TCHAD

Made in Tchad : "La qualité est là, on doit vendre nos produits ailleurs"


Alwihda Info | Par - 26 Septembre 2020


Entretien avec Djarangar Ngayom, président du secteur primaire à la Chambre de commerce au Logone Occidental. Il évoque les défis du monde rural, propose des solutions pérennes face aux conflits agricultures-éleveurs, et appelle à valoriser le Made In Tchad pour exporter à l'international et créer de la richesse.


Djarangar Ngayom, président du secteur primaire à la Chambre de commerce au Logone Occidental. © Golmem Ali/Alwihda Info
Alwihda Info : Vous avez été élu, il y a quelques mois, à la Chambre de commerce comme président. Est-ce que vous pouvez présenter votre rôle en tant que président et ce que vous aurez à faire ?

Djarangar Ngayom : Je suis élu à la CCIAMA au secteur primaire. Je représente le monde rural, c'est-à-dire que je représente les agriculteurs, les éleveurs, les pêcheurs et l'environnement. J'ai postulé pour ce poste parce que la Chambre de commerce n'est pas seulement pour les commerçants mais c'est pour les agriculteurs aussi, les éleveurs comme les pécheurs. C'est aussi leur Chambre de commerce. Il faut aller là pour aider ce monde rural qui ne se reconnait pas dans cette Chambre de commerce. Qu'est-ce que la Chambre de commerce peut faire concrètement pour ce secteur là ? Et pourquoi j'ai postulé ? J'ai postulé parce qu'il faut chercher un projet pour appuyer ce monde rural. Chercher aussi des partenaires à l'extérieur pour qu'ils puissent former et financer les projets. Faire le suivi des matériels octroyés par le gouvernement pour que ça rentre dans leur domaine, parce qu'à chaque fois qu'on envoie des choses pour le secteur, les gens détournent. En tant qu'élu, tu dois faire ce suivi jusqu'à ce que la personne lambda reçoive ce que le gouvernement donne.

Au niveau de l'agriculture, on doit essayer de voir avec les cultivateurs et voir avec les agronomes pour qu'ils puissent monter des projets. Voir aussi avec les agents de l'ANADER pour qu'ils puissent les aider parce que la terre qu'ils labourent, ce n’est pas comme ça qu'il faut lancer et labourer. C'est ça aussi l'échec de ce que les cultivateurs ne connaissent pas. Ces agents recrutés et payés par l'État, il faut qu'on les amène pour voir si la terre est fertile pour telle ou telle semence.

On doit essayer de voir certains projets, voir les agronomes qui s'y connaissent dans les montages de projets et soumettre à l'État parce que mon rôle est de jouer l'intermédiaire entre le monde rural et le gouvernement. Essayons de plaider leur sort auprès du gouvernement pour qu'il puisse aider les agriculteurs et les appuyer dans ce qu'ils font.

Comme vous le disiez, les paysans même ne comprennent pas le rôle de la Chambre de commerce. Vous quand vous avez été élu, est-ce que vous avez eu des contacts avec des organisations des agriculteurs, est-ce que vous êtes allé leur expliquer le bienfondé de la Chambre de commerce pour eux ou votre rôle en tant que président élu ?

Au moment des élections, on est allé en campagne. Au niveau des campagnes, on leur a expliqué ce qu'on doit faire pour eux. Sur mon programme, je leur ai expliqué ce que le président du secteur primaire doit faire vis-à-vis du monde rural. Par exemple, j'ai pris le projet des pêcheurs. Aujourd'hui, dans notre province on n'a pas de poissons. Il y a l'eau mais il n'y a pas de poissons. Les usines de la place comme la Brasserie, la Coton Tchad, les MCT, ils injectent tous leurs déchets là-bas, ce qui ne permet pas aux poissons de vivre dans l'eau, donc ça tue les poissons.

Maintenant, on doit leur demander d'enterrer leurs déchets, d’un. De deux, on doit demander des formations pour que les gens puissent faire des piscicultures. Les gens vont avoir beaucoup de poissons.

Au niveau des éleveurs, aujourd'hui il y a un problème au Sud, surtout dans notre province entre les agriculteurs et éleveurs. Le terrain où les agriculteurs doivent travailler est très petit donc on doit cibler tous les éleveurs et là où ils ont l'habitude de rester, j'ai essayé déjà de parler avec leur chef. À chaque Ferrick, on doit forer de l'eau. Ça c'est mon programme. Je n'ai pas l'argent mais c'est un projet. 

On doit forer de l'eau dans chaque Ferrick et avoir aussi la machine qui va nous moudre les tiges mélangées avec le sel. Quand l'animal mange, il ne bouge pas de là, et ça fait grandir même l'animal. J'ai essayé de discuter avec les éleveurs, ils sont d'accord, que d'aller par ci par là, et qu'ils se créent des problèmes. C'est vrai ça va coûter mais on doit essayer de voir avec le gouvernement. S'ils peuvent financer ce projet, on ne devrait pas avoir de problèmes agriculteurs-éleveurs.

