"La déchirure", un chef-d'oeuvre littéraire écrit par le tchadien Abbas Kayangar.
Né à Abéché, au nord-est du Tchad, Abbas Kayangar est diplômé en administration des affaires (Benin), en administration de base de données et en négociation. Policier de formation, spécialiste en techniques de l’anti- criminalité. Il est récipiendaire de médailles et distinctions honorifiques de l’ONU. Ancien chef de la Brigade Anti-Criminalité (BAC) de la police judiciaire et Interpol, coordinateur de sécurité des institutions bancaires et membre de la Commission d’enquêtes sur les crimes et attaques à main armée. En Haïti sous la bannière de l’ONU, il occupa durant près de trois ans le poste d’adjoint puis de chef du névralgique Centre des Opérations de la Police des Nations Unies. Depuis 2007, il vit avec sa famille à Montréal au Canada. Écologique dans l’âme, il voue une profonde admiration pour la flore et la faune terrestre et marine.
Alwihda : Comment avez-vous eu l'idée d’écrire "La déchirure" et quels sont les éléments qui vous ont motivés ?
Abbas Kayangar : Merci de m’accorder cet honneur. Entre guillemet, nous "écrivons" chaque jour à travers nos faits et gestes. En écrivant ce tout premier livre, j’ai voulu transcrire ma vision des choses à travers un certain nombre de freins qui minent la société africaine comme les mariages forcés ou l’excision. Loin d’être porté par un dramatisme lyrique, écrire pour moi, est une façon pour « m’exorciser », de voyager par le biais des pages blanches qui se remplissent des lettres traduisant ma manière d’inventer et de raconter des histoires.
Aviez-vous un message à faire passez à travers "La déchirure" ? Quel est votre objectif en publiant ce livre ?
La déchirure est juste un cri du cœur pour compatir avec le sort de nos mères, nos sœurs, nos filles et nos épouses… Je m’insurge également dans cet ouvrage contre tous ceux qui pensent trouver le bonheur en Occident en faisant un voyage périlleux pour soi-disant mettre les pieds sur la terre promise. Quelle terre promise ? Il est triste e révoltant de voir chaque jour les drames des migrants africain. Aucun objectif caché quant à l’écriture de cet ouvrage. Écrire est pour moi une façon de faire passer une émotion, un sentiment, de guérir mes blessures, d’essuyer mes larmes, d’estomper mes peines, mais c’est aussi une manière de toucher les lecteurs, de provoquer quelque chose en eux, de susciter des interrogations.
Quelle est la place de l’enfant dans votre ouvrage ?
Un peu au-delà de la simple histoire, je suis consterné par le sort des femmes et des enfants qui souffrent le martyr dans nos campagnes, nos villes et de par le monde…Je suis profondément offusqué par le sort des enfants-soldats et ceux qui travaillent malgré leur jeune âge. La place d’un enfant n’est pas au sein des groupes armés, des gangs, des réseaux de prostitution et de trafique de drogues. L’enfant ne doit pas être une chair à canon, un kamikaze. Il n’a pas sa place dans les champs, dans les marchés pour transporter le lourd panier de la ménagère ou vendre des marchandises. Sa place n’est pas dans nos rues pour y mendier…Il doit être choyé et envoyer à l’école pour son éducation et son épanouissement.
Pourquoi le titre "La déchirure" ? Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
Le titre évoque en lui-même bien de choses, un Occidental qui débarque en pleine brousse africaine complètement désorienté par rapport à sa culture d’origine. Une société africaine déchirée par les traitements réservés aux femmes, aux enfants…Beaucoup de freins handicapent notre société. Chaque Homme est déchiré, tiraillé par ses contradictions. Si je peux me permettre, le but premier de l’écriture est bien de garder trace des choses. C’est en quelque sorte une thérapie personnelle…
Abbas Kayangar.
Comment s'est déroulée l'écriture du livre ?
Comme tous ceux qui écrivent, j’ai fait face à des nombreux défis, le syndrome de la page blanche et bien de choses, mais pour résumer, j’aime bien lire et écrire. Et c’est le vecteur essentiel dans un projet littéraire. J’écris comme je peux, en faisant tourner les intrigues dans ma tête tout en marchant dans la rue ou en vaguant à mes occupations… Je suis sujet à un brainstorming constant pour savoir quoi écrire dans l’ouvrage dans le seul souci de ne pas froisser les autres et partager le peu que j’ai.
Vous parlez d’une localité, est-ce au Tchad ?
Elle est une localité qui n’a jamais existée. Du moins, elle est dans ma tête, dans mon cœur, dans l’air qui brise, dans les nuages qui se chevauchent …Elle peut-être, partout en Afrique subsaharienne. En lisant l’ouvrage, libre à vous de choisir votre situation géographique pour adapter l’intrigue de l’ouvrage. Et si une ville porte ce nom, je m’en excuse auprès de ses ressortissants, ma ville dans ce livre est virtuelle, imaginaire, mais à la fois réelle et palpable au fil des pages.
« Par la force de la volonté on peut soulever des montagnes. Je peux dire aussi que par la pertinence du verbe et la profondeur de la plume, on peut gagner des grandes batailles. »
Avez-vous d’autres projets d’écriture ?
Écrire est comme la drogue. Quand on commence, il est souvent difficile d’arrêter. On y devient accro ! Qui peut prédire l’avenir ? Peut-être d’autres livres, peut-être jamais… Par la force de la volonté on peut soulever des montagnes. Je peux dire aussi que par la pertinence du verbe et la profondeur plume, on peut gagner des grandes batailles. Je pense ici aux milliers de Norbert Zongo qui ont payé de leur vie pour leur plume critique…
Un dernier mot : vos auteurs préférés ?
Ma préférence gravite, entre autre, autour de koulsy lamko, Karkason, Alain Mabanckou, Dany Laferrière, Yasmina Khadra, Tahar Ben Djelloul, Chinua Achebe, Tchicaya U Tam’si, Aimé Césaire, Agatha Christie, Gérard de Villiers, le grand Gabriel Garcia Marquez et tout ce qui peut se lire…Pour aussi dire, j’ai dévoré les « enseignements oraux » de mes défuntes grands-mères. Et aussi notre défunt grand poète et virtuose de l’oralité, Moussa Chauffeur.
Je vous remercie !
Ce fut pour moi, un immense plaisir de vous parler.
"La déchirure", un chef-d'oeuvre littéraire écrit par le tchadien Abbas Kayangar.