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Professeur Shanda Tonme : « La guerre que mène le Kenya contre les terroristes Shebabs est largement légitime »


Alwihda Info | Par - 4 Avril 2015


Spécialiste des relations internationales, le professeur Shanda Tonme parle, , des accords de sortie de crise bloquée au Mali, l’alternance démocratique au Nigeria, l’attaque terroriste au Kenya, l’accord sur le nucléaire iranien et l’évolution de la situation dans les deux Congo.


Professeur Shanda Tonme
Alwihdainfos : Pr. Shanda Tonme Bonjour !
Pr Shanda Tonme : Bonjour monsieur  Nga Etoga et très cher ami,
Mais Professeur, on a l’impression que le monde bouge dans tous les sens, maison ne vous sent pas beaucoup, alors même que votre éclairage d’expert et surtout vos positions souvent nettes, nous manquent pour une bonne lecture de cette actualité qui quoi que l’on fasse, nous interpelle avec gravité.
Mais non, cher ami, je suis présent et même bien présent. Il faut parfois souffrir de ne pas m’entendre sur tous les sujets tout le temps. Et puis, je crois tout de même que je tiens une chronique permanente et une des plus régulières chez un de vos confrères camerounais bien connu. En plus de cela, j’ai commis deux ouvrages de fortes intensités parus le 15 janvier et vous avez je crois bien, été informé. Il s’agit justement de « Conflits d’éthiques et crises des relations internationales » qui est un outil majeur de compréhension des mutations actuelles du monde amorcées depuis deux décennies environ, et « Tourments de Polygamie », un chef d’œuvre d’anthropologie africaine.
C’est juste prof. C’est quand même qu’on aimerait vous avoir le plus souvent sur les thèmes forts qui dominent l’actualité mondiale. Pour les publications, vous avez parfaitement raison, mais combien de personnes peuvent y avoir vraiment accès et combien lisent effectivement. Par contre quand vous parlez dans la presse, il y a des chances de toucher et de renseigner des foules.
Oui, je crois que c’est vous qui avez la bonne vision, la bonne raison. Allons-y, de quoi parlons-nous aujourd’hui ?
 
De l’Accord de sortie de crise en panne au nord Mali, de la transition au Nigeria, de l’accord sur le nucléaire iranien et enfin de la dernière attaque terroriste dans une université du Kenya.
 
