La carte pluriannuelle.
Les étrangers en France sont dans une précarité administrative chronique à cause de la carte de séjour temporaire d’un an. Dans des préfectures comme Bobigny (Département de la Seine-Saint-Denis – 93) il est fréquent que des étrangers passent la nuit dehors, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il tonne, qu’il neige, pour pouvoir déposer une demande de titre de séjour. A cause de la longue et fastidieuse procédure de renouvellement de titre de séjour, beaucoup d’étrangers sont en perpétuelle démarche administrative : à peine le titre de séjour renouvelé, il faut s’atteler au prochain renouvellement. Cette réalité empêche l’étranger de bien s’intégrer, d’évoluer dans son travail, ou d’être constant dans ses études. L’administration française reproche à l’étudiant étranger les perturbations et le retard dans l’évolution de son cursus, alors qu’elle peut en être partiellement responsable. Après des entretiens de stage ou d’embauche concluants, beaucoup d’étudiants étrangers perdent le poste proposé, car l’employeur ne veut pas s’ennuyer avec un employé administrativement précaire, dont la date d’expiration du titre de séjour n’est jamais loin. L’administration française reproche aux étrangers voulant obtenir la nationalité française l’absence d’une bonne intégration sociale, alors que la carte de séjour temporaire d’un an n’y est pas favorable. Cette précarité est aussi la source de discriminations par des banques qui ne veulent pas leur accorder un crédit ; des bailleurs qui se désistent au moment de signer le contrat ; des grands magasins qui ne veulent pas leur accorder des crédits de consommation. Avec la généralisation du titre de séjour pluriannuel, on peut espérer une atténuation des fâcheuses frustrations et discriminations sociales à l’égard des étrangers. Maintenant, après un an de séjour en France, l’étranger peut obtenir un titre de séjour de deux à quatre ans. A l’expiration de celui-ci, il pourra directement solliciter une carte de résident de dix ans. Pour les conjoints et parents de français ; les étrangers ayant de fortes attaches en France ou bénéficiant de la protection subsidiaire, la durée de cette carte est limitée à 2 ans. Pour les étrangers malades la durée de la carte est calquée sur la durée des soins nécessaires. Pour les étudiants étrangers la durée de la carte est limitée au temps restant à courir pour l’achèvement de leur cycle d’études. Attention : cette carte sera retirée si l’administration considère que les études de l’étudiant étranger ne sont pas effectives ou sérieuses. Par exemple lorsque l’étudiant étranger n’est pas assidu ou n’avance pas dans sa scolarité (seul un redoublement par cycle est toléré).
La carte « Passeport talents ».
Dans le concours des pôles universitaires et scientifiques d’excellence, la France perd de la vitesse. A force d’enfoncer les étudiants étrangers dans des tracasseries administratives inextricables, ces derniers fuient l’hexagone pour d’autres terres d’accueil académique, en Amérique du Nord et en Asie. Cette nouvelle loi essaie de corriger le tir pour redorer le blason scientifique de la France, et attirer les talents internationaux. Dans l’esprit d’une immigration choisie, une carte « Compétences et talents » a été mise en place en 2006 au profit des étrangers ayant un projet pouvant contribuer au rayonnement de la France et de leurs pays d’origine (les algériens ne sont pas concernés). La nouvelle loi redessine les contours de ce dispositif par la création d’une carte dite « Passeport talent », valable 4 ans, pour l’étranger et sa famille (Son conjoint et ses enfants).
La nouvelle carte « Passeport talents » est délivrée aux catégories d’étrangers suivant :
* A l’étranger qui justifie d’un projet économique innovant, qui fait un investissement économique direct en France ; ou qui a une initiative artistique, littéraire, économique, universitaire, ou scientifique de haut niveau ;
* A l’étranger ayant un master ou expérience professionnelle d’au moins 5 ans qui crée une entreprise en France pour réaliser un projet économique viable ;
* A l’étranger titulaire d’un Master et disposant d’une activité professionnelle, ou qui est recruté par une entreprise innovante ;
* A l’étranger ayant master et faisant des travaux de recherche ou dispensant des enseignements de niveau universitaire dans un établissement public ou privé (Passeport talents/chercheur) ;
* A l’étranger ayant un contrat de travail pour une mission dans une entre entreprise d’un même groupe ;
* A l’étranger représentant légal d’une entreprise en France faisant partie d’un groupe dont il est salarié ou mandataire ;
* A l’étranger artiste-interprète, auteur d’une œuvre littéraire ou artistique,
* A l’étranger ayant une renommée internationale qui veut s’installer en France pour y exercer une activité scientifique, littéraire, artistique, intellectuelle, éducative ou sportive.
* Une carte « Passeport talents », portant la mention « Carte Bleue européenne » peut être délivrée à l’étranger titulaire d’un diplôme de niveau Bac + 3 et d’un contrat de travail d’une durée de 12 mois ou plus, pour un emploi hautement qualifié. Les étrangers titulaires de la « Carte Bleue européenne » dans un Etat de l’Union européenne où ils ont vécu plus de 18 mois, peuvent obtenir la même carte en France.
