POINT DE VUE

R.D. Congo : Pour une conférence internationale des donateurs


Alwihda Info | Par APO - 6 Février 2018



Par Samy Badibanga, ancien Premier Ministre de la RDC

Samy Badibanga, ancien Premier Ministre de la RDC. Crédits photo : DR
KINSHASA, République Démocratique du Congo, 6 février 2018/ -- Le casse-tête politique des élections nous a tous aveuglé : l’urgence en RD Congo est autant politique qu’elle est humaine et humanitaire. Oui, il faut tout faire pour que le peuple congolais puisse choisir ses dirigeants à la fin 2018. Mais, au début de 2018, la priorité absolue est de protéger la vie de 13 millions de personnes menacées par la catastrophe humanitaire en cours au Kasaï, au Kivu, au Tanganyika et autres provinces du Congo. Et cela passe impérativement par une conférence internationale des donateurs pour financer les 1,68 milliard de dollars du plan de réponse humanitaire des Nations Unies pour le Congo.

Chaque seconde qui passe, cette catastrophe tue. Elle tue des femmes, des enfants et des hommes qui ont fui les violences, se sont cachés dans la forêt ou plus loin, et qui n’ont plus rien à leur retour. Cette catastrophe pourrait faire bientôt entre un et deux millions de morts si l’aide humanitaire n’est pas financée. Ces chiffres qui donnent le vertige, traduisent pourtant très mal la réalité d’un enfant ou d’une femme qui rendent leur derniers souffle parce qu’ils vont mourir. Non pas tués par les violences, mais par la famine ou la maladie.

La crise du Congo est négligée. Aujourd’hui la plus grande crise humanitaire de la planète, elle est aussi la moins financée, bien que placée au niveau maximum d’urgence humanitaire par les Nations Unies. Le conflit entre pygmées et bantous au Tanganyika a déjà à lui seul déplacé 500.000 personnes, soit autant que de Rohingyas en Birmanie. Au Tanganyika s’ajoute le Kasaï avec 1,5 million de déplacés, le Kivu avec plus de 950.000, et d'autres provinces encore, pour un total de 4,35 millions de personnes selon UNOCHA. En Ouganda, 238.000 congolais se sont réfugiés pour fuir les violences au Kivu, et mille de plus arrivent chaque semaine. Au Burundi 7000 personnes s'y sont réfugié et 33000 en Angola pour ne citer que ces pays. Qui sait aujourd’hui que l’ensemble des déplacements de population au Congo est plus important qu’en Syrie, Irak et Yémen réunis ? Combien de ces 4,35 millions de déplacés rejoignent les routes de la migration par la Corne de l’Afrique vers les camps d’esclaves de Libye ?

Alors que le conflit né au Kasaï en Août 2016 a fait 5.000 morts jusqu’à maintenant, c’est deux millions de personnes qui pourraient y mourir de faim. Comment croire que ces populations qui ont survécu au conflit, et qui reviennent aujourd’hui avec la fin des violences, ne trouvent ni nourriture, ni eau, ni toilettes, ni habit, ni toit ni abri, ni travail ni écoles, ni service public, mais villages brulés, centre de santé pillés, routes détruites, choléra et plantations agricoles ravagées ?   

C’est cet appel au secours venu des églises où la population se réfugie, que nous transmettons, au nom de la coordination Espoir, avec le Cardinal Mosengwo pour l'église catholique et le Révérend Bokundoa, président de l'église protestante, aux Nations Unies, à l’Union Européenne, à la France et à l’ensemble de la communauté internationale, depuis début novembre 2017. C’est au nom de cette population meurtrie, violée, déplacée et abandonnée que nous demandons l’organisation urgente d’une conférence internationale des donateurs.

Le 17 Novembre 2016, la Conférence Internationale pour la République Centrafricaine avait permis de réunir 2,2 milliards de dollars. En RDC, les besoins de financements de l’aide humanitaire s’élèvent à 1,68 milliard de dollars pour 2018, selon les Nations Unies. Le Congo, dont la population avoisine les 90 millions, vingt fois plus que la RCA et ses 4,59 millions de personnes, a grand besoin du même niveau de solidarité mondiale.

Sans Conférence Internationale des Donateurs, le plan de réponse humanitaire des Nations Unies pour 2018 ne sera pas même financé à moitié. A la fin Janvier 2018, il était financé pour 2%, faisant des congolais en détresse les oubliés de la planète en crise. Pourtant, une action humanitaire forte peut sauver des millions de vies et redonner l’espoir d’un nouvel avenir que les Congolais. En ajoutant à l'aide d'urgence des actions post-conflit de réhabilitation des infrastructures socio-économiques, il sera possible d'envisager un progrès vers les objectifs de développement durable, dans un pays de près de 100 millions de personnes dont tout progrès peut avoir un impact majeur dans la région. C’est là que doit nous mener la conférence internationale des donateurs pour le Congo, que nous appelons la communauté internationale à organiser au plus vite.

Dans la même rubrique :