Les rebelles tchadiens sont-ils en passe d’être piégés par le Soudan à la demande de la Libye ? Nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, se posent cette question. Il se passe bien de choses inquiétantes pendant que nos amis de la rébellion s’embourbent dans d’interminables réunions dont la fadeur témoigne de l’incapacité des chefs rebelles à dépasser leur petite personne pour retrouver dans leur lutte une cause indiscutablement nationale. On osera affirmer que N’Djamena semble avoir réussi à réduire aux yeux de ses partenaires les ambitions des généraux insurgés à des considérations strictement personnelles. Le message est reçu par le parrain naturel des seigneurs de la guerre tchadiens : la Libye.
Observez que depuis quelques mois, la Libye déploie une activité politique sans précédent pour une re-normalisation des relations diplomatiques entre le Tchad et le Soudan. Version officielle des discours tenus dans de nombreuses capitales africaines où se rencontrent et discutent entre eux des « experts du Tchad, du Darfour et du Soudan », la médiation libyenne est destinée à « épargner des vies au Darfour ».
Visiblement trop complaisants ou du moins pas assez regardants, les médias, qui suivent pourtant de très près ce ballet diplomatique, se contentent de rendre compte, avec une fidélité ahurissante, la version officielle de la Libye et ses « experts du Tchad, du Darfour et du Soudan ». En lisant les dépêches de l’AFP, de l’APA et autre PANA, on croirait que le conflit entre le Tchad et le Soudan aurait pour cause « la situation au Darfour ». C’est d’ailleurs là la version longtemps tenue par Idriss Déby qui a réussi à faire admettre à une partie de la communauté internationale que « la situation au Darfour » est un conflit tchado-soudanais alors que nous savons tous que ce conflit est un conflit « soudano-soudanais » et qui n’a donc rien à voir avec la rébellion tchadienne qui menace son régime autocratique.
Conséquence de cette méprise ou plus exactement de ce mépris, les leaders rebelles tchadiens ne sont ni invités ni même sollicités pour assister aux multiples rencontres d’« experts » appelés pourtant à décider de leur sort sous couvert de pacification des relations entre le Tchad et le Soudan. Ni Mahamat Nouri, ni Adouma Hassaballah, ni Timan Erdimi, ni Koulamallah, ni Djibrine Assali, ni Abakar Tollimi, ni Abdelwahid Aboud Makaye ni Ahmat Hassaballah Soubiane. A ma connaissance, aucun de ces personnages politiques n’a reçu une quelconque invitation officielle à se joindre aux négociations. Pourquoi ce mépris pour la rébellion tchadienne ? Les rebelles sont-ils des pions du Soudan qui décide seul en leurs nom et place ? Il décide en effet à leurs nom et place, mais l’explication du mépris serait ailleurs.
À N’Djamena, octobre passé dans le grand calme, la consigne donnée à la cour de Déby est celle d’éviter désormais en toutes circonstances de parler de la rébellion tchadienne. De ceux-là, « moins nous en parlerons, moins nous leur accorderons d’importance et donc moins d’audience ils auront auprès des institutions internationales et des pays amis », affirme sous couvert d’anonymat un responsable politique récemment de passage à Paris. Sans doute, le mépris est une arme redoutable contre l’adversaire, et Déby semble l’avoir intégré dans sa boîte à idée stratégique. Mais sans doute aussi, ce sont les rebelles eux-mêmes, par leurs propres insuffisances, leurs querelles de clochers, qui ont fini par jeter le discrédit sur leurs actions pourtant encouragées non seulement par les Tchadiens mais aussi par les ADH et les médias internationaux. Le curseur du conflit tchado-tchadien semble être complètement déplacé vers le conflit du Darfour.
Peut-être faut-il commencer à se rendre à l’évidence que certains ont assez répété stupidement que rétablissement des relations entre le Tchad et le Soudan n’aura aucune incidence sur le soutien soudanais à la rébellion. L’actualité politique de nos deux pays ne manque, en effet, pas de laisser présager un risque pour la rébellion tchadienne, lâchée par le Soudan, de se retrouver un jour entre le marteau de Déby et l’enclume de la Libye. Et ce jour-là, douloureux sera le réveil et humiliante toute négociation forcée a minima avec Idriss Déby.
