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Économie et Finance

Prime de risque en Afrique : un mythe coûteux qui freine le développement d’un continent


Alwihda Info | Par Alwihda - 17 Février 2025


Le risque est presque dix fois plus faible en Afrique qu’en Amérique latine et en Europe de l’Est pour les investisseurs – Akinwumi Adesina, Banque africaine de développement.


Prime de risque en Afrique : un mythe coûteux qui freine le développement d’un continent
À leurs dépens, de nombreux investisseurs internationaux se trompent sur l’Afrique.

C’est le message clair envoyé par les dirigeants et les chefs d’entreprise africains lors du Sommet mondial des gouvernements qui s’est tenu cette semaine à Dubaï, durant lequel ils ont remis en question les idées reçues qui persistent sur le risque d’investissement en Afrique.

« Le risque en Afrique n’est pas différent de celui de n’importe quelle autre région du monde », a affirmé Akinwumi Adesina, président du Groupe de la Banque africaine de développement et de ses Conseils d’administration.

S’exprimant le 11 février dernier lors d’une table ronde intitulée « La nouvelle révolution économique : une perspective africaine », M. Adesina a cité des données saisissantes qui bouleversent les a priori. « Nous avons demandé à Moody’s Analytics d’examiner le profil de risque de l’Afrique, des investissements et des infrastructures au cours des 14 dernières années. Savez-vous ce qu’ils ont découvert ? Le taux de perte en Afrique est de 1,7 %. Il est d’environ 13 % en Amérique latine. Celui de l’Europe de l’Est est plutôt d’environ 10 % », a-t-il révélé.

Ces statistiques dressent un tableau très différent de celui que reflètent les primes de risque généralement exigées pour les investissements africains. Les performances réelles du continent suggèrent qu’il pourrait s’agir de l’une des destinations d’investissement les plus sûres au monde, une réalité masquée par des stéréotypes négatifs persistants.

Tony Elumelu, fondateur de la Fondation Tony Elumelu et président de plusieurs entreprises africaines, a exposé sa propre expérience : « Nulle part ailleurs, nous n’obtenons le type de retour sur investissement que nous réalisons en Afrique », a souligné M. Elumelu, dont le portefeuille d’activité couvre les secteurs de l’électricité, du pétrole et du gaz, des services financiers et des soins de santé sur quatre continents, y compris des investissements dans les États du Golfe.

Il a souligné que le succès reposait sur la capacité à voir des opportunités là où d’autres voient des risques.

« Nulle part ailleurs, nous n’obtenons le type de retour sur investissement que nous réalisons en Afrique », a déclaré Tony Elumelu, fondateur de la Fondation Tony Elumelu.

« Vous pouvez décider de voir des risques ou des défis, ou vous pouvez voir des opportunités », a ajouté M. Elumelu. « Mais la capacité à identifier les opportunités et à structurer votre approche de manière à gérer et à atténuer ces risques vous confère, à vous et à votre entreprise, un avantage concurrentiel supplémentaire. »

Pour combler cet écart de perception, le Groupe de la Banque africaine de développement a annoncé son intention de créer une nouvelle agence de garantie des investissements en Afrique, qui offrira une couverture complète contre les risques climatiques, boursiers, politiques et de change, répondant ainsi aux principales préoccupations qui ont historiquement dissuadé les investisseurs internationaux.

Le moment ne pourrait être plus critique. L’Afrique se trouve à la croisée de plusieurs transitions mondiales : démographique, énergétique et agricole. Avec 75 % de sa population âgée de moins de 35 ans, dont 600 millions de personnes âgées de 15 à 35 ans, le continent est bien placé pour devenir le réservoir de main-d’œuvre à l’échelle mondiale. Ses vastes ressources minérales, notamment des métaux rares pour les véhicules électriques et les énergies renouvelables, le rendent indispensable à la transition énergétique mondiale.

« Qu’il s’agisse de batteries lithium-ion, de véhicules électriques, de platine, de cuivre, de graphite ou de tout autre élément de ces batteries lithium-ion, tout se trouve en Afrique », a rappelé M. Adesina. « Par conséquent, ce que l’Afrique fera de ses ressources façonnera l’avenir du monde. »

Le récit de la « malédiction des ressources », qui hante depuis longtemps l’histoire du développement de l’Afrique, a également été discuté lors du sommet. Le ministre en chef de la Sierra Leone, David Moinina Sengeh, a réfuté ce cadre et introduit à la place le concept de « concessions accordées avec conscience ».

