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La jonction Boko Haram-Daech, redoutée mais "improbable" (expert)


Alwihda Info | Par - 4 Janvier 2016


L'improbabilité réside dans la nature d'une allégeance de propagande et de la détermination des Occidentaux à "prendre le problème à bras le corps".


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La jonction redoutée en territoire africain entre les deux groupes terroristes alliés, Boko Haram et Daech, est "improbable", selon Léon Koungou, auteur du livre "Boko Haram, le Cameroun à l'épreuve des menaces", dans un entretien avec Anadolu.

L'improbabilité de ce scénario est à chercher dans les bases fragiles qui rattachent Boko Haram à Daech, mais également dans "la détermination" occidentale à prendre "le problème à bras le corps", selon des sources concordantes.

“Cette alliance ne risque pas d’avoir de conséquences immédiates en termes de collaboration et d’opérations conjointes. En réalité, il pourrait même s’agir d’un appel à l’aide, vu la série de défaites essuyées par Boko Haram” prédisait déjà, en mars l'éditorialiste du Guardian, Simon Tisdall dans un article "l'alliance Daech-Boko Haram n'est rien de plus qu'une propagande superficielle".

En mars 2015, Boko Haram prêtait allégeance au groupe terroriste Daech, alors au summum de sa puissance et étendant ses tentacules sur de vastes territoires en Syrie et en Irak. Boko Haram devenait la "Province" de Daech en Afrique de l'Ouest, alors que les armées de 4 Etats (Cameroun, Niger, NIgéria, et Tchad) guerroyaient contre ses troupes depuis le début de l'année en leur infligeant de lourdes pertes.

Pour Léon Koungou, l'improbabilité de la jonction réside déjà dans la nature de l'alliance prêtée, à caractère "purement opportuniste" et qui "intervient au moment où la stratégie de lutte intégrée des Etats (...) se met partiellement en marche sur le plan opérationnel."

Dans la même période, souligne cet expert, le partenariat bilatéral entre le Cameroun et le Tchad s'est déclenché avec l'opération Logone qui a vu un contingent tchadien arriver au Nord-Cameroun pour soutenir les forces camerounaises (6000 hommes). Une "inflexion de la souverainté", a, en outre, permis au Tchad d'intervenir en territoire nigérian et de reprendre certaines localités occupées par Boko Haram.

"Tous ces aspects ont vu le renversement du rapport de force, alors devenu défavorable à Boko Haram, d'où l'allégeance à Daech. De la guerre presque conventionnelle observée dès janvier 2015, on est revenu au registre du terrorisme classique avec les attaques kamikazes. Il convient alors de souligner que l'allégeance à Deach n'augurait pas une montée en puissance sur le plan conventionnel", poursuit Koungou.

Pour autant, la jonction interpelle les analystes après les défaites infligées au groupe terroriste Daech en Syrie et en Irak. Fin décembre dernier, il se faisait déloger de la ville irakienne de Ramadi (Centre), par les troupes irakiennes aidées des forces américaines. Par ailleurs, l'intervention russe entamée fin septembre dernier se proposait pour objectif de "rayer" ce groupe de la carte. D'où la crainte de voir la Libye, où Daech a ouvert sa première succursale en juin 2014 à Syrte, se transformer en base arrière du terrorisme daechien, avec un Boko Haram qui accourrerait à la rescousse.

De fait, un nombre évoluant entre 80 et 200 membres de Boko Haram seraient déjà dans la ville Libyenne de Syrte, à en croire l'analyste nigérian Jacob Zenn dans un article publié par "The Sentinel magazine" édité par la Jamestown Foundation, basée à Washington. A ce constat s'ajoutent des rapports de presse, relayés notamment par le New York Post, faisant état de "milliers de suspects arrêtés alors qu'ils étaient en train de quitter le Nigéria", probablement vers le sol libyen.

Ce scénario de jonction est certes "redouté" car la zone s'érigerait, alors, en base-arrière du terrorisme international dont les actions seraient prioritairement portées vers les intérêts occidentaux, selon Koungou. D'autant plus qu'un foisonnement avec d'autres organisations terroristes pourrait s'opérer en raison de l'opportunisme de ces groupes qui n'excluent pas les volte-faces.

"Pour ces acteurs, Al-Qaida et Daech, sont d'abord des labels qui peuvent être mis à contribution pour des entreprises purement crapuleuses", explique Koungou. Il s'en suit que ces groupes "nouent des alliances en fonction des intérêts et des conjonctures."

Mais l'improbabilité du scénario tient également pour Koungou à l'attitude occidentale, notamment française, qui aurait "pris le problème à bras-le-corps."

"La France a installé à Madama (Nord-Niger, sur les frontières libyennes) une base avancée de sa force régionale Barkhane. Du point de vue géographique, la Base de Madama tout comme le territoire nigérien sous contrôle de l'opération Barkhane, est une zone tampon", analyse-t-il.

Ainsi, tant la montée en puissance de Barkhane, la mise en oeuvre de la force régionale mixte des Etats de la région, la reprise de la coopération militaire, gelée en 2014, entre les puissances occidentales (Etats-Unis, France) et le Nigeria, le déploiement annoncé de 300 militaires américains au Cameroun pour aider à la lutte contre Boko Haram, la mise en oeuvre de l'initiative G5-Sahel (échange d'information et de renseignement) "rendent difficiles toute jonction entre groupuscules djihadistes évoluant dans la zone sahélo-saharienne."

"La stratégie de lutte intégrée dans le cadre sous-régional et l'action opérationnelle de la France ne permettent pas la jonction des forces djihadistes. L'Occident a pris conscience de la dangerosité d'un tel scénario", résume l'expert camerounais.

Journaliste-reporter Alwihda Info. Tél : +(235) 63 38 40 18 En savoir plus sur cet auteur

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