(Agence Ecofin) - Le président Idriss Déby Itno était à Paris ces jours pour rencontrer les autorités françaises, des entreprises du Medef et les médias dont il a accueilli quatre titres, ce samedi matin à son hôtel, parmi lesquels l’agence Ecofin.
S’adressant aux journalistes présents, le chef de l’Etat tchadien a déploré le traitement que la presse réserve généralement à son pays et à lui-même : « Vous reproduisez de faux clichés collés sur le Tchad. Je vous invite au Tchad. Vous serez bien accueillis. Vous êtes animés d’une curiosité de journalistes et c’est bien normal. Aussi nous vous ouvrirons toutes les portes. Vous serez satisfaits et vous verrez que tous ces faux clichés, c’est du mal que vous faites au Tchad, involontairement, car en réalité vous ne connaissez pas ce pays ».
Répondant aux questions des journalistes, il a exprimé son point de vue sur chaque sujet, regrettant parfois que le développement économique du Tchad ne suscite pas davantage de curiosité.
L’intervention au Mali
« Le Tchad ne s’oppose pas à la solution militaire mais si on peut régler partiellement, je dis bien partiellement, le problème du Mali par la négociation, ça vaut la peine d’être tenté. Ceci dit, sur le plan militaire, le Tchad n’a reçu aucune requête, ni de la CEDEAO, ni de l’UA.
Sur ce dossier, nous avons une convergence de vue avec les autorités françaises. Le préalable à toute solution, c’est que l’exécutif malien parle d’une seule voix, qu’il soit un exécutif fort, capable de dire précisément ce qu’il attend de la communauté internationale. Il faut que cet exécutif reconstitue une armée malienne forte. Personne ne peut intervenir au Mali sans l’armée malienne, qui existe, qui a des officiers de valeur, qui est connue en Afrique. »
La Libye voisine
« La Libye est un pays voisin du Tchad. Nous partageons une frontière de plus de 1000 km. Nous avons de bonnes relations. D’ailleurs le 12, nous recevrons le Premier ministre de Libye à Ndjamena. Il nous appartient à nous tous, pays voisins et amis du peuple libyen, d’apporter notre aide et tout le soutien nécessaire pour que la Libye sorte aussi vite que possible de sa situation de désordre. Personne dans le Sahel n’a intérêt à ce que ce désordre perdure car ce désordre favorise le terrorisme et tout le reste, y compris le trafic de drogue.
J’ai été contre l’intervention militaire en Libye. On m’a alors reproché d’être du côté de Kadhafi… C’est faux. S’il y a un pays qui a vraiment souffert du régime de Kadhafi, c’est bien le Tchad. Une partie du Tchad a été occupée pendant 25 ans par la Libye qui a détruit notre pays.
Ce que nous voulions dire, c’est qu’il était possible de faire partir Kadhafi sans provoquer un tel désordre. Il n’y avait jamais eu aucune institution en Libye. La seule institution que ce pays avait connue, c’était Kadhafi. On aurait au moins du accompagner les Libyens dans l’après guerre. Mais on n’a rien fait. Une fois Kadhafi éliminé, on est partis. Et c’est nous, au Sahel, qui prenons de plein fouet les conséquences de ces actions. »
L’emprunt à la Chine
« La Chine est une grande puissance, amie du Tchad. La Chine est incontournable aujourd’hui. Et ce n’est pas 1,5 milliard, mais 2 milliards de dollars que nous lui avons emprunté. Pourquoi avons-nous contracté ce prêt auprès de la Chine ? Parce que nous sommes le seul pays en Afrique à n’avoir pas eu accès à l’Initiative des pays Pauvres très endettés. Le seul pays ! Mais pourtant la population demande de l’eau, des écoles, des soins de santé… il n’y a pas d’autre choix que de frapper à la porte de ceux qui nous accueillent avec dignité, je dis bien avec dignité. Avec qui nous débattons des questions d’égal à égal.»
La rencontre avec le Medef
« Il n’y a pas eu de contrats signés. Nous avons rencontré une cinquantaine de chefs d’entreprises, dont beaucoup d’entre eux travaillent déjà au Tchad ou dans des pays proches du Tchad. Nous avons simplement abordé des questions liées au développement du Tchad : quel est notre programme ? C’est la question essentielle à laquelle nous avons répondu secteur par secteur. Le Tchad est un chantier à ciel ouvert et tout le monde est bienvenu pour participer à la renaissance de ce pays.
Je dis « renaissance » parce que pour la première fois depuis 1963, notre pays connait plus de 4 années consécutives de stabilité. Certes, nous nous trouvons dans un environnement en désordre, mais en ce qui nous concerne, nous sommes concentrés sur le développement de notre pays et nous ferons tout pour préserver notre stabilité. »
La CEEAC dans le conflit de la RD Congo
« Depuis 1994 ce grand pays au cœur de l’Afrique n’a pas connu de stabilité. Et sur la scène, depuis 1994, il y a les mêmes acteurs qui font et qui défont. C’est une situation préoccupante.
Tôt ou tard, les pays de CEEAC prendront part à la réflexion, aux échanges, à la recherche de solution pour que, définitivement, on laisse la RDC tranquille dans la stabilité. Ce sera le moment, entre nous, de nous dire des vérités. Et j’attends ce moment ! »
Le dialogue social au Tchad
« Un accord a été signé en octobre 2011 avec les syndicats. Le gouvernement a appliqué strictement cet accord qui devait amener les syndicats à des négociations en 2014. Donc, nous devrions connaître une trêve sociale jusqu’en 2014. La grande centrale syndicale qui a signé cet accord avec le gouvernement a violé cet accord. Mais puisque, de fait, cet accord est devenu caduc, le gouvernement est ouvert au dialogue pour parvenir à un nouvel accord. Mais dans la sérénité. Il faut donc reprendre le travail et ouvrir une discussion. Car il faut bien comprendre que si l’ensemble des recettes hors pétrole devaient être consacrées aux salaires, le peu qui reste ne permettra pas de réaliser des routes, des infrastructures... Nous ne pourrons pas répondre aux besoins des gens qui veulent être soignés, aux enfants qui veulent être éduqués. On ne peut pas tout attendre du pétrole qui est une ressource limitée. »
Propos recueillis par Franck Ba