Soldats de l'armée tchadienne en chemin vers la frontière malienne le 26 janvier 2013. (BOUREIMA HAMA / AFP)
Au cours de la décennie écoulée, le Tchad s’est employé à occuper, en Afrique centrale, les zones d’influence laissées en friche par d’autres États aux capacités bien plus importantes (Angola et Cameroun). En projetant une certaine puissance militaire en Centrafrique et aussi au Mali dans le cadre de l’opération Serval et des Nations unies, le Tchad semble vouloir se positionner en leader dans le système de régulation de la sécurité en Afrique centrale et même au Sahel. Bien qu’aucun autre État de l’espace CEEAC – hormis l’Angola – ne dispose d’une puissance de feu équivalente à celle de l’armée tchadienne, ni de troupes aussi aguerries, le statut de la puissance tchadienne reste questionné.
Situé à la confluence des espaces géopolitiques de l’ouest africain et du nord de l’Afrique centrale, le Tchad apparaît de plus en plus comme l’État-tampon, à la charnière des systèmes de conflits de la zone sahélo-saharienne, du bassin du Nil et de la Corne de l'Afrique. Son appartenance à différents organismes de coopération, à cheval sur plusieurs complexes régionaux, ainsi que les nouvelles menaces sécuritaires nées de l’effondrement de la Libye de Mouammar Kadhafi – notamment le risque d’une contagion de la poussée islamiste –, nourrissent en partie les arguments d’une politique d’influence illustrée par l’intervention décisive du Tchad dans les conflits malien et centrafricain. Mais le Tchad est-il une puissance régionale, en mesure de convertir sa stratégie de projection régionale de la puissance militaire, en une logique de résolution des conflits ? La présente Note propose quelques pistes d’analyse à l’aune du rôle de N’Djamena dans les conflits malien et centrafricain.
Même si le Tchad est devenu un acteur incontournable dans la région de l’Afrique centrale, son statut de leader n’est pas avéré dans la mesure où il ne repose en grande partie que sur sa capacité de projection militaire et le volontarisme personnel du Président Déby. De plus, il n’est pas certain que le Tchad soit totalement capable de projeter la force militaire sans l’appui ou la bienveillance de la France, toujours présente lorsque N’Djamena s’engage dans un théâtre de crises (RCA et Mali). En somme, l’autonomie de projection militaire du Tchad n’a pas encore été réellement testée. La relative faiblesse économique, l’absence de modèle politique durable et les balbutiements d’une diplomatie au demeurant fort ambitieuse font du Tchad un acteur complexe, tiraillé à la fois entre une certaine volonté de puissance et les contradictions internes d’une société pré-démocratique en proie à de nombreuses fragilités structurelles. De ce fait, le Tchad n’est pour l’instant pas capable d’exporter autre chose que sa puissance de feu. La pax-tchadiana n’est pour le moment qu’une pax-militaria.