LE  MALI
 Ne craignez-vous pas une désintégration voire une partition pure et simple de ce grand pays, au regard du refus des groupes du nord de signer l’accord de sortie de crise ?
Je suis personnellement triste de constater à quel point des puissances étrangères en rajoutent à la turpitude et à la faiblesse prospective des dirigeants africains. Nous sommes en train de vivre au Mali, une répétition exemplaire de ce qui se passa au Congo sous Lumumba, mais selon des termes de référence différents et dans un contexte autre. Voyez-vous, comment pouvez-vous penser qu’un tel pays vaste comme vous le dites si bien, on ne conçoive pas le destin organique et institutionnel autrement que de façon centralisé ? Et puis, laissez tomber le discours de grand pays, parlons de pays vaste, qui correspond le mieux.
Prof. Vous voulez dire que vous soutenez les revendications des mouvements autonomistes du nord ?
Attention, ces mouvements demandaient au départ le fédéralisme purement et simplement avant de se rabattre au minimum qui est l’autonomie, par soucis de concession. Hélas même l’autonomie leur est refusée. Je suis parfaitement d’accord avec ces mouvements. L’avenir de la gouvernance moderne est au fédéralisme et rien d’autre et c’est valable pour tous les pays de la planète, y compris les mieux structurés et les plus prospères. Bien plus, quand coexistent certaines spécificités ethno culturelles et anthropologiques fortes, sur le fédéralisme peut servir de ciment pour une coexistence pacifique.
Prof, quel est le rapport avec le Congo de Patrice Lumumba ?
Ici je sais que les Africains ont souvent peur et même très peur des remises en cause de leurs croyances et chimères. Sachez que si Lumumba avait opté pour le fédéralisme, nous aurions sauvé le jeune Etat congolais et sans doute que le destin aurait tourné autrement. Patrice était seul à s’opposer au fédéralisme. C’était une grave erreur.
 Prof, croyez-vous que cette option tient encore plus le Cameroun ?
J’observe que vous dites bien « tient encore », ce qui veut dire qu’elle a tenu un moment. Il n’y pas et il ne saurait avoir de futur réellement et effectivement prometteur pour le Cameroun sans fédéralisme. Je signale que ce serait d’ailleurs juste remise sur les rails et juste réparation après la grossière escroquerie politique que constitua le référendum totalitaire et anti démocratique de 1972.
Prof, que conseillerez-vous donc au pouvoir de Bamako ?
Il ne me revient pas de leur dire ce qu’il y a lieu de faire. Je regrette simplement que de la France en passant par l’ONU et l’Union Africaine, on joue à tromper Bamako dans cette délicate situation. On présente régulièrement des maliens jurant que l’intégrité territoriale de leur pays, leur unité, la forme de l’Etat ne sont pas négociables. Je crois qu’ils vont avoir un réveil douloureux les années pas très lointaines. Le récent attentat terroriste en plein cœur de Bamako devrait constituer un message clair. Pas de paix réelle et juste, pas de repos ni de tranquillité pour tout le monde. Hélas.
Prof, faudrait-il s’attendre alors au pire, selon vos prévisions ?
Absolument. On a parlé de révolution au Mali, ce n’est pas vraiment exact. Au regard de ce qui se passe, on a trompé le peuple avec d’anciens caciques rompus aux combines sales, et pourris avec les mêmes réseaux étrangers et les mêmes méthodes internes de mauvaise gouvernance. Où voyez-vous un président à la tête d’une nation ruinée s’empresser d’abord à s’acheter un avion flambant neuf de plusieurs milliards alors que tout est faire ou à refaire ? Le Mali a besoin d’une troisième révolution mais cette fois radicale, effectivement nationaliste et authentiquement progressiste. Seule une révolution nationaliste et progressiste authentique peut comprendre, prendre en compte et solutionner la question de la forme la plus appropriée de l’Etat et de l’exigence institutionnelle du fédéralisme.
Ceux qui croient qu’ils vont bricoler des accords de paix qui sacralisent le statut quo colonial, sont dans l’erreur et ne sont pas capables de dépassement. Or il faut faire preuve à la fois d’une volonté de transcendance et d’une ambition de rassemblement réel. C’est toute la problématique des frontières héritées de la colonisation qui est en débat. Cette histoire d’intangibilité est une des pires conneries par laquelle on maintien le continent dans l’infantilisme politique et l’obscurantisme institutionnel.
 