Le contrôle permanent.
Avec la généralisation de la carte pluriannuelle et la mise en place de la carte « Passeport talents », l’étranger en France pourrait dire « Alléluia » ou « Al hamdoulillah ». Hélas ! Le revers de la médaille est lugubre. En effet, avec cette nouvelle loi, la préfecture va procéder à des contrôles pour vérifier la sincérité des déclarations ou l’authenticité des documents fournis par l’étranger. Elle peut convoquer l’étranger à plusieurs entretiens pour savoir s’il a toujours le droit de séjourner en France. Si l’étranger ne répond pas aux convocations ou empêche les contrôles, son titre de séjour pourra être retiré. Hormis le secret médical, il n’y a plus de secret professionnel pour les étrangers en France. Au prétexte de la lutte contre la fraude au séjour, beaucoup d’organismes publics sont dorénavant obligés, sous peine de commettre un délit, d’espionner l’étranger et de transmettre ses données personnelles sur requête de la préfecture. Il en est ainsi des organismes d’état civil, des administrations chargées du travail et de l’emploi, des organismes de sécurité sociale, des écoles et universités, des fournisseurs d’énergie, de téléphonie er d’internet, des établissements de santé publics et privés ; des établissements bancaires et des organismes financiers ; des greffes des tribunaux de commerce. L’étranger est ainsi dépouillé de sa sphère privée et de son intimité par ces organismes qui deviennent, bon gré mal gré, de nouveaux agents de renseignement sur la vie des étrangers. Cette nouvelle loi installe un système de surveillance généralisé des étrangers en France, et viole, de ce fait, le principe de l’égalité des usagers devant le service public, de même que le droit fondamental au respect de la vie privée. Ce flicage administratif place de facto les étrangers dans un « Etat d’urgence administratif » permanent. Il génère une suspicion de délinquance administrative qui plane sur la tête de tout étranger en France. Les mêmes contrôles et délations institutionnalisées, appliqués aux français, feraient certainement l’objet d’une vague de contestations populaires, politiques ou judiciaires devant le Conseil constitutionnel. En attendant une correction de cette loi, le seul rempart qui reste aux étrangers en France est d’être transparent et de ne rien avoir à se reprocher.
Aliou TALL,
Président du Réseau Africain de Défense des Usagers, des Consommateurs et du Citoyen (RADUCC)
Email : raducc@hotmail.fr
Les étrangers en France sont dans une précarité administrative chronique à cause de la carte de séjour temporaire d’un an. Dans des préfectures comme Bobigny (Département de la Seine-Saint-Denis – 93) il est fréquent que des étrangers passent la nuit dehors, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il tonne, qu’il neige, pour pouvoir déposer une demande de titre de séjour. A cause de la longue et fastidieuse procédure de renouvellement de titre de séjour, beaucoup d’étrangers sont en perpétuelle démarche administrative : à peine le titre de séjour renouvelé, il faut s’atteler au prochain renouvellement. Cette réalité empêche l’étranger de bien s’intégrer, d’évoluer dans son travail, ou d’être constant dans ses études. L’administration française reproche à l’étudiant étranger les perturbations et le retard dans l’évolution de son cursus, alors qu’elle peut en être partiellement responsable. Après des entretiens de stage ou d’embauche concluants, beaucoup d’étudiants étrangers perdent le poste proposé, car l’employeur ne veut pas s’ennuyer avec un employé administrativement précaire, dont la date d’expiration du titre de séjour n’est jamais loin. L’administration française reproche aux étrangers voulant obtenir la nationalité française l’absence d’une bonne intégration sociale, alors que la carte de séjour temporaire d’un an n’y est pas favorable. Cette précarité est aussi la source de discriminations par des banques qui ne veulent pas leur accorder un crédit ; des bailleurs qui se désistent au moment de signer le contrat ; des grands magasins qui ne veulent pas leur accorder des crédits de consommation. Avec la généralisation du titre de séjour pluriannuel, on peut espérer une atténuation des fâcheuses frustrations et discriminations sociales à l’égard des étrangers. Maintenant, après un an de séjour en France, l’étranger peut obtenir un titre de séjour de deux à quatre ans. A l’expiration de celui-ci, il pourra directement solliciter une carte de résident de dix ans. Pour les conjoints et parents de français ; les étrangers ayant de fortes attaches en France ou bénéficiant de la protection subsidiaire, la durée de cette carte est limitée à 2 ans. Pour les étrangers malades la durée de la carte est calquée sur la durée des soins nécessaires. Pour les étudiants étrangers la durée de la carte est limitée au temps restant à courir pour l’achèvement de leur cycle d’études. Attention : cette carte sera retirée si l’administration considère que les études de l’étudiant étranger ne sont pas effectives ou sérieuses. Par exemple lorsque l’étudiant étranger n’est pas assidu ou n’avance pas dans sa scolarité (seul un redoublement par cycle est toléré).
