Le Premier ministre centrafricain, Nicolas Tiangaye, le 22 avril 2013 à Bruxelles. © AFP
Emil Michel Cioran disait que "l’inconscience est une patrie. La conscience un exil ». En d’autres termes, celui qui vit dans une relative inconscience a bien peu de chances de vivre l’exil, puisqu’il ne saisit pas l’entière réalité dans laquelle il se trouve. A plus forte raison, il ne peut en mesurer l’injustice et le malheur, d’où l’inutilité du cri de l’autre. L’inconscient ne se lance pas à la poursuite d’une justice et d’un bonheur et cherche moins à les créer.
A l’opposé, celui qui vit l’éveil de la conscience ne peut que percevoir le malaise existentiel qui l’enserre, vivant ainsi une forme d’exil plus ou moins lointain. Le conscient perçoit la misère de la société dans laquelle il vit, cherche les causes et les solutions et souhaite détruire ses structures pour en construire des nouvelles. Mais lorsqu’il rejette la souffrance de l’autre, c’est parce qu’il ne sait pas l’aimer. En effet, ce déni de la souffrance de l’autre tend à provoquer chez la victime un profond sentiment de dépréciation de lui-même. Le centrafricain se sent déprécié aujourd’hui à cause de l’état d’inconscience affiché par la classe politique « séléka ».
Autrement dit, je n’arrive pas à comprendre ce déni de réalité de la part de ces hommes et femmes politiques de la séléka se traduisant souvent par cette attitude irresponsable de : "Être sans être. Vivre dans un monde, mais ne pas m’y sentir. Partager le quotidien de mon prochain mais me sentir autre". C’est ce constat amer qui caractérise aujourd’hui cette caste au pouvoir.
Alors que Washington et Paris qualifient l’enfer que vit le peuple centrafricain de « pré-génocidaire », le Ministre français des affaires étrangère, Laurent Fabius dit que « la Centrafrique est au bord de génocide », l’actrice américaine Mia Farrow, après sa visite à Bossangoa, affirme que « la graine de génocide » est présente, le Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki Moon, suite aux rapports reçus, clame tout haut qu’ il y a « risque de génocide en Centrafrique », la ministre des Affaires Etrangères de la séléka Léonie Banga-Bothy, une contre tous, surprend plus d’un par sa déclaration selon laquelle : “Parler de génocide ou d’un début de génocide en République centrafricaine suppose qu’il y ait un projet d’extermination d’un groupe. Or dans la situation actuelle, ce n’est pas tellement cela […] Il y a quelques préfectures de la République centrafricaine qui connaissent des situations assez sérieuses d’insécurité [...] Parler de génocide, cela peut avoir des effets pervers en ce sens que la population peut penser qu’il y a l’imminence d’un danger et s’armer au point de prendre des dispositions pour pouvoir réagir lorsqu’elle sera attaquée, or nous ne sommes pas dans cette situation”. Elle balaie ainsi d’un revers de mains toutes les exactions que la séléka inflige chaque jour au peuple centrafricain.
Cela ne me surprend pas. Le président de CNT, Mr Nguendet a déjà tenu le même discours : "on ne peut pas parler de pré-génocide en Centrafrique" alors que, quelques jours avant, dans un communiqué lu sur les ondes, il lançait un appel pressant à la communauté internationale au lendemain d’une série d’assassinats ciblés et organisés des militaires, civils et hauts cadres. En fait, Banga-Bothy et Nguendet n’ont fait que suivre les traces de leur mentor, Djotodia, quand il disait à Oyo (Congo Brazzaville) le 06 Novembre 2013 : « seules quatre des seize préfectures que compte la Centrafrique connaissaient encore de véritables troubles, alors que la capitale Bangui «est presque pacifiée». Et aujourd’hui, la réalité du terrain l’a honteusement démenti. Comme lui-même l’a si bien dit : « c’est le terrain qui commande ». Comment ne pas parler d’un « pré-génocide » en Centrafrique ?