L’Alternance démocratique au Nigeria
 Prof ShandaTonme, êtes-vous d’accord avec ceux qui pensent que l’Afrique vient d’administrer une preuve qu’elle peut avancer dans la bonne direction ?
Mais si, absolument. C’est un coup de tonnerre dans le ciel sombre des dictatures granitiques et des velléités monarchiques qui désespèrent les peuples africains. J’ai senti quelque chose bouger dans mon corps et dans ma tête. C’est terrible qu’est-ce que le bonheur peut tenir finalement à si peu de gestes, à un événement même lointain.
 Prof, croyez-vous que nous allons en finir avec Boko Haram après cette élection réussie au Nigeria ?
D’abord, je me veux volontiers didactique et historien, politologue simple venu des sources de la vérité et du courage, et enfin internationaliste lourdement critique et révolutionnaire. J’ai suivi trop de commentaires à la suite de l’élection de Muhamadu Buhari, sauf que l’on omet de le lier avec d’autres compères du nord à la naissance, je dirai la création de Boko Haram. C’est bien lui et Babaguinda, un autre ancien chef d’Etat et quelques affidés élites politiques du nord, qui en réaction au refus de GoodLuck Jonathan de respecter l’accord non écrit d’alternance du pouvoir entre les sudistes et les nordistes, qui ont pensé, encouragé et promu la nébuleuse terroriste. Malheureusement l’affaire leur a échappé complètement en battant le rappel de tous les bandits et coupeurs de route, et en profitant de l’actualité du moyen orient pour se donner une dimension terroriste internationale. J’ai même entendu quelqu’un soutenir que comme il est du nord, il saura parler aux gens du nord. C’est un aveu, mais également le dévoiement d’une parfaite idiotie et d’une mentalité condamnable de pyromane.
 Prof, au plan sous régional puis régional, quelles conséquences entrevoyez-vous clairement ?
D’abord au plan sous régional, il faut que des pays à l’instar du Cameroun se mettent très vite à l’école du Nigeria. Je vous prends un exemple simple qui est celui du Mexique. Lorsque l’on a un voisin puissant, riche et peuple, on fait avec sa politique, on le caresse dans le sens des poils et on se met en quatre pour entretenir avec lui des relations exemplaires débarrassées de tout soupçon. Ce n’est pas ce que le Cameroun a fait jusqu’ici et je le regrette infiniment. Yaoundé devrait même avoir un ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé exclusivement des relations avec le Nigeria. Amadou Ahidjo avait très bien compris cette logique géostratégique, et à tel point que des histoires comme Bakassi n’eurent jamais lieu. Là aussi, je veux dire à Yaoundé, il est temps de se réveiller et de faire la réalpolitik. On ne s’amuse pas avec un voisin qui a une dizaine de millions de ses ressortissants sur votre territoire donc la moitié au moins détenteurs de vos papiers officiels, passeports et cartes nationales d’identité. Enfin, nous parlons d’une grande puissance de fait, un géant qui est riche et bouillonnant d’initiatives industriels et d’innovations technologiques. Il faut être franchement nul pour ne pas en profiter.
Au plan régional maintenant, rappelez-vous les vicissitudes de la diplomatie et de la géopolitique continentale au moment de la guerre d’indépendance en Angola, et finalement de l’accession de ce pays meurtri et ancienne colonie portugaise à la qualité de membre de l’OUA. Le Nigeria était alors au sommet de son influence sous la conduite du général Mohammed Murtala, un panafricaniste et un stratège d’exception. Il fallut le poids décisif du Nigeria pour faire pencher la balance du côté des progressistes et de l’adhésion de l’Angola. En face nous avions tous les traitres et potentats de l’impérialisme. Je rappelle ici que c’est l’une des occasions où la diplomatie camerounaise fut elle aussi d’une intelligence admirable, dans la mesure où Ahidjo ne se prononça qu’après avoir pris connaissance de la position exemplaire du grand voisin nigérian.
 Prof, et dans le monde en général
Oui, j’en viens justement. Vous savez, on dit souvent que c’est la tête du poisson qui pourri le poisson. Donc, si la tête est bien, le reste du corps sera bien également et automatiquement bien. Avec un Nigeria retrouvant une certaine respectabilité, c’est toute la géopolitique du continent qui va connaître des ajustements, et c’est l’ensemble des rapports d’influence au sein de l’organisation diplomatique continentale qui s’en trouvera bousculée selon une composition nouvelle mettant en exergue une nouvelle carte de préséance. Ce que l’on appelle la communauté internationale et qui n’est en réalité que le petit cercle des pays occidentaux, sera obligé d’en prendre acte. C’est le retour d’une Afrique avec une vraie locomotive huilée et rénovée par une élection démocratique et une alternance pacifique. Plus gros et mieux organisé, vous êtes plus influent et mieux écouté et enfin respecté.
 Prof, et la victoire sur Boko Haram alors ?
C’est un autre débat, une autre problématique auxquels l’élection d’un nouveau président selon des termes démocratiques, n’apporte pas une solution automatique ni magique. Rappelez-vous qu’avant l’émergence violente de cette nébuleuse, le phénomène du grand banditisme dans la région septentrionale du Cameroun avait un autre nom : coupeurs de routes. Pouvons-nous affirmer que le phénomène a disparu ? Je dis non. Au contraire, nous sommes installés dorénavant dans d’autres complexités qui doivent tout à la qualité de la gouvernance et aux urgences de survie des populations, aux frustrations et aux misères. C’est une région entière qui doit être secouée, qui doit être normalisée en termes de bonne gouvernance et d’alternance politique. Du Soudan à la Centrafrique en passant par le Tchad et les Congo, les peuples crient et veulent être entendus pour un mieux quotidien, pour un mot à dire sur leur destin. C’est cela le véritable enjeu.  Quand vous avez des masses et des masses de gamins qui ne font rien à longueur de journée ou qui ont terminé les classes secondaires et n’ont rien à se mettre sous la dent et rien pour gagner leur vie, le jeu de la guerre et du sang devient une voie royale, un salut de circonstance qui peut durer.
 