Jugez vous-même que la consigne de ne plus évoquer les rebelles tchadiens est suivie scrupuleusement par tous les « médiateurs, experts ». Ce sont-là, à mon avis, des manœuvres politiques Débyo-libyennes déployées pour déstabiliser la rébellion tchadienne. En parcourant un bref historique de l’actualité politique de ces deux derniers mois, vous saurez de quoi je parle. Mais avant de continuer à lire ce que vous savez déjà, sachez par ailleurs que les chefs rebelles semblent toutefois avoir pris la mesure de ce qui se trame sur leur dos et compris enfin que le Soudan a commencé à les utiliser comme monnaie d’échange, non pas contre le MJE, mais contre la Cour Pénale Internationale pour s’assurer une éventuelle impunité dans la crise du Darfour. Al Bachir est rattrapé par la propagande de Déby sur le faux conflit tchado-soudanais du Darfour. Obama était au Darfour en 2006 et a rendu visite à Idriss Déby. L’été dernier, Washingon a demandé à Khartoum de collaborer avec la CPI dans le cadre de son inculpation dans la crise du Darfour. Al Bachir vient de proclamer un cessez-le-feu immédiat au Darfour. L’acte est salué par les puissances internationales sans exception. La rébellion tchadienne est dangereusement menacée. Que lui reste-t-il ? Lisez plutôt !
- Dimanche 9 novembre, Baradine Haroun Ibrahim, ambassadeur tchadien au Soudan, est arrivé à Khartoum à bord d’un avion affrété à cet effet par la diplomatie libyenne. Sur le tarmac de l’aéroport du pays d’accueil, l’ambassadeur s’est dit « très heureux de reprendre son poste » d’où il avait été forcé de rejoindre N’Djamena en mai dernier après l’offensive contre la capitale soudanaise par les éléments du MJE soutenus par Idriss Déby.
- Le 11 novembre, soit deux jours seulement après le rétablissement des relations diplomatiques entre le Tchad et le Soudan, Idriss Déby a dépêché dare-dare son Premier ministre, Youssouf Saleh Abbas, auprès du chef de l’Etat gabonais Omar Bongo. Selon un communiqué paru sur le site internet de la présidence gabonaise, la visite de Youssouf Saleh Abbas a permis au Premier ministre tchadien de « rendre compte au président Bongo des fruits et du suivi des résolutions issues de la dernière médiation libyenne pour la normalisation des relations tchado soudanaises ».
Ce que Youssouf Saleh Abbas était allé dire au vieux président, c’était qu’en plus des retours des ambassadeurs, la Libye a obtenu, du Tchad et du Soudan, un engagement ferme, lors d'une réunion à Asmara (Érythrée), de consentir à mettre sur pied une « force de paix et de sécurité conjointe » pour sécuriser la frontière contre les incursions des rebelles sur les territoires respectifs des deux pays. Le centre de commandement de cette force de paix et de sécurité sera basé à Tripoli selon les engagements pris à Asmara. Comme annoncé et voulu par la Libye, le 16 novembre à N’Djamena, le Groupe de contact chargé de la mise en œuvre de l'Accord de Dakar a arrêté un budget de 21 millions de dollars US pour financer l’opération de déploiement de la force de paix et de sécurité à la frontière entre les deux pays. Il a été décidé que 2000 hommes seront bientôt déployés sur la frontière tchado-soudanaise.
- Le 17 novembre, le Burkinabé Bassolé Djibrill, Médiateur de l’Union africaine et des Nations unies pour le Darfour a été reçu à N’Djamena par Idriss Déby.
- Le ballet diplomatique libyen, déployé à des fins sans doute inavouées, était tel que même les Etats-Unis, par la voie de leur représentant au Tchad, ont dit saluer la reprise des relations entre le Tchad et le Soudan ; sans oublier de préciser que l’Amérique de Bush et d’Obama se félicitait du rôle joué par la Libye dans la facilitation de l'échange d'ambassadeurs entre N'Djamena et Khartoum.
Surtout, selon un communiqué du Département d'Etat américain, « les Etats-Unis encouragent le Tchad et le Soudan à continuer à améliorer les relations et cesser de soutenir les rebelles opérant le long de la frontière commune ».
« Cesser de soutenir les rebelles », voilà la vérité que n’ignorent point les leaders de la rébellion. Les Américains sont pourtant les seuls à avoir prononcé le terme « rebelles » dans leur discours. L’ostracisme conseillé par la Libye et suivi par les « médiateurs » fonctionne donc bien pour le grand bonheur de Déby et sa cour. Moins on parlera de rebelles, mieux les ouailles de Déby dormiront sous leurs deux oreilles. Mais jusqu’à quand ? Février 2008, c’était peut-être la chance à ne pas manquer. On ne laisse pas un parrain décider de tout. À méditer par ceux qui, dans la rébellion, ont encore de l’avenir en politique.