Dans l’une de mes tribunes intitulé « le génocide voilé de la séléka » (22 Août 2013, sozowala.com), je n’ai pas manqué de tirer la sonnette d’alarme. Par la même occasion, je me suis basé sur le rapport du 29 Juillet 2013 de l’OCDH, qui décrivait avec lucidité l’intention de la séléka de tuer délibérément le peuple centrafricain. Pour rafraîchir la mémoire de Mme la ministre des affaires étrangères, je reprends une partie de ce rapport : « …depuis l’offensive des éléments de la séléka le 10 décembre 2012 et la prise du pouvoir le 24 Mars 2013, la situation des droits de l’homme en République Centrafricaine n’a eu de cesse de dégrader. Tout au long de l’itinéraire suivi par la coalition des éléments de la séléka depuis Ndélé jusqu’à Bangui, en passant par Damara, Mbrés, Kaga-Bandoro, Ippy, Bambari, Alindao, Mobaye, Bangassou, Ouango, Sibut, Bossembélé, Bossangoa, Bouar, Berbérati, Bozoum, Nola, Carnot, Mbaïki, Paoua, etc. ..force est de constater que…tous les jours ce sont des tueries, des enlèvements, des exécutions extrajudiciaires, des viols, des vols et pillages de tous ordres qui continuent à être déplorés à Bangui et sur toute l’étendue du territoire. » Outre ce qui est dit dans ce rapport depuis le 29 juillet, la liste des massacres des centrafricains n’a cessé de s’allonger : les massacres ciblés à Bossangoa, Bozoum, Bouar et Bangassou, Bangui par des seigneurs de guerre. Le CEDAD, ce lieu illégal de détention, est devenu un camp de concentration. Pour preuve, on repêche chaque jour des corps ligotés et jetés dans l’Oubangui. Les rebelles de la Séléka, issus du nord du pays, majoritairement musulmans, épaulés par des Soudanais et des Tchadiens de confession également musulmane, prennent pour cibles les paisibles citoyens chrétiens et épargnent une frange de la population dont le trait commun est leur appartenance à l’Islam.
En effet, dans ce contexte d’abandon et d’agression, les populations chrétiennes se sentent aujourd’hui victimes d’un plan génocidaire bien élaboré, qui est en train de se mettre en exécution. C’est d’ailleurs pourquoi, selon un haut diplomate, « le cocktail est explosif. On trouve les Arabes islamistes du Darfour, les djandjawids ; des djihadistes qui ont fui le Mali ; des combattants de Boko Haram… Beaucoup d’éléments de la Séléka ne parlent qu’arabe. Il y a déjà des régions dans lesquelles la consommation d’alcool et de porc est interdite. On constate que de très nombreuses églises chrétiennes ont été ciblées par les rebelles. »
Alors, au regard de tout ce qui se vit, se voit et se dit, d’où vient alors cette culture de « langue de bois » de la part de ces hommes et femmes politiques séléka? Si c’est pour
garder leur pain, qu’ils se taisent. Car, cacher les réalités des souffrances d’un peuple et se servir d’elles, est une absurdité impardonnable de l’existence humaine.
A l’opposé, celui qui vit l’éveil de la conscience ne peut que percevoir le malaise existentiel qui l’enserre, vivant ainsi une forme d’exil plus ou moins lointain. Le conscient perçoit la misère de la société dans laquelle il vit, cherche les causes et les solutions et souhaite détruire ses structures pour en construire des nouvelles. Mais lorsqu’il rejette la souffrance de l’autre, c’est parce qu’il ne sait pas l’aimer. En effet, ce déni de la souffrance de l’autre tend à provoquer chez la victime un profond sentiment de dépréciation de lui-même. Le centrafricain se sent déprécié aujourd’hui à cause de l’état d’inconscience affiché par la classe politique « séléka ».
Autrement dit, je n’arrive pas à comprendre ce déni de réalité de la part de ces hommes et femmes politiques de la séléka se traduisant souvent par cette attitude irresponsable de : "Être sans être. Vivre dans un monde, mais ne pas m’y sentir. Partager le quotidien de mon prochain mais me sentir autre". C’est ce constat amer qui caractérise aujourd’hui cette caste au pouvoir.
Alors que Washington et Paris qualifient l’enfer que vit le peuple centrafricain de « pré-génocidaire », le Ministre français des affaires étrangère, Laurent Fabius dit que « la Centrafrique est au bord de génocide », l’actrice américaine Mia Farrow, après sa visite à Bossangoa, affirme que « la graine de génocide » est présente, le Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki Moon, suite aux rapports reçus, clame tout haut qu’ il y a « risque de génocide en Centrafrique », la ministre des Affaires Etrangères de la séléka Léonie Banga-Bothy, une contre tous, surprend plus d’un par sa déclaration selon laquelle : “Parler de génocide ou d’un début de génocide en République centrafricaine suppose qu’il y ait un projet d’extermination d’un groupe. Or dans la situation actuelle, ce n’est pas tellement cela […] Il y a quelques préfectures de la République centrafricaine qui connaissent des situations assez sérieuses d’insécurité [...] Parler de génocide, cela peut avoir des effets pervers en ce sens que la population peut penser qu’il y a l’imminence d’un danger et s’armer au point de prendre des dispositions pour pouvoir réagir lorsqu’elle sera attaquée, or nous ne sommes pas dans cette situation”. Elle balaie ainsi d’un revers de mains toutes les exactions que la séléka inflige chaque jour au peuple centrafricain.
