Par Jean-Gualbert Togba
C’est un non dit du régime de la tutelle qui est appliqué à la Centrafrique depuis son existence entant qu’Etat dont cette crise a révélé la profonde distorsion entre le paraitre et la réalité. L’esprit du régime international de tutelle sous l’ONU se devait être protecteur et non destructeur, ni un régime de prédation.
Le régime de tutelle institué en 1945 « avait pour fin essentielle de favoriser le progrès politique, économique et social des territoires ainsi que leur évolution vers la capacité à s'administrer eux-mêmes ou vers l'indépendance. Il avait aussi pour objectif d'encourager le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de développer le sentiment de l'interdépendance des peuples du monde », ainsi définit l’ONU.
Les chefs d’Etat de l’Afrique central se transformant en un « Conseil de tutelle de la Centrafrique », agissant pour leur propre intérêt en empêchant une Nation à s’auto-administrer. Ce qui va à l’encontre des textes de l’ONU et enfreint à ses dispositions juridiques.
La Centrafrique est plus que jamais un Etat spolié de sa souveraineté, dont les centrafricains découvrent enfin avec fracas, les fresques du déboire d’une comédie d’intervention militaire tournée très vite en une intervention complice pour accomplir un plan machiavélique de partition comme cela l’a été aussi pour le coup d’état de la Séléka par Michel Djotodia.
La confirmation de la perte de souveraineté nationale mise à jour par la conférence de Malabo avec la Présidente de la transition expérimentant l’humiliation que François Bozizé a connue avec ce même « Conseil de tutelle de la Centrafrique ».
L’image de Madame la Présidente de transition Catherine Samba Panza dans la salle d’attente à Malabo telle une candidate à l’emploi attendant son interview, même pas un verre d’eau pour se désaltérer, retranscrit l’appauvrissement et la déliquescence humaine dont l’Afrique noire souffre à travers leurs dirigeants qui manquent d’une absence chronique de tact, de charisme, de la finesse et subtilité dans l’approche et la gestion politique et diplomatique tant nationale qu’internationale.
Enfin, cette image trahit la limite des hommes sans courtoisie, ni galanterie envers une femme cheffe de son Etat, comme eux.
Eu égard à cette image, nombreux sont les indignés offusqués - mais l’incompréhension subsiste devant cette interrogation de pourquoi Madame la présidente de transition n’a pu pousser un coup de gueule et quitter les lieux ? On se demande pourquoi il n’y a pas eu de communiquer officiel émanant de son cabinet pour condamner le traitement subit. Si cela peut paraître politiquement correct compte tenu de la fragilité de sa légitimité lui imposant une attitude en bonne intelligence, il n’en demeure pas moins que le lien de subordination à une limite surtout quand il s’agit de l’honneur et de la fierté nationale. La vague d’engouement et l’indignation sur cette image figée de Malabo en sa faveur allait changer les donnes dans les rapports de force.
En substance, on a presque oublié, par mauvaise foi, à tort ou à raison, qu’il n’y a pas longtemps, François Bozizé, encore président en exercice de la Centrafrique fut prié de quitter la salle de réunion pendant que Michel Djotodia, un chef rebelle s’entretenait avec ses mêmes présidents de la sous région, « le Conseil de la tutelle de Centrafrique», pour régler les détails du coup d’état qu’ils ont planifié, sans que cet état de fait suscita la moindre indignation ! Même si Bozizé ne fit pas l’unanimité, la répétition du mépris est tout simplement le fruit de l’inconsistance politique nationale centrafricaine. Aujourd’hui hypocritement les langues des indignés se délient pour le même fait hier qu’ils ont applaudi. Preuve de manque d’honnêteté et de lucidité car la logique est une science cohérente et constante qui ne varie pas en fonction du sujet.
J’évoquais dans un précédent post que la Présidente de transition a tout intérêt à remettre la classe politique au centre de cette transition. D’être entourée par la classe politique centrafricaine pour des décisions politiques à prendre et non juste des consultations sporadiques de circonstance. Rattraper par les événements de Malabo et par les propos du ministre français de la défense Jean-Yves Le Drian, qui affirme que le processus politique est en panne, rendent impératif la question d’intégration de la classe politique au cœur du dispositif de la transition.
Ce n’est pas avec la société civile, ni les groupements de quartier, de village ou de Région qu’elle doit prendre des grandes décisions politiques pour gérer une crise de cette importance.
On a tendance à oublier qu’il s’agit de faire, réfléchir, prendre des décisions politiques d’un Etat, à discerner de la direction, du management d’une entreprise ou d’une structure de quelque nature que ce soit.
Il faut reconnaitre que si la communauté internationale plus particulièrement les chefs d’Etats de l’Afrique centrale se sont constitués en « Conseil de la tutelle de Centrafrique » agissant avec ostentation dans le dénouement de la crise, c’est parce que l’espace politique nationale est vide. Ils creuseront encore d’avantage dans l’ornière du malheur centrafricain pour faire de la RCA leur vache à lait aussi longtemps que la crise perdure, et pour cela il faut imposer le dialogue national où les groupes rebelles iront encore signer des accords de paix, lesquels accords sont les nœuds du malheur centrafricain. Et rebelote ! C’est un eternel recommencement, retour à la case départ qui fait le bonheur des prédateurs. Le peuple centrafricain n’en veut pas et ne marche plus à la carotte.
Le dialogue ou forum national, au vu de l’histoire politique de la Centrafrique s’avère être une méthode caduque, improductive, qui incite à la violence armée et supporte la prédation.