Lyadish Ahmed
Beijing – Chine
Observez que depuis quelques mois, la Libye déploie une activité politique sans précédent pour une re-normalisation des relations diplomatiques entre le Tchad et le Soudan. Version officielle des discours tenus dans de nombreuses capitales africaines où se rencontrent et discutent entre eux des « experts du Tchad, du Darfour et du Soudan », la médiation libyenne est destinée à « épargner des vies au Darfour ».
Visiblement trop complaisants ou du moins pas assez regardants, les médias, qui suivent pourtant de très près ce ballet diplomatique, se contentent de rendre compte, avec une fidélité ahurissante, la version officielle de la Libye et ses « experts du Tchad, du Darfour et du Soudan ». En lisant les dépêches de l’AFP, de l’APA et autre PANA, on croirait que le conflit entre le Tchad et le Soudan aurait pour cause « la situation au Darfour ». C’est d’ailleurs là la version longtemps tenue par Idriss Déby qui a réussi à faire admettre à une partie de la communauté internationale que « la situation au Darfour » est un conflit tchado-soudanais alors que nous savons tous que ce conflit est un conflit « soudano-soudanais » et qui n’a donc rien à voir avec la rébellion tchadienne qui menace son régime autocratique.
Conséquence de cette méprise ou plus exactement de ce mépris, les leaders rebelles tchadiens ne sont ni invités ni même sollicités pour assister aux multiples rencontres d’« experts » appelés pourtant à décider de leur sort sous couvert de pacification des relations entre le Tchad et le Soudan. Ni Mahamat Nouri, ni Adouma Hassaballah, ni Timan Erdimi, ni Koulamallah, ni Djibrine Assali, ni Abakar Tollimi, ni Abdelwahid Aboud Makaye ni Ahmat Hassaballah Soubiane. A ma connaissance, aucun de ces personnages politiques n’a reçu une quelconque invitation officielle à se joindre aux négociations. Pourquoi ce mépris pour la rébellion tchadienne ? Les rebelles sont-ils des pions du Soudan qui décide seul en leurs nom et place ? Il décide en effet à leurs nom et place, mais l’explication du mépris serait ailleurs.
À N’Djamena, octobre passé dans le grand calme, la consigne donnée à la cour de Déby est celle d’éviter désormais en toutes circonstances de parler de la rébellion tchadienne. De ceux-là, « moins nous en parlerons, moins nous leur accorderons d’importance et donc moins d’audience ils auront auprès des institutions internationales et des pays amis », affirme sous couvert d’anonymat un responsable politique récemment de passage à Paris. Sans doute, le mépris est une arme redoutable contre l’adversaire, et Déby semble l’avoir intégré dans sa boîte à idée stratégique. Mais sans doute aussi, ce sont les rebelles eux-mêmes, par leurs propres insuffisances, leurs querelles de clochers, qui ont fini par jeter le discrédit sur leurs actions pourtant encouragées non seulement par les Tchadiens mais aussi par les ADH et les médias internationaux. Le curseur du conflit tchado-tchadien semble être complètement déplacé vers le conflit du Darfour.
Peut-être faut-il commencer à se rendre à l’évidence que certains ont assez répété stupidement que rétablissement des relations entre le Tchad et le Soudan n’aura aucune incidence sur le soutien soudanais à la rébellion. L’actualité politique de nos deux pays ne manque, en effet, pas de laisser présager un risque pour la rébellion tchadienne, lâchée par le Soudan, de se retrouver un jour entre le marteau de Déby et l’enclume de la Libye. Et ce jour-là, douloureux sera le réveil et humiliante toute négociation forcée a minima avec Idriss Déby.