L’attaque terroriste dans un campus universitaire au Kenya
Prof, qu’en pensez-vous ? Le Kenya a-t-il eu tort de faire la politique des occidentaux ?
Vous avez sans aucun doute raison de vous exprimer de cette manière, mais je dois dire que quoi qu’il advienne, la guerre que mène le Kenya contre les terroristes Shebabs est largement légitime. Le nombre de morts n’est plus un facteur quand on est engagé directement ou indirectement dans une guerre totale. Je veux dire que l’émoi devant la brutalité et la barbarie des actes de cette nébuleuse terroriste est au plus haut niveau, mais ceux qui tiennent les rênes d’une nation, doivent pouvoir et savoir garder la tête froide. Il y aura d’autres attaques et d’autres victimes, mais la guerre devra continuer par tous les moyens, par toutes les voies et dans tous les sens.
Vous évoquez le suivi des occidentaux par le Kenya, et c’est vrai, je peux vous le concéder, tant par exemple le verdict de la CPI concernant le président Kenyan, fut un arrangement clair, net et incontestable des Etats unis pour service rendu et pour service à rendre, ce qui confirme encore mieux la thèse d’une juridiction pénale internationale aux ordres. Néanmoins il faut apprécier les enjeux d’un point de vue stratégique et géopolitique. Le Kenya est et a toujours été, une sorte de tête de pont pour les Etats unis dans la sous-région qui inclut une grande partie de l’Est et de la corne de l’Afrique. Or nous sommes là-bas aux confins immédiats et précieux de la mer rouge où se jouent et se bousculent des influences multiples. On ne peut pas permettre la présence d’un désordre qui à terme, pourrait gêner l’ensemble du trafic maritime, le transit international. Je signale d’ailleurs que pour cette raison, français et Américains sont présents en à Djibouti avec des bases militaires permanentes et des stations de surveillance électronique.
 Prof, quelle solution ?
Aucune et toute à la fois. Personne ne doit rester indifférent face aux crimes des terroristes de ce genre. Ils peuvent frapper partout et à tout moment. Les Etats doivent non seulement réfléchir sur des parades, mais essayer d’abord de régler certaines contingences structurelles. En somme il faudrait déjà se convaincre que l’on fait tout ce qui est nécessaire en matière de bonne gouvernance, de dialogue entre les diverses composantes, de justice sociale, et d’alternance démocratique au sommet du pouvoir. Le Kenya est un grand pays qui de tout temps a joué un rôle majeur dans la diplomatie continentale et servit de relais à nombre de courants d’influences géostratégiques.
C’est vraiment dommage de se lever ainsi matin, et d’apprendre que près de deux cent familles ont perdu leur enfant dans l’attaque criminelle d’un dortoir universitaire par une bande de fous drogués et fanatisés.
 
