Par Dr Jimi ZACKA
Un soldat français et un soldat africain de la MISCA en Centrafrique. EMA.
MISCA-SANGARIS, que font - ils exactement en Centrafrique ? C’est la question qui taraude à tort ou à raison tous les esprits en ce moment en Centrafrique, surtout dans les circonstances actuelles où les choses vont de mal en pis. Ne dit-on pas que l’indifférence et la négligence font parfois beaucoup plus de dégâts que l’hostilité déclarée ?
On ne peut comprendre en effet que Bangui et certaines villes de provinces sont devenues les théâtres de la recrudescence des violences et des exactions criminelles, avec la présence de MISCA-SANGARIS censées être des forces d’interposition et de pacification, alors qu’elles semblent s’engluer dans une inertie pathologique, voire même dans une certaine dérive partisane. Comme l’a constaté un spécialiste du pays : «C'est le chaos le plus total : on ne respecte plus rien ni personne». Malgré l'intervention de plus de 2 000 militaires français et la présence de 6 000 soldats de la force panafricaine, la Centrafrique demeure toujours dans une spirale de violence extrêmement destructrice. Aujourd’hui, sur toute l’étendue du territoire national, nul n’est à l’abri des assauts criminels sans cesse répétés de ces assassins qui ne sont nullement inquiétés. A Bangui, les derniers cas déplorés ont eu lieu à Fatima, à Bégoua, au KM5 et ont occasionné des dizaines des décès et des centaines des blessés. Dans les sous-préfectures de Dékoa et Bouca, la population est en train de subir des actes de barbarie d’une rare cruauté de la part des bandes armées seleka sous le regard assisté de la MISCA. A Grimari, la population accuse la force d’interposition française d’avoir tué des civils. Comme en témoigne une femme en pleurs : « On pensait que Sangaris était venue nous aider, mais ils assassinent nos enfants. » Aujourd’hui, ces événements meurtriers – qui endeuillent quotidiennement les familles centrafricaines — ont atteint leur paroxysme. Après la prise en otage le 16 Avril 2014 de Mgr Désiré Nestor NONGO AZIAGBIA, Évêque de Bossangoa et de trois autres prêtres du diocèse de Batangafo par les éléments de l’ex-séléka, nous avons appris le lâche assassinat de l’abbé Christ Foreman Wilibona le vendredi 18 Avril 2014 par les mêmes éléments.
Aussi, nous ne passerons pas sous silence cette ligne rouge invisible à l’Est et au Nord que nul n’évoque officiellement, tracée par la Séléka qui contrôle encore des régions où elle se livre à des assassinats et des pillages. Explicitement, la Centrafrique est de facto divisée entre l’Ouest et l’Est, même si nul ne peut affirmer quand elle prendra corps.
Face à cette terrifiante situation qui interpelle la conscience nationale au regard des exactions meurtrières généralisées des bandes armées, le citoyen lambda ne cesse de se poser la question suivante : Que font exactement les forces MISCA-SANGARIS en Centrafrique ? Le Mgr NONGO AZIAGBIA en a fait l’écho en ces termes : «Tout le nord de mon Diocèse est occupé par les rebelles de la coalition Seleka, qui dictent leur loi malgré la présence des forces internationales. Je me demande dès lors à quoi sert leur présence en Centrafrique ? » (Agence Fides 24/04/2014).
Au regard de ce sombre tableau, l’on a le droit de se poser cette question : pourquoi une telle indifférence de ces forces supposées venir rétablir la paix et la sécurité en RCA?
Loin de tout procès d’intention, le centrafricain veut simplement savoir à quoi sert exactement une force armée chargée notamment du maintien de la paix. Car, quatre mois après le lancement de l’intervention militaire française « Sangaris », souhaitée et saluée par une grande majorité de centrafricains et bénéficiant même d’une forte légitimité internationale, le constat devient de plus en plus décevant. Comme en souligne un observateur européen : « Sangaris est légitime et utile, mais la manière dont l’opération a été conduite est vraiment la chronique amère d’un échec annoncé ».
Après les horreurs du Rwanda, l’on aurait cru que ces forces soit-disant d’intervention pour la sécurité allaient tirer des leçons de cette tragédie pour désormais remplir leurs obligations. Malheureusement, les violences meurtrières de Bangui et celles de certaines villes de province démontrent le contraire, car en ces moments difficiles, nous remarquons que ces forces d’interposition, se muent de plus en plus en spectateurs des scènes d’horreur, abandonnant les victimes à la merci des bourreaux. Pourtant, l’honneur d’une armée passe par le sentiment qu’elle a de son utilité. Et une force armée du maintien de la paix n’a de sens qu’en sortant les victimes de leur statut de victime, en leur créant les conditions d’une vie paisible dans la durée.
Parce qu’en quatre mois, les soldats MISCA-SANGARIS ne se sont contentés que d’une intervention molle, sans anéantir ni arrêter les pires criminels de guerre, ils ont déçu les centrafricains, trahi leur mandat. Qu’ils ne s’étonnent pas qu’un jour, ils seront questionnés sur le fait que leur présence en Centrafrique n’a fait que contribuer à une campagne radicale de tueries des centrafricains (la centrafricanophagie). Car, comme l’a si bien dit un chef d’état africain, « les faits sont têtus » et personne ne peut falsifier l’histoire.