent comprendre pourquoi ils se sont retrouvés dans cette situation cauchemardesque. Ils veulent entendre les vérités des bouches de victimes et de leurs bourreaux. Ce dialogue est le labyrinthe du repentir du peuple centrafricain, les autorités transitoires se doivent d’indiquer la bonne direction à emprunter pour éviter de revivre l’effusion de sang. Pour vous répondre, j’optimise en faveur de la paix, de la sécurité et de la cohésion sociale sur fond d’un travail bien effectué au préalable afin que chaque centrafricain se retrouve dans ce grand rendez-vous national.

5-On vous taxe d’être très proche du KNK, d’autres disent que vous êtes un militant du MLPC, que leur répondrez-vous ?

Ces rumeurs me sont parvenues, elles sont tellement ridicules qu’elles me font rire par moments. Je côtoie des hommes politiques qui tiennent des partis avec qui j’ai de très bonnes relations, mais cela n’explique en rien mon engagement, car il n’a pas de prix. Ma plus grande satisfaction, c’est d’être du côté du peuple, car c’est de ce côté que la vie a plus de sens. Il m’arrive pour de diverses raisons de prendre position en défendant une pensée que je juge soutenable, mais là aussi ne signifie pas mon appartenance à une association politique. Je me souviens encore d’un lecteur du site Kangbi-ndara qui me taxait d’un journaliste proche de l’ex-rébellion de la Séléka tandis que bien d’autres sur Facebook ont pu, sur la base des inférences, faire des rapprochements entre les anti-balaka et moi, que des boniments ! Je ne suis pas du MLPC ni du KNK ni membre d’un parti politique quelconque. Je suis un habile militant de de la liberté d’expression, de la non-violence, du respect de la vie humaine, de l’unité du peuple centrafricain et de la sauvegarde de notre identité culturelle. Comme de nombreux africains, je prêche aussi l’unité africaine, je ne pense pas que le panafricanisme soit un parti politique (rire).

6- dites, que pensez-vous du forum de Nairobi qui vient de finir avec une signature d’un accord entre Bozizé et Djotodia ?

Voyez-vous par la pensée les anciens présidents François Bozizé et Michel Djotodia main dans la main devant les Centrafricains aux côtés des représentants de l’ex-Séléka et ceux des anti-balaka implorant tous le pardon du peuple ? Je pense que c’est cela les Accords de Nairobi, c’est cette lourde culpabilité qui pousse vers toutes sortes d’action visant à se disculper. Je dis toujours que si la paix et la réconciliation en Centrafrique doivent passer par les présumés auteurs de la division et du chaos, qu’ils soient les bienvenus mais, que la justice nationale fasse aussi son travail.

7-A l’approche des futures élections en RCA, on assiste à une pléthore de candidats à la présidentielle. Qui selon vous pourrait conduire la destinée de votre pays ?

Il est encore tôt. Vous êtes sans ignorer que l’Organe National des Elections (ANE) est loin de clore la liste des personnes qui veulent supplanter la présidente Catherine Samba-Panza et que c’est presque tout le monde qui convoite cette chaise fugace en Centrafrique. Je ne saurai faire le prix d’un poisson en liberté dans l’eau. Laissons le temps faire son temps afin que vous et moi puissions-nous prononcer sur chacun des candidats en fonction de leur histoire et de leurs programmes.

8- Avez-vous le sentiment que ces élections peuvent se tenir cette année alors que le pays est toujours en quête de sécurité ?

Qui va voter pour qui et dans quelles conditions sécuritaires ? À mon avis, c’est pratiquement impossible dans le contexte actuel à moins que la baguette magique n'existe. Même au Burkina Faso où la transition est apaisée, le facteur temps s’impose pour créer de meilleures conditions des élections à l’issu desquelles le pouvoir sera remis à un régime élu démocratiquement. Les aiguilles de la pendule électorale semblent tourner en faveur de ceux qui soutiennent la prolongation de durée de la transition pour une meilleure sortie de crise. De très bonnes sources au Palais de la Renaissance à Bangui, les élections couplées auront lieu en fin 2016, attendons de voir !

9- A quand rentrerez-vous dans votre pays ?

Dans très peu de temps car le temps est orageux de ce côté (rire).

10- Votre dernier message à vos compatriotes centrafricains ?

Que le peuple centrafricain cesse de vivre au présent, que toutes ses entreprises soient motivées par le souci des générations à venir, qu’il lègue des nuits de repos à ses progénitures, qu’il accepte la critique, l’opinion contraire n’est pas de l’adversité ni de l’inimitié. Qu’il s’abstienne de trahir son pays pour amasser des richesses éphémères ou l’estime des mortels. Qu’il travaille dur pour subvenir à ses besoins, qu’il aime son Dieu, son pays et son prochain, qu’il vive heureux et en sécurité sur son sol.

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