L’Accord sur le nucléaire iranien
 Prof, votre avis ?
Nous assistons à l’une des plus insoutenables et des plus impensables supercheries diplomatiques de toute l’histoire des relations internationales. Certes, à la fin du deuxième conflit mondial (1939 – 1945), les puissances victorieuses avaient par exemple interdit le réarmement de l’Allemagne et du Japon. Cette interdiction est dorénavant dépassée, parce que de façon d’abord furtive et ensuite ouverte, ces deux pays du résolument du camp occidental ont pratiquement eu carte blanche pour s’équiper d’une manière ou d’une autre. De même, les négociations sur le désarmement entre les Etats unis et l’ex URSS puis la Russie, ont produit un certain nombre de traités d’abord pour la limitation des armements, et ensuite pour leur destruction ou leur interdiction. Les armes concernées étaient aussi bien conventionnelles qu’atomiques.
En toile de fond sur la question du nucléaire iranien, il y a le traité de non prolifération signé à Moscou par les quatre puissances nucléaires de l’époque et imposée arbitrairement au reste du monde. Aujourd’hui, cet accord est dépassée et ne correspond plus à l’avancement et à la dissémination de la connaissance scientifique, ni à l’idée que se font les Etat nations sur leurs besoins de sécurité eu égard aux menaces et eu égard à la mutation géostratégique du monde. Depuis 1963, une bonne dizaine de pays ont accédé au statut de puissance nucléaire et certaines ont même développé des capacités spatiales indéniables.
Ce qui est en cause dans le cas du nucléaire iranien, c’est plus la perception supposée des implications de la capacité nucléaire pour un pays en dehors du giron occidental. L’hypothèse de base c’est que tout ce qui n’est pas fait pour être au service du camp occidental est inacceptable. Il s’agit ici d’une atteinte à la plénitude de compétence des Etats sur la gestion de leur politique de sécurité. Or de façon absolue, trois domaines au moins intègrent le champ de compétence exclusive ou encore de compétence induisant le concept de domaine réservé. Il s’agit de la politique de défense et de sécurité, de la politique étrangère, de la politique monétaire. Ce qu’il est convenu d’appeler accord sur le nucléaire iranien, peut donc être considéré comme un processus vicié, illégal autant qu’illégitime.
 Prof, vous soutenez donc les thèses pro iraniennes ?
Non pas du tout. J’en appelle simplement au réalisme et à la raison au regard de la structuration contentieuse, idéologique et politique du monde. S’il y a quelqu’un qui parle vrai, c’est le premier ministre israélien Netanyahu. Il faut être bête et profondément inintelligent pour croire que quelqu’un empêchera l’Iran de posséder la bombe nucléaire à terme. Qui peut d’ailleurs affirmer avec une garantie totale qu’il ne l’a pas encore ? Dans ce domaine, c’est d’avantage la capacité scientifique et la maîtrise effective de la technologie nécessaire qui sont à prendre en considération, or l’Iran est depuis une dizaine d’années au moins déjà à ce niveau.
Prof, Quand vous dites que ce n’est pas grave, mais si on balance une bombe sur notre tête ?
Je crois qu’il ne faut pas justement se livrer à un excès d’extrapolation morbide. Pourquoi déjà quelqu’un le ferait ? Ceux qui crient à la menace nucléaire sont justement les seuls qui ont déjà fait usage de cette arme, à un moment où la nécessité n’existait pas. Les Etats unis sont seuls à avoir balancé la bombe atomique sur un autre pays, sur tout un peuple. Il s’agit des bombes sur Nagazaki et Hiroshima à la fin de la guerre de 1939 -1945. Les puissances étaient déjà pratiquement vaincues grâce à la bravoure de l’armée rouge et les Américains ont néanmoins tenu à balancer leurs engins, juste pour voir les effets dévastateurs en grandeur nature. C’est triste et j’espère qu’un jour, des générations courageuses feront le procès de cet acte criminel et insensé.
 Prof, Et l’attitude d’Israël alors ?
Mais il faut comprendre Israël. Vous avez en face des gens qui s’amusent à dire qu’ils vont rayer ce pays de la carte et vont le dire jusqu’à la tribune de l’ONU. Il s’agit de dirigeants iraniens et c’est donc légitime pour l’Etat hébreux de s’inquiéter, de vouloir s’opposer par tous les moyens et par toutes les voies en commençant par la voie diplomatique à la possession de la bombe par l’Iran. Seulement, Israël est aussi un Etat nucléaire disposant de bombes qui échappent à tout contrôle de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique). Le débat est donc profond et contraignant pour tout le monde.
Prof, Il faudrait donc conclure que ces négociations ne sont que pures gesticulations ?
En tout cas, elles n’ont pas lieu d’être. On aura beau penser que l’on peut empêcher les Etats de s’armer librement, on se trompe lourdement. Les pays qui veulent absolument contrôler les autres sont exactement les mêmes qui violent tous les accords et sèment les guerres. Que vont faire les troupes américaines aux frontières de la Russie dans des manœuvres militaires conjointes avec les forces ukrainiennes ? Que viennent chercher les bases de missiles anti missiles en Tchéquie, en Bulgarie ou en Pologne ? Ce sont des gestes provocateurs contraires aux différents accords signés avec Moscou depuis la nuit des temps. J’ai entendu Laurent Fabius déclarer que l’accord permettrait de ramener l’Iran dans la communauté internationale. Franchement, c’est qui et c’est quoi cette communauté internationale en question ? Les Etats unis, la France, le Royaume Unie, l’Allemagne et trois ou quatre autres pays soumis d’Europe. Voilà les patrons qui croient que si on ne va pas se promener sur les champs Elysées, l’on est exclu du monde. Il faut cesser de telles blagues. L’embêtant c’est que ce discours leur est devenu collé dans le cerveau comme un cancer inguérissable. Le monde change et ils ne changent pas leur alphabet diplomatique.
 