Aussi, au niveau du secteur de l'environnement, aujourd'hui ceux qui dirigent, leur objectif c'est de racler les paisibles citoyens comme les femmes qui vendent du charbon. Non, on doit planter les arbres. On doit chercher à avoir une place pour planter des arbres. Aujourd'hui, toujours vous voyez, dans d'autres pays, les gens vendent les planches, les lambeaux, les chevrons. Mais pourquoi nous on ne peut pas le faire ? C'est ce secret qui est très important, je vais essayer d'aborder avec eux pour qu'on puisse travailler dans ce sens. Je voudrais qu'avec le secteur de l'environnement, on plante des arbres, qu'on puisse vendre ces plantes.

Vous avez évoqué beaucoup de perspectives. Avez-vous les moyens ? Comment comptez-vous avoir les moyens pour mettre en œuvre tout ce que vous dites ?

C'est des projets, on doit frapper la porte et quand tu pars on va t'ouvrir. Les gens ne cherchent pas, on doit chercher les voies et moyens. Il y a des investisseurs qui sont là, et qui sont intéressés dans ce domaine. On doit aller vers le gouvernement. Aujourd'hui, c'est la pandémie du coronavirus qui empêche les gens de circuler, sinon on peut aussi chercher des investisseurs à l'étranger. Et revoir aussi le système des cultivateurs, aujourd'hui ils n'arrivent pas à maitriser le prix eux-mêmes, les gens leur imposent leurs prix. On doit les former à se mettre en coopérative. Et en coopérative, il faut qu'on impose nos prix. On doit aussi estampiller nos produits en Made in Tchad pour vendre ailleurs. Aujourd'hui, quand vous voyez, les gens viennent, achètent nos produits à vil prix, ils transforment chez eux et ils vendent plus cher. Nous on ne peut pas se laisser faire. On doit former les gens pour qu'eux-mêmes transforment leurs produits et envoient là où les gens vont consommer. Ça va leur amener beaucoup d'argent. On ne perd pas de vue.

On doit aussi négocier avec ceux-là qui sont intéressés par nos produits, de venir. On ne doit pas passer par les intermédiaires. C'est les intermédiaires qui tuent les cultivateurs. Aujourd'hui, nos cultivateurs sont des gens misérables parce qu'ils ne connaissent pas leurs droits. Je suis là pour ouvrir les yeux, on doit aller dans ce sens. C'est vrai qu'il n'y a pas de moyens mais on doit chercher. On ne peut pas rester comme ça pour avoir. On doit aller chercher par ci, par-là, pour avoir ces moyens et si nos projets sont intéressants, le gouvernement devrait d'abord commencer à nous financer, avant d'atteindre les investisseurs de l'étranger.

Sinon on a la qualité dans notre pays, la qualité est là mais il manque de marketing et de sensibilisation vis-à-vis du monde rural, ce qui fait qu'aujourd'hui nos produits ne sont pas connus sur le plan international, alors qu'ils sont connus sur le plan international par l'intermédiaire d'autres pays. Ils transmettent avec leurs noms alors que c'est nos produits que les gens vendent. Même au Cameroun, c'est la même chose, alors qu'on devrait faire ici le Made In Tchad, ce serait sur le plan international.

Est-ce que vous avez un dernier message, par exemple à l'endroit des cultivateurs, des pêcheurs et aussi des éleveurs ?

Je les remercie de m'avoir choisi, mis à la tête de la Chambre de commerce dans le secteur primaire. Tout ce que moi je leur dis, qu'ils viennent vers nous. Je dois les orienter, je me suis entouré d'experts de la matière qui peuvent vraiment nous aider à aller plus loin que ça. Pas seulement des experts élus pour rester au bureau. Je veux aussi aller vers eux et quand je viens vers eux, qu'ils me donnent des informations pour mettre en pratique.

Franchement, je suis prêt, ma porte est ouverte, mon téléphone est là. Chacun d'eux doit m'appeler pour qu'on puisse avancer. Nous, on niveau du monde rural, nous sommes piétinés. Aujourd'hui que nos yeux sont ouverts, qu'ils viennent vers moi pour qu'on puisse vraiment piloter ce domaine. C'est le domaine le plus riche dans le commerce. Les commerçants ne sont rien du tout. Ce sont des parasites, ils vivent sur nos dos. Nous même, qu'on prenne nos responsabilités que de rester vendre à vil prix aux gens qui s'enrichissent sur nos dos.

Propos recueillis par Golmem Ali.
Correspondant de la province du Logone Occidental En savoir plus sur cet auteur

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