Pour celui qui veut traiter le paludisme efficacement, il y a ce préalable du diagnostic qui est un impératif. On ne peut traiter le paludisme sans passer par le bon diagnostic. Il faut alors un bon laboratoire ainsi que de bons techniciens de Laboratoire dans tous les hôpitaux pour permettre de faire le diagnostic du paludisme par la Goutte-Epaisse (GE) et le Frottis qui sont fortement recommandés par l'OMS dans les hôpitaux de district et les grands hôpitaux de la Capitale.
En effet voici ce que recommande l'OMS dans son document Techniques de bases pour le diagnostic microscopique du paludisme de 2014:
"Les techniciens de laboratoire jouent un rôle essentiel dans les programmes de lutte contre le paludisme, car les services de soins comme la surveillance de la maladie dépendent de leur diagnostic et de leurs compétences techniques. Il faut donc que la formation au diagnostic microscopique du paludisme soit solide et permette d'atteindre les normes élevées d'aujourd'hui".
Le diagnostic par microscopie (par utilisation de microscope pour la G.E et le Frottis) permet de poser le bon et vrai diagnostic de paludisme ou d'en exclure en cas de fièvre pour chercher d'autres origines qui sont d'ailleurs nombreuses sous notre tropique. Or au Tchad, lors de nos supervisions dans les grandes structures, il y a un véritable problème car la confusion est totale: les laborantins font le TDR (test de Diagnostic Rapide) contrairement aux recommandations du PNLP et comble d'une malhonnêteté scientifique, ils écrivent sur le bulletin G.E. alors qu'ils ne l'ont pas faites.
La goutte-Epaisse et le frottis permettent de poser le diagnostic mais permettent également l'identification de l'espèce de plasmodium (falciparum? ovalé? vivax? ou malariae?) ainsi que la densité parasitaire (un critère de classification de paludisme en grave ou en simple d'où ce qui oriente dans le choix thérapeutique). Le TDR n'est qu'un examen rapide basé sur les anticorps, peut-être fiable mais ne doit pas remplacer la G.E et le frottis selon les recommandations de tous les pays africains dans la lutte contre le paludisme. Le TDR est souvent réservé aux centres de santé.
Dans nos supervisions de structures sanitaires du Tchad, il a été noté que toutes les lames de G.E et Frottis sont mal faites, mal lues voire avec lectures erronées. Ce qui appelle impérativement à la formation des laborantins du Tchad et une surveillance accrue et sans complaisance de leur activité.
Les cliniques privées font du paludisme un vrai fond de commerce. Toute fièvre est traité comme paludisme, même en cas de TDR négatif, de G.E négative et frottis négatif. Certains médecins et internes des ces cliniques font prévaloir des arguments tirés par les cheveux comme par exemple: "nous sommes en contexte épidémiologiques et donc toute fièvre est paludisme..."; "le CRP qualitatif ou qualitatif..." etc...Or chez les enfants par exemple, une rhynopharyngite peut provoquer des fortes fièvres et pourtant la cause est souvent virale et donc inutile de traiter comme un paludisme ou comme une infection bactérienne. Des nombreuses maladies virales ou bactériennes provoquent des fièvres et ne sont pas du paludisme.
Le recours systématique au paludisme et de son traitement en cas de toute fièvre sans argument biologique diagnostique au laboratoire est une vraie argutie ou gymnastique en vogue chez nos soignants et médicastres, avec usage abusif et erroné d'antipaludiques, faussant toutes les recommandations de l'OMS et du pays. Cette attitude non contrôlée nous dirige directement vers la survenue des résistances craintes par la communauté scientifique du monde en paludisme. Par ailleurs nos statistiques sanitaires sur le paludisme prennent un sacré coup car tout se fausse par ce mélange de pédales et de confusions de pathologies. Les bonnes statistiques sanitaires sont les gages d'une bonne planification sanitaire en intrants et en prévisions sanitaires.
Ces pratiques relèvent du manque de surveillance et de l'inspection dans nos hôpitaux. L'autorité sanitaire est vivement interpelée pour mettre de l'ordre dans ce capharnaüm et ainsi éradiquer le pandémonium avec une thérapie de choc. Les habitudes sont si ancrées qu'il faut une véritable politique sanitaire rigoureuse et jamais complaisante pour palier aux manquements.
L'inspection sanitaire semble dépourvue des moyens de ses actions. La répression de mauvaises habitudes dans la pratique médicale ne doit souffrir d'aucune ambiguïté car une lutte efficace contre le fléau du paludisme passe absolument par ce combat.
Dr Djiddi Ali Sougoudi
Médecin Infectiologue
Chine, Jiangsu, Wuxi
Dr Djiddi Ali Sougoudi en examen microscopique de l'identification des anophèles. (2): Dr Djiddi Ali Sougoudi et Mme Tsugu, championne chinoise de microscopie de parasites aux olympiades de Chine lors de la formation sur la microscopie à l'institut des maladies parasitaires de Jiangsu.