ANALYSE

Refus d’une poignée de main, rejet de la nationalité française


Alwihda Info | Par Me Fayçal Megherbi - 17 Avril 2018


Le 11 avril 2018, le Conseil d’Etat a reconnu le défaut d’assimilation à la communauté française d’une ressortissante algérienne au motif qu’elle avait refusé de serrer la main du secrétaire général de la Préfecture de l’Isère ainsi que celle d’un élu d’une commune du département.


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Le 11 avril 2018, le Conseil d’Etat a reconnu le défaut d’assimilation à la communauté française d’une ressortissante algérienne au motif qu’elle avait refusé de serrer la main du secrétaire général de la Préfecture de l’Isère ainsi que celle d’un élu d’une commune du département.

Au terme de l’article 21-2 du Code civil, « L’étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu’à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité ».

Tel est le principe en matière d’acquisition de la nationalité française par le mariage. Cependant l’acquisition de la nationalité française par le mariage avec un ressortissant français n’est pas de droit et le Gouvernement peut s’opposer par décret pris en Conseil d’Etat à accorder la nationalité française à un(e) ressortissant(e) étranger(ère) marié(e) avec un(e) ressortissant(e) français(e).

En effet, selon les dispositions de l’article 21-4 du Code civil, « Le gouvernement peut s’opposer par décret en Conseil d’Etat, pour indignité ou défaut d’assimilation, autre que linguistique, à l’acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger dans un délai de deux ans à compter de la date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l’article 26 (…) ».
Ainsi, si un tel défaut d’assimilation est relevé à l’encontre d’un ressortissant étranger, le Gouvernement pourra s’opposer à l’acquisition de la nationalité française, cela, même le jour de la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française !
Le 11 avril 2018, la 2ème et la 7ème chambres réunies du Conseil d’Etat ont statué sur une demande en annulation pour excès de pouvoir d’un décret par lequel le Premier ministre s’est opposé à l’acquisition de la nationalité française pour défaut d’assimilation à la communauté française.

En l’espèce, la requérante, de nationalité algérienne, a épousé un ressortissant français le 27 mai 2010 en Algérie. En vertu des dispositions de l’article 21-2 du Code civil, elle a souscrit le 30 juillet 2015, une déclaration d’acquisition de la nationalité française à raison du mariage célébré en 2010.

Le 24 juin 2016, cette ressortissante algérienne a été conviée à une cérémonie d’accueil dans la nationalité française organisée par la Préfecture de l’Isère.

Cependant, à l’occasion de cette cérémonie, l’intéressée a refusé de serrer la main du secrétaire général de la Préfecture ainsi que celle d’un élu d’une commune du département, cela en raison de convictions religieuses.
Ce comportement a été perçu comme contraire à une quelconque assimilation de l’intéressée à la communauté française. En réaction, le Premier ministre s’est opposé à l’acquisition de la nationalité française par la requérante cela par un décret du 20 avril 2017.

La requérante, ressortissante algérienne, a dès lors saisi le Conseil d’Etat d’une demande en annulation pour excès de pouvoir du décret du Premier ministre du 20 avril 2017.

Le Conseil d’Etat, le 11 avril 2018, a considéré que le comportement de l’intéressée « révélait un défaut d’assimilation », cela d’autant plus qu’il avait été réalisé « dans un lieu et à un moment symboliques ».

Par ailleurs, le Conseil d’Etat a également énoncé que l’opposition du Premier ministre à l’acquisition de la nationalité française par l’intéressée ne portait pas atteinte à sa liberté religieuse au regard de l’article 1er de la loi de 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, ainsi qu’au regard de l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le Conseil d’Etat a par conséquent rejeté la demande de la requérante tendant à l’annulation du décret du 20 avril 2017 par lequel le Premier ministre s’est opposé à l’acquisition de la nationalité française par cette dernière.

Dès lors, jusqu’au jour de la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française, le ressortissant étranger doit prouver son assimilation à la communauté française, cela en reconnaissant les valeurs de la République, mais aussi en serrant la main de ses représentants !


Par Me Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris
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