Cela ne me surprend pas. Le président de CNT, Mr Nguendet a déjà tenu le même discours : "on ne peut pas parler de pré-génocide en Centrafrique" alors que, quelques jours avant, dans un communiqué lu sur les ondes, il lançait un appel pressant à la communauté internationale au lendemain d’une série d’assassinats ciblés et organisés des militaires, civils et hauts cadres. En fait, Banga-Bothy et Nguendet n’ont fait que suivre les traces de leur mentor, Djotodia, quand il disait à Oyo (Congo Brazzaville) le 06 Novembre 2013 : « seules quatre des seize préfectures que compte la Centrafrique connaissaient encore de véritables troubles, alors que la capitale Bangui «est presque pacifiée». Et aujourd’hui, la réalité du terrain l’a honteusement démenti. Comme lui-même l’a si bien dit : « c’est le terrain qui commande ». Comment ne pas parler d’un « pré-génocide » en Centrafrique ?
Dans l’une de mes tribunes intitulé « le génocide voilé de la séléka » (22 Août 2013, sozowala.com), je n’ai pas manqué de tirer la sonnette d’alarme. Par la même occasion, je me suis basé sur le rapport du 29 Juillet 2013 de l’OCDH, qui décrivait avec lucidité l’intention de la séléka de tuer délibérément le peuple centrafricain. Pour rafraîchir la mémoire de Mme la ministre des affaires étrangères, je reprends une partie de ce rapport : « …depuis l’offensive des éléments de la séléka le 10 décembre 2012 et la prise du pouvoir le 24 Mars 2013, la situation des droits de l’homme en République Centrafricaine n’a eu de cesse de dégrader. Tout au long de l’itinéraire suivi par la coalition des éléments de la séléka depuis Ndélé jusqu’à Bangui, en passant par Damara, Mbrés, Kaga-Bandoro, Ippy, Bambari, Alindao, Mobaye, Bangassou, Ouango, Sibut, Bossembélé, Bossangoa, Bouar, Berbérati, Bozoum, Nola, Carnot, Mbaïki, Paoua, etc. ..force est de constater que…tous les jours ce sont des tueries, des enlèvements, des exécutions extrajudiciaires, des viols, des vols et pillages de tous ordres qui continuent à être déplorés à Bangui et sur toute l’étendue du territoire. » Outre ce qui est dit dans ce rapport depuis le 29 juillet, la liste des massacres des centrafricains n’a cessé de s’allonger : les massacres ciblés à Bossangoa, Bozoum, Bouar et Bangassou, Bangui par des seigneurs de guerre. Le CEDAD, ce lieu illégal de détention, est devenu un camp de concentration. Pour preuve, on repêche chaque jour des corps ligotés et jetés dans l’Oubangui. Les rebelles de la Séléka, issus du nord du pays, majoritairement musulmans, épaulés par des Soudanais et des Tchadiens de confession également musulmane, prennent pour cibles les paisibles citoyens chrétiens et épargnent une frange de la population dont le trait commun est leur appartenance à l’Islam.
En effet, dans ce contexte d’abandon et d’agression, les populations chrétiennes se sentent aujourd’hui victimes d’un plan génocidaire bien élaboré, qui est en train de se mettre en exécution. C’est d’ailleurs pourquoi, selon un haut diplomate, « le cocktail est explosif. On trouve les Arabes islamistes du Darfour, les djandjawids ; des djihadistes qui ont fui le Mali ; des combattants de Boko Haram… Beaucoup d’éléments de la Séléka ne parlent qu’arabe. Il y a déjà des régions dans lesquelles la consommation d’alcool et de porc est interdite. On constate que de très nombreuses églises chrétiennes ont été ciblées par les rebelles. »
Alors, au regard de tout ce qui se vit, se voit et se dit, d’où vient alors cette culture de « langue de bois » de la part de ces hommes et femmes politiques séléka? Si c’est pour
garder leur pain, qu’ils se taisent. Car, cacher les réalités des souffrances d’un peuple et se servir d’elles, est une absurdité impardonnable de l’existence humaine.
Jean-Paul Passi