Économie et Finance

Le nouveau droit français des obligations et les contrats de crédits standards (Loan Market Agreement)


Alwihda Info | Par - 30 Janvier 2019


Tout l’intérêt de cette étude est fondé sur la clause « Relation avec d’autres obligations » que mentionne le LMA. Cette clause stipule que « la signature des Documents de Financement et l’exécution des obligations qui en découlent ne sont, et ne seront, contraires à aucune loi ou réglementation qui lui est applicable et à aucun de ses documents constitutifs ni aucun des documents constitutifs de ses filiales (ou documents équivalents) ». Par cette clause, toutes les parties au contrat de crédits conviennent que le LMA est conforme à la loi « a priori » française (dans l’hypothèse de cette étude et d’une clause d’applicabilité de la loi française). Ainsi, nous appartient-il d’apprécier et de vérifier cela.


l’impact du droit des obligations sur le LMA
Tout l’intérêt de cette étude est fondé sur la clause « Relation avec d’autres obligations » que mentionne le LMA (Loan Market Agreement). Cette clause stipule que « la signature des Documents de Financement et l’exécution des obligations qui en découlent ne sont, et ne seront, contraires à aucune loi ou réglementation qui lui est applicable et à aucun de ses documents constitutifs ni aucun des documents constitutifs de ses filiales (ou documents équivalents) ». Par cette clause, toutes les parties au contrat de crédits conviennent que le LMA est conforme à la loi « a priori » française (dans l’hypothèse de cette étude et d’une clause d’applicabilité de la loi française). Ainsi, nous appartient-il d’apprécier et de vérifier cela.
 
La formation du contrat de crédit
La réforme du droit des obligations par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 précise en son article 9, qu’elle ne s’applique qu’aux contrats conclus dès le 1er octobre 2016. La loi n°2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance de réforme a modifié quelques articles du code civil dont certains ayant une valeur impérative et s’appliquant dès le 1er octobre 2018 et d’autres ayant une valeur interprétative s’appliqueront aux contrats conclu entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018.
Les articles issues de la loi de ratification, ayant une valeur impérative et s’appliquant dès le 1er octobre 2018 sont les suivants : les articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1223, 1327, et 1343-3 du code civil et les articles L112-5-1 et L211-40-1 du Code monétaire et financier.
Les articles issues de la loi de ratification, ayant une valeur interprétative et s’appliquant entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018 sont les suivants : les articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1347-6 et 1352-4 du Code civil.
 
Le contrat est un accord de volontés
Conformément à l’article 1101 nouveau du code civil, « le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ».  
L’ancien article 1101 disposait avant la réforme du droit des obligations, que le contrat est une « convention » par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.
La modification la plus intéressante eu égard au LMA est la notion d’accords de volontés qui remplace la notion de « convention ». Il n’y a ici qu’un impact de style puisque depuis le 1er octobre 2016, la plupart des versions du LMA ont intégré la mention « contrat de crédits » abandonnant ainsi la mention de « convention de crédits ». Le contrat de crédits créé bien un lien de droit entre l’emprunteur et les différents prêteurs.
L’article 1102 du code civil réaffirme le principe de la liberté contractuelle dont est fortement emprunt le LMA. Bien que ce soit un modèle standard, l’emprunteur et les parties financières peuvent modifier librement les stipulations contractuelles et les adapter à leurs convenances politiques et économiques.
 
La bonne foi (article 1104 du code civil)