La carte « Passeport talents ».
Dans le concours des pôles universitaires et scientifiques d’excellence, la France perd de la vitesse. A force d’enfoncer les étudiants étrangers dans des tracasseries administratives inextricables, ces derniers fuient l’hexagone pour d’autres terres d’accueil académique, en Amérique du Nord et en Asie. Cette nouvelle loi essaie de corriger le tir pour redorer le blason scientifique de la France, et attirer les talents internationaux. Dans l’esprit d’une immigration choisie, une carte « Compétences et talents » a été mise en place en 2006 au profit des étrangers ayant un projet pouvant contribuer au rayonnement de la France et de leurs pays d’origine (les algériens ne sont pas concernés). La nouvelle loi redessine les contours de ce dispositif par la création d’une carte dite « Passeport talent », valable 4 ans, pour l’étranger et sa famille (Son conjoint et ses enfants).
La nouvelle carte « Passeport talents » est délivrée aux catégories d’étrangers suivant :
* A l’étranger qui justifie d’un projet économique innovant, qui fait un investissement économique direct en France ; ou qui a une initiative artistique, littéraire, économique, universitaire, ou scientifique de haut niveau ;
* A l’étranger ayant un master ou expérience professionnelle d’au moins 5 ans qui crée une entreprise en France pour réaliser un projet économique viable ;
* A l’étranger titulaire d’un Master et disposant d’une activité professionnelle, ou qui est recruté par une entreprise innovante ;
* A l’étranger ayant master et faisant des travaux de recherche ou dispensant des enseignements de niveau universitaire dans un établissement public ou privé (Passeport talents/chercheur) ;
* A l’étranger ayant un contrat de travail pour une mission dans une entre entreprise d’un même groupe ;
* A l’étranger représentant légal d’une entreprise en France faisant partie d’un groupe dont il est salarié ou mandataire ;
* A l’étranger artiste-interprète, auteur d’une œuvre littéraire ou artistique,
* A l’étranger ayant une renommée internationale qui veut s’installer en France pour y exercer une activité scientifique, littéraire, artistique, intellectuelle, éducative ou sportive.
* Une carte « Passeport talents », portant la mention « Carte Bleue européenne » peut être délivrée à l’étranger titulaire d’un diplôme de niveau Bac + 3 et d’un contrat de travail d’une durée de 12 mois ou plus, pour un emploi hautement qualifié. Les étrangers titulaires de la « Carte Bleue européenne » dans un Etat de l’Union européenne où ils ont vécu plus de 18 mois, peuvent obtenir la même carte en France.
Le contrôle permanent.
Avec la généralisation de la carte pluriannuelle et la mise en place de la carte « Passeport talents », l’étranger en France pourrait dire « Alléluia » ou « Al hamdoulillah ». Hélas ! Le revers de la médaille est lugubre. En effet, avec cette nouvelle loi, la préfecture va procéder à des contrôles pour vérifier la sincérité des déclarations ou l’authenticité des documents fournis par l’étranger. Elle peut convoquer l’étranger à plusieurs entretiens pour savoir s’il a toujours le droit de séjourner en France. Si l’étranger ne répond pas aux convocations ou empêche les contrôles, son titre de séjour pourra être retiré. Hormis le secret médical, il n’y a plus de secret professionnel pour les étrangers en France. Au prétexte de la lutte contre la fraude au séjour, beaucoup d’organismes publics sont dorénavant obligés, sous peine de commettre un délit, d’espionner l’étranger et de transmettre ses données personnelles sur requête de la préfecture. Il en est ainsi des organismes d’état civil, des administrations chargées du travail et de l’emploi, des organismes de sécurité sociale, des écoles et universités, des fournisseurs d’énergie, de téléphonie er d’internet, des établissements de santé publics et privés ; des établissements bancaires et des organismes financiers ; des greffes des tribunaux de commerce. L’étranger est ainsi dépouillé de sa sphère privée et de son intimité par ces organismes qui deviennent, bon gré mal gré, de nouveaux agents de renseignement sur la vie des étrangers. Cette nouvelle loi installe un système de surveillance généralisé des étrangers en France, et viole, de ce fait, le principe de l’égalité des usagers devant le service public, de même que le droit fondamental au respect de la vie privée. Ce flicage administratif place de facto les étrangers dans un « Etat d’urgence administratif » permanent. Il génère une suspicion de délinquance administrative qui plane sur la tête de tout étranger en France. Les mêmes contrôles et délations institutionnalisées, appliqués aux français, feraient certainement l’objet d’une vague de contestations populaires, politiques ou judiciaires devant le Conseil constitutionnel. En attendant une correction de cette loi, le seul rempart qui reste aux étrangers en France est d’être transparent et de ne rien avoir à se reprocher.
Aliou TALL,
Président du Réseau Africain de Défense des Usagers, des Consommateurs et du Citoyen (RADUCC)
Email : raducc@hotmail.fr