Des inondations à Walia (N'Djamena), en octobre 2022. © Malick Mahamat/Alwihda Info
Les inondations liées à la montée des eaux des fleuves ne sont pas un phénomène nouveau. Beaucoup de pays dans le monde font face à ces catastrophes. Dans la plupart des cas, les villes situées au bord du fleuve sont les plus touchées si aucune protection n’a été envisagée. Dans les pays où l’urbanisation est maîtrisée et les services publics de prévision hydrometeorologiques fonctionnels, cela ne pose pas de problème. Pourquoi ? Parce qu'on est capable de prédire les débits de crue de ces fleuves et évaluer par déduction les surfaces urbanisées autour du fleuve qui seront impactées. En d’autres termes, une modélisation pluie-débit est effectuée pour mettre à jour en temps réel la cartographie de risque liée à l’inondation. Cette cartographie est en fait un véritable outil d’aide à la décision mis à la disposition des gestionnaires de la ville pour mieux organiser l’urbanisation de la ville, y compris la gestion du foncier. Ça, c’est quand les choses fonctionnent selon la règle de l’art et dans un pays où la technique est mise au devant de la politique.
Qu’en est- t-il du cas du Tchad où sa capitale est entourée par un important cours d’eau, en l’occurrence le Chari ? Pour information, le système Chari-Logone a pour exécutoire Ndjamena, puis continue son chemin pour alimenter le Lac Tchad. On comprend très bien l’importance de la maîtrise des risques hydrologiques liée au système Chari-Logone dont la montée des eaux fait partie de ces risques. Si l’on évoque la maîtrise des risques hydrologiques dans notre contexte tchadien, on est à des années lumières malheureusement. En réalité, le Chari n’est pas surveillé régulièrement. Une station hydrometrique, s’il en existe, serait très mal calibrée compte tenu des changements morphologiques réguliers des berges du Chari. La preuve, depuis l’arrivée des épisodes extrêmes (montée des eaux du Chari, extrêmes pluviométriques), aucun des services publics dédiés aux prévisions hydrométérologiques dont l’ANAM, n’a alerté sur un quelconque risque liée à la montée des eaux. Pourtant, c’était prévisible au vu des épisodes pluvieux de cette année. On est donc à la phase de décrue du fleuve Chari. Et selon la quantité de pluie tombée cette année, la décrue serait bien fâcheuse avec des conséquences incalculables. Cette réalité est pourtant claire, même pour un non spécialiste.
Que faut-il faire face à quelque chose qui impacte en premier le pauvre citoyen lamda ? De notre côté, on ne peut que formuler des recommandations, même si ces dernières vont tomber certainement dans les oreilles du sourd. À mon humble avis, il est impératif de mettre en place les actions suivantes :
- Dans un premier temps, la maîtrise des risques hydrologiques est un élément de premier abord. Cela passe nécessairement par la surveillance du fleuve Chari. Pour ce faire, il faut mettre à jour les stations hydrométriques et limnimétriques pour faire face aux changements globaux dont le changement climatique et le phénomène d’érosion qui altère les berges du fleuve. Ensuite, réimplanter d’autres stations sur certains points critiques du fleuve Chari pour un jaugeage précis du Chari.
- La mise en place d’un observatoire hydrologique est aussi important car c’est elle qui assurera le suivi des stations hydrometriques et fournir en même temps des outils d’alerte. L’ANAM est inadapté pour assurer ce service du fait déjà des lourdes missions qu’elle assure actuellement (gestion des stations météos destinées notamment à la navigation aérienne et autres).
- Le soutien d’une recherche dynamique sur l’hydrologie du Chari est essentiel, c’est-à-dire soutenir les recherches autour des problématiques hydrologiques et des changements morphologiques sur l’ensemble du bassin Chari-Logone. Les équipes de recherche issues des laboratoires universitaires pourront conduire des modélisations fines pour la connaissance de l’état du bassin et fournir des recommandations pertinentes aux autorités. À l’ère du changement climatique avec son corollaire d’extrêmes hydrologiques, cela doit être une action urgente.
- La protection des zones périphériques accolées au Chari est également une priorité. La contstruction d’une digue, conçue sur la base d’un débit de projet bien calibré est urgent pour mettre à l’abris les habitants des zones périphériques.
- La problématique liée au foncier et à l’urbanisation anarchique, on ne cesse de le répéter, constitue en lui-même un risque majeur en cas de montée des eaux du fleuve. L’attribution des parcelles doit se faire sur la base d’une analyse multicritère. Ces critères peuvent être : l’emplacement de la parcelle vis-à-vis des lits mineurs ou majeurs du Chari, le plan d’urbanisme préalablement établit, l’accessibilité de la zone en cas de problèmes d’inondations, les différentes cartes de risque (risque à l’inondation par exemple) établit par les organismes dédiés.