La Situation dans les deux Congo
avec des dictateurs accrochés au pouvoir
Prof, que vous inspirent les derniers développements dans ces pays ?
Je suis perplexe devant l’entêtement des deux dictateurs qui sévissent dans ces pays. C’est pire que la malchance. Même le petit Kabila que l’Occident a placé au pouvoir et bien fait les choses en envoyant Bemba Jean Pierre à la prison du TPI pour lui laisser le champ libre, se met à en faire à sa tête. C’est vraiment dommage. Où croient-ils qu’ils vont arriver avec toujours plus de suppression de liberté et un entêtement criminel à changer les constitutions pour s’éterniser au pouvoir ? Sassou craint tellement les procès d’après pouvoir pour lui et sa famille qu’il est prêt à accepter de subir la bousculade et l’humiliation de Compaoré les yeux ouverts. Son histoire de référendum est une voie sans issue, un choix du pire et de la guerre civile. Il me parait impossible qu’il puisse conduire cette mascarade jusqu’au bout. C’est comme un gamin qui ne pleure pas tant qu’il n’a pas senti la brûlure de la braise sous les fesses.
Prof, vous ne leur donnez vraiment aucune chance ?
Aucune, même pas un pour cent. La descente aux enfers est amorcée pour Sassou et sa famille et ce ne sont pas quelques bricolages de référendum qui arrêteront le processus. Penser ainsi qu’il peut survivre et narguer son peuple après l’expérience du Burkina procède d’une de ces folies qui assombrissent la vision des potentats et réduisent considérablement leur capacité de discernement. C’est la honte de l’Afrique et particulièrement de l’Afrique centrale. S’accrocher ainsi au pouvoir, vouloir faire oublier qu’il n’est revenu à la tête du pays qu’après avoir renversé les armes à la main, un président démocratiquement élu, c’est pénible à qualifier.
 
 
Prof, Et pour Kabila précisément ?
Franchement, ce jeunot ferait mieux de cesser de tirer le pays vers le bas et de vouloir faire du Mobutu sana Mobutu. La situation de droits humains et des libertés dans le pays est un tableau des plus sombres. On arrête, on torture, on fait disparaître, on oppresse en plein jour. Une dizaine de congolais sont toujours détenus sans jugement et sans accès à un conseil, pour avoir osé recevoir des amis africains qui parlaient de faire échec à la révision de la constitution. Vous savez, j’ai commis deux ouvrages qui cadrent bien avec ce que ce genre de mec m’inspire à la fin : « La malédiction de l’Afrique noire, en 2011 » et « l’Afrique noire est foutue, en 2013 ».
 Prof, Peut-on parler de la responsabilité de l’Occident et surtout de la France ?
Je vais vous dire encore, que je préfère évoquer un de mes ouvrages dont le titre à lui tout seul, vous offre la réponse : « Et si l’Occident n’était pas responsable des problèmes de l’Afrique, 2010 » ?
Je vis une scène de théâtre très amusante au Cameroun depuis quelques temps. Au départ, des Camerounais protestent, accusent Paris de complot, parce que disent-ils, elle ne vient pas au secours du pays attaqué par l’envoi des troupes sur le terrain pour combattre BokoHaram. Puis, la France dépêche une mission hautement technique composée de hauts gradés de son armée auprès des troupes camerounaises au front. Maintenant c’est un autre son de cloche que j’entends : « non à l’intervention française ; non à la présence de troupes françaises en territoire camerounais ».
Cher ami, les Africains doivent être cohérents, savoir ce qu’ils veulent et où ils veulent aller. Ce genre de turpitudes ne nous honore pas. Il ne suffit pas de proférer des injures à longueur de journée ou même d’années contre une grande puissance pour résoudre quoi que ce soit. J’appelle cet exercice de l’irresponsabilité au mieux, et une pitoyable masturbation de l’esprit au pire. Il est temps de grandir et de prendre la mesure de notre retard, de notre arriération par rapport au monde qui avance. On ne jalouse pas un plus fort que soi, on travaille à essayer de faire comme lui et à devenir comme lui. Ces hallucinations qui voient la France partout y compris en la mouche qui se pose sur leur repas à table ne rendent pas service à l’Afrique./.
Professeur, un grand merci.
 
 

Prof Shanda Tonme:"il faut comprendre Israël"
Correspondant d'Alwihda Info à Yaoundé, Cameroun. +237 695884015 En savoir plus sur cet auteur

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