Jugez vous-même que la consigne de ne plus évoquer les rebelles tchadiens est suivie scrupuleusement par tous les « médiateurs, experts ». Ce sont-là, à mon avis, des manœuvres politiques Débyo-libyennes déployées pour déstabiliser la rébellion tchadienne. En parcourant un bref historique de l’actualité politique de ces deux derniers mois, vous saurez de quoi je parle. Mais avant de continuer à lire ce que vous savez déjà, sachez par ailleurs que les chefs rebelles semblent toutefois avoir pris la mesure de ce qui se trame sur leur dos et compris enfin que le Soudan a commencé à les utiliser comme monnaie d’échange, non pas contre le MJE, mais contre la Cour Pénale Internationale pour s’assurer une éventuelle impunité dans la crise du Darfour. Al Bachir est rattrapé par la propagande de Déby sur le faux conflit tchado-soudanais du Darfour. Obama était au Darfour en 2006 et a rendu visite à Idriss Déby. L’été dernier, Washingon a demandé à Khartoum de collaborer avec la CPI dans le cadre de son inculpation dans la crise du Darfour. Al Bachir vient de proclamer un cessez-le-feu immédiat au Darfour. L’acte est salué par les puissances internationales sans exception. La rébellion tchadienne est dangereusement menacée. Que lui reste-t-il ? Lisez plutôt !
- Dimanche 9 novembre, Baradine Haroun Ibrahim, ambassadeur tchadien au Soudan, est arrivé à Khartoum à bord d’un avion affrété à cet effet par la diplomatie libyenne. Sur le tarmac de l’aéroport du pays d’accueil, l’ambassadeur s’est dit « très heureux de reprendre son poste » d’où il avait été forcé de rejoindre N’Djamena en mai dernier après l’offensive contre la capitale soudanaise par les éléments du MJE soutenus par Idriss Déby.
- Le 11 novembre, soit deux jours seulement après le rétablissement des relations diplomatiques entre le Tchad et le Soudan, Idriss Déby a dépêché dare-dare son Premier ministre, Youssouf Saleh Abbas, auprès du chef de l’Etat gabonais Omar Bongo. Selon un communiqué paru sur le site internet de la présidence gabonaise, la visite de Youssouf Saleh Abbas a permis au Premier ministre tchadien de « rendre compte au président Bongo des fruits et du suivi des résolutions issues de la dernière médiation libyenne pour la normalisation des relations tchado soudanaises ».
Ce que Youssouf Saleh Abbas était allé dire au vieux président, c’était qu’en plus des retours des ambassadeurs, la Libye a obtenu, du Tchad et du Soudan, un engagement ferme, lors d'une réunion à Asmara (Érythrée), de consentir à mettre sur pied une « force de paix et de sécurité conjointe » pour sécuriser la frontière contre les incursions des rebelles sur les territoires respectifs des deux pays. Le centre de commandement de cette force de paix et de sécurité sera basé à Tripoli selon les engagements pris à Asmara. Comme annoncé et voulu par la Libye, le 16 novembre à N’Djamena, le Groupe de contact chargé de la mise en œuvre de l'Accord de Dakar a arrêté un budget de 21 millions de dollars US pour financer l’opération de déploiement de la force de paix et de sécurité à la frontière entre les deux pays. Il a été décidé que 2000 hommes seront bientôt déployés sur la frontière tchado-soudanaise.
- Le 17 novembre, le Burkinabé Bassolé Djibrill, Médiateur de l’Union africaine et des Nations unies pour le Darfour a été reçu à N’Djamena par Idriss Déby.
- Le ballet diplomatique libyen, déployé à des fins sans doute inavouées, était tel que même les Etats-Unis, par la voie de leur représentant au Tchad, ont dit saluer la reprise des relations entre le Tchad et le Soudan ; sans oublier de préciser que l’Amérique de Bush et d’Obama se félicitait du rôle joué par la Libye dans la facilitation de l'échange d'ambassadeurs entre N'Djamena et Khartoum.
Surtout, selon un communiqué du Département d'Etat américain, « les Etats-Unis encouragent le Tchad et le Soudan à continuer à améliorer les relations et cesser de soutenir les rebelles opérant le long de la frontière commune ».
« Cesser de soutenir les rebelles », voilà la vérité que n’ignorent point les leaders de la rébellion. Les Américains sont pourtant les seuls à avoir prononcé le terme « rebelles » dans leur discours. L’ostracisme conseillé par la Libye et suivi par les « médiateurs » fonctionne donc bien pour le grand bonheur de Déby et sa cour. Moins on parlera de rebelles, mieux les ouailles de Déby dormiront sous leurs deux oreilles. Mais jusqu’à quand ? Février 2008, c’était peut-être la chance à ne pas manquer. On ne laisse pas un parrain décider de tout. À méditer par ceux qui, dans la rébellion, ont encore de l’avenir en politique.
Lyadish Ahmed
Beijing – Chine