Phase précontractuelle

L’article 1104 nouveau du code civil dispose que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ». Cet article pose dorénavant une obligation de bonne foi à toutes les étapes contractuelles soit à la phase précontractuelle, à la phase de formation du contrat et à la phase d’exécution du contrat. Cette disposition protègera davantage l’emprunteur et les parties financières car l’ancien article 1134 du code civil ne limitait le domaine et la portée de cette exigence qu’à l’exécution du contrat.
A la lecture de la jurisprudence en la matière, les devoirs associés à l’exigence de bonne foi renvoient au devoir de loyauté des parties et au devoir de coopération des parties. En matière de crédit, la jurisprudence a pu reconnaître le manquement à l’obligation de bonne foi de l’établissement de crédit qui « ayant bénéficié du droit d’exiger la déchéance du terme, n’a pas poursuivi immédiatement l’exécution de l’obligation de remboursement et n’a intenté une procédure de saisie que six ans plus tard pour le seul montant des intérêts et pénalités de retard, en ayant obtenu auparavant paiement du capital par l’emprunteur »[[1]]url:#_ftn1 ou qui encore « bénéficiant d’une délégation des loyers dûs par le locataire à l’emprunteur prononce la déchéance du terme à l’encontre de ce dernier sans l’avoir préalablement informé de la défaillance du locataire »[[2]]url:#_ftn2 .
A la lumière des faits issus de cette dernière décision de justice, le prêteur a constaté la survenance d’un cas de défaut et a procédé directement à la déchéance du terme sans mise en demeure justifiant la sanction du juge. Il est stipulé dans le LMA, une clause d’exigibilité anticipée, permettant à l’agent représentant les prêteurs de résilier la totalité des engagements et de déclarer immédiatement exigibles tout ou partie des avances augmentées des intérêts en cours sans mise en demeure, mais à la condition stipulée que le cas de défaut « persiste ». Le caractère persistant du cas de défaut pourrait justifier l’exigibilité anticipée sans mise en demeure de l’emprunteur qui est une personne morale et non une personne physique.
Cette problématique de la bonne foi a été soulevée dans le « ratio decidendi » de la jurisprudence Manoukian[[3]]url:#_ftn3 où les juges avaient considéré que la rupture brutale des négociations précontractuelles pouvaient donner lieu au paiement de dommages et intérêts par son auteur.
Lors de la phase de négociation avec les établissements de crédit, au cours des réunions de « roadshow », il sera défendu à l’arrangeur de rompre brutalement les négociations avec certaines banques ayant répondu à la lettre d’invitation. A défaut, il s’expose à l’indemnisation du préjudice causé, en évaluant notamment les frais de négociations qui ont été dépensés. Par ailleurs, même lorsque les potentiels prêteurs initiaux ont refusé l’offre de syndication, il appartiendrait à l’arrangeur de laisser un délais de préavis raisonnable[[4]]url:#_ftn4 . Le manquement à la bonne foi dans les négociations précontractuelles est disposé directement à l’article 1112 du code civil avec les termes suivants : « la rupture des négociations précontractuelles… doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ».
La loi de ratification du 20 avril 2018 a rajouté dans le dispositif de l’article 1112 du code civil l’exclusion de « la perte de chance d’obtenir certains avantages ». Dans la continuité de notre exemple donnée ci-dessus avec l’agent et le potentiel prêteur initial, ce dernier ne pourra pas prétendre à la perte de chance d’obtenir la contrepartie du service de la dette. Au même titre que l’emprunteur ne pourrait pas se prévaloir d’une perte de chance d’obtenir une mise à disposition des fonds par le ou les prêteurs.

Pendant la phase de formation du contrat de prêts
Bien que la bonne foi est exigée aux parties pendant la phase de formation du contrat, il semblerait difficile de rechercher la responsabilité extracontractuelle de l’une des parties sur le fondement de l’article 1104 si ce n’est qu’à titre subsidiaire alors que plusieurs autres articles s’appliqueraient spécifiquement à cette étape. Il est ainsi fait référence au régime des vices de consentement avec notamment le dol disposé à l’article 1137 du même code qui présente une frontière ténue avec la notion de la bonne foi. Si l’une des parties au contrat de prêt entend se prévaloir d’un dol, elle devra prouver l’intention dolosive et l’élément matériel qu’est la rétention d’information ou la tromperie par des manœuvres frauduleuses. A ce titre, la bonne foi qui s’identifie surtout dans le devoir de loyauté exprimerait un certain dédoublement à ce stade avec cet article 1137 du code civil. Il sera plus intéressant pour le requérant, de se fonder sur l’article 1137 que sur l’article 1104 du code.

Pendant la phase d’exécution du contrat de prêts
A ce stade, le régime des vices de consentement n’est plus applicable car le consentement s’apprécie au jour de la formation du contrat. C’est le régime des sanctions d’inexécutions qui viendrait à s’appliquer notamment prévu à l’article 1217 du code civil. La partie envers laquelle l’engagement n’aura pas été exécuté, pourra notamment demander des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle tout autant que pour un manquement au devoir de loyauté sur le fondement de l’obligation de bonne foi.

(la suite dans les prochaines publications)
 
[[1]]url:#_ftnref1 Civ. 1re , 31 janvier 1995.
[[2]]url:#_ftnref2 CA, Paris, 18 janvier 2000.
[[3]]url:#_ftnref3 Com, 26 novembre 2003.
[[4]]url:#_ftnref4 Com. 9 mars 1999.
Rédaction d'Alwihda Info. En savoir plus sur cet auteur

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