Le Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP, ou Mouvement des talibans du Pakistan), le principal groupe taliban du pays, a officiellement revendiqué, lundi 9 juin, une attaque meurtrière contre l'aéroport international Jinnah de Karachi. Le groupe islamiste a affirmé avoir agi « pour venger la mort de Hakimullah Mehsud », son ancien chef tué en novembre par un tir de drone américain dans les zones tribales du nord-ouest pakistanais. L'assaut, qui a duré toute la nuit, a fait 28 morts, selon les autorités, dont dix assaillants et plusieurs employés de l'aéroport.
Il intervient seulement trois mois après qu'Islamabad et le TTP ont renoué le contact pour tenter de relancer un difficile processus de négociations. Celui-ci avait été engagé après l'élection en juin 2013 au poste de premier ministre de Nawaz Sharif, un conservateur disposant de relais dans les mouvances islamistes. En revendiquant l'attaque, le porte-parole taliban Shahidullah Shahid a semblé enterrer ces discussions, les dénonçant comme un « artifice », un « outil de guerre » supplémentaire utilisé par les autorités pour neutraliser les groupes talibans.
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Cet assaut sanglant, qui s'est achevé en fin de matinée par la mort des assaillants, confirme aussi la fragilité de la situation sécuritaire dans le pays et ses défaillances en la matière, y compris sur ses sites les plus stratégiques. Lundi matin, l'armée pakistanaise a annoncé avoir repris le contrôle de l'aéroport. Mais les tirs ont repris dans la matinée, vers 8 h 30 locales (5 h 30 à Paris), conduisant la force paramilitaire des Rangers et les commandos d'élite déployés sur place à retourner à l'affrontement avec les rebelles.
« Dix militants âgés de 20 à 25 ans ont été tués par les forces de sécurité », a déclaré un porte-parole des Rangers. « Trois militants se sont fait exploser et sept ont été abattus. Il s'agissait apparemment d'Ouzbeks », a déclaré à la télévision Rizwan Akhtar, le responsable régional des Rangers. Un peu plus tôt, un général de division avait indiqué que des munitions, des fusées et des lances-roquettes avaient été saisis.
23 PERSONNES TUÉES DANS LE SUD-OUEST
Selon les premières informations, les assaillants semblent avoir pénétré dans l'enceinte de l'aéroport international Jinnah par au moins deux côtés, et notamment en cisaillant une clôture grillagée de l'ancien terminal, qui n'est plus utilisé par les passagers mais qui abrite des bureaux, des ateliers et des hangars. Au moins deux employés de la compagnie aérienne Pakistan International Airlines ont été tués. En dehors du commando, les autres victimes sont des membres des forces de sécurité de l'aéroport, selon la directrice de l'hôpital principal de la ville.
Par ailleurs, au moins 23 personnes ont été tuées dimanche soir dans le sud-ouest du pays lors d'une attaque suicide visant un restaurant fréquenté par des membres de la minorité chiite, ont indiqué les autorités locales. Le Baloutchistan, limitrophe de l'Iran et de l'Afghanistan et cœur de l'industrie gazière du pays, est régulièrement secoué par les violences, dont des attentats souvent meurtriers contre la minorité chiite, qui représente 20 % de la population pakistanaise. Les chiites sont visés par des groupes sunnites radicaux comme le Lashkar-e-Janghvi (LeJ), proche d'Al-Qaida, et qui a revendiqué plusieurs de ces attaques interconfessionnelles.
Le Monde/AFP/reuter
Le Monde/AFP/reuter