- Enfin, je suggère aux autorités de ne pas faire le médecin après la mort. Cela ne servira à rien de venir avec des éléments de compassion (vivres, couvertures, etc) alors que le noeud du problème est plus technique et les solutions pour réduire les dégâts existent. Pensez-y, c’est une question de vie de vos semblables en détresse !
Bahar Tidjani
Enseignant-chercheur
Qu’en est- t-il du cas du Tchad où sa capitale est entourée par un important cours d’eau, en l’occurrence le Chari ? Pour information, le système Chari-Logone a pour exécutoire Ndjamena, puis continue son chemin pour alimenter le Lac Tchad. On comprend très bien l’importance de la maîtrise des risques hydrologiques liée au système Chari-Logone dont la montée des eaux fait partie de ces risques. Si l’on évoque la maîtrise des risques hydrologiques dans notre contexte tchadien, on est à des années lumières malheureusement. En réalité, le Chari n’est pas surveillé régulièrement. Une station hydrometrique, s’il en existe, serait très mal calibrée compte tenu des changements morphologiques réguliers des berges du Chari. La preuve, depuis l’arrivée des épisodes extrêmes (montée des eaux du Chari, extrêmes pluviométriques), aucun des services publics dédiés aux prévisions hydrométérologiques dont l’ANAM, n’a alerté sur un quelconque risque liée à la montée des eaux. Pourtant, c’était prévisible au vu des épisodes pluvieux de cette année. On est donc à la phase de décrue du fleuve Chari. Et selon la quantité de pluie tombée cette année, la décrue serait bien fâcheuse avec des conséquences incalculables. Cette réalité est pourtant claire, même pour un non spécialiste.
Que faut-il faire face à quelque chose qui impacte en premier le pauvre citoyen lamda ? De notre côté, on ne peut que formuler des recommandations, même si ces dernières vont tomber certainement dans les oreilles du sourd. À mon humble avis, il est impératif de mettre en place les actions suivantes :
- Dans un premier temps, la maîtrise des risques hydrologiques est un élément de premier abord. Cela passe nécessairement par la surveillance du fleuve Chari. Pour ce faire, il faut mettre à jour les stations hydrométriques et limnimétriques pour faire face aux changements globaux dont le changement climatique et le phénomène d’érosion qui altère les berges du fleuve. Ensuite, réimplanter d’autres stations sur certains points critiques du fleuve Chari pour un jaugeage précis du Chari.
- La mise en place d’un observatoire hydrologique est aussi important car c’est elle qui assurera le suivi des stations hydrometriques et fournir en même temps des outils d’alerte. L’ANAM est inadapté pour assurer ce service du fait déjà des lourdes missions qu’elle assure actuellement (gestion des stations météos destinées notamment à la navigation aérienne et autres).
- Le soutien d’une recherche dynamique sur l’hydrologie du Chari est essentiel, c’est-à-dire soutenir les recherches autour des problématiques hydrologiques et des changements morphologiques sur l’ensemble du bassin Chari-Logone. Les équipes de recherche issues des laboratoires universitaires pourront conduire des modélisations fines pour la connaissance de l’état du bassin et fournir des recommandations pertinentes aux autorités. À l’ère du changement climatique avec son corollaire d’extrêmes hydrologiques, cela doit être une action urgente.
- La protection des zones périphériques accolées au Chari est également une priorité. La contstruction d’une digue, conçue sur la base d’un débit de projet bien calibré est urgent pour mettre à l’abris les habitants des zones périphériques.
- La problématique liée au foncier et à l’urbanisation anarchique, on ne cesse de le répéter, constitue en lui-même un risque majeur en cas de montée des eaux du fleuve. L’attribution des parcelles doit se faire sur la base d’une analyse multicritère. Ces critères peuvent être : l’emplacement de la parcelle vis-à-vis des lits mineurs ou majeurs du Chari, le plan d’urbanisme préalablement établit, l’accessibilité de la zone en cas de problèmes d’inondations, les différentes cartes de risque (risque à l’inondation par exemple) établit par les organismes dédiés.
- Enfin, je suggère aux autorités de ne pas faire le médecin après la mort. Cela ne servira à rien de venir avec des éléments de compassion (vivres, couvertures, etc) alors que le noeud du problème est plus technique et les solutions pour réduire les dégâts existent. Pensez-y, c’est une question de vie de vos semblables en détresse !
Bahar Tidjani
Enseignant-chercheur