M. Sengeh a expliqué qu’il s’agissait d’accords bénéfiques à la fois aux investisseurs, aux gouvernements et aux communautés locales. « C’est si facile de parler de concessions de la part de l’un ou l’autre de ces pays ou du secteur privé qui a 100 ans, de nombreuses dérogations, des employés venant de l’étranger, de tout ce qui est exporté. Ce n’est pas consensuel. Vous parlez de mauvais accords, qui, soit dit en passant, ont transformé des situations en malédictions, et je pense que c’est de cela que les gens parlent », a-t-il expliqué, tout en évoqué les récents développements dans le secteur de l’extraction du rutile en Sierra Leone, où la propriété nationale change la dynamique de la gestion des ressources.

Le discours sur la « malédiction des ressources », qui hante depuis longtemps le développement de l’Afrique, est erroné, a déclaré le ministre en chef de la Sierra Leone, David Moinina Sengeh.

« Si nous ne pensons pas seulement à l’argent, mais aussi aux personnes et à la planète, alors les accords et les contrats que nous signons, en toute conscience, seront bénéfiques pour les personnes, apporteront une valeur économique à tous, aux investisseurs, au gouvernement et aux populations locales », a ajouté M. Sengeh.

Le Groupe de la Banque africaine de développement s’emploie activement à faciliter de tels accords équilibrés. « À la Banque africaine de développement, nous avons la Facilité africaine de soutien juridique pour aider la Sierra Leone et la RDC, ainsi que plusieurs autres pays, à structurer des accords qui servent leurs propres intérêts », a expliqué M. Adesina.

Les Market Days de l’Africa Investment Forum (AIF), tenus en décembre 2024 au Maroc, ont démontré le fort appétit des investisseurs lorsque les obstacles sont supprimés, permettant de sécuriser 29,4 milliards de dollars d’intérêts d’investissement en seulement 72 heures. Cela a contribué à mobiliser plus de 225 milliards de dollars d’intérêts d’investissement depuis la création de l’AIF en 2018. Ce succès s’inscrit dans le cadre d’une initiative plus large visant à industrialiser le continent et à dépasser le stade de la simple exportation de matières premières.

« L’exportation de matières premières brutes de toutes sortes est un vecteur de pauvreté », a souligné Akinwumi Adesina. « Mais l’exportation de produits manufacturés à valeur ajoutée industrielle, pour permettre un accroissement de la part de l’Afrique dans la production mondiale et une montée en puissance dans les chaînes de valeur mondiales, voilà la voie vers la prospérité ! », a-t-il assuré.

D’importantes initiatives sont déjà en cours pour bâtir cette infrastructure. Le Groupe de la Banque africaine de développement investit trois milliards de dollars dans des Zones spéciales de transformation agro-industrielle, tandis que la « Mission 300 », un partenariat avec la Banque mondiale, vise à fournir un accès à l’électricité à 300 millions de personnes en Afrique. Ces projets représentent des opportunités importantes pour les investissements privés dans la production, le transport et la distribution d’électricité.

« L’exportation de matières premières de toute sorte est vectrice de pauvreté », a déclaré Akinwumi Adesina, président du Groupe de la Banque africaine de développement. « Mais l’exportation de produits manufacturés à valeur ajoutée industrielle, pour permettre un accroissement de la part de l’Afrique dans la production mondiale et une montée en puissance dans les chaînes de valeur mondiales, voilà la voie de la prospérité ! »

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), avec son marché potentiel de 3 400 milliards de dollars et sa population de quelque 1,5 milliard d’habitants, ajoute encore un niveau d’opportunité. « L’Afrique ne va pas mendier pour se développer », a insisté M. Adesina. « L’Afrique se développera grâce au commerce et aux investissements. »

Pour ce qui concerne l’avenir, les dirigeants africains savent clairement qui sera le moteur de cette transformation, à l’instar des paroles du Premier ministre de la Sierra Leone, Samura Kamara : « Qui sera dominant en Afrique ? Les Africains seront dominants en Afrique. » M. Kamara a ainsi appelé à un « radicalisme progressiste, social et démocratique » pour que le développement profite à tous les Africains.

Pour les investisseurs internationaux, le message envoyé à Dubaï était clair : le risque n’est pas d’investir en Afrique, mais plutôt de passer à côté des opportunités offertes par le continent. « C’est le moment ou jamais ! », a conclu Tony Elumelu.



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