ANALYSE

Refus de délivrance de titre de séjour « salarié » avec OQTF et IRTF : Le tribunal annule l’arrêté du préfet et confirme les principes de l’accord franco-algérien


Alwihda Info | Par Me Fayçal Megherbi - 26 Novembre 2023


Un refus de la préfecture de délivrer une carte de séjour avec la mention « salarié » assorti d’une obligation de quitter le territoire français et une interdiction de retour du territoire français a été annulé par le tribunal administratif de Cergy, le 23 novembre 2023. Cette demande de régularisation a été déposée au titre de l’admission exceptionnelle au séjour par le travail.


Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 mars 2023 et le 29 septembre 2023, un ressortissant algérien demande au tribunal administratif de Cergy d’annuler l’arrêté en date du 6 février 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de certificat de résidence, l’a obligé à quitter le territoire français dans une délai de trente jours, a fixé le pays d’origine, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an et l’a informé qu’il faisait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen et d’enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, d’une part, de réexaminer sa demande de titre de séjour en le munissant dans cette attente d’une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, d’autre part, de lui restituer son passeport.

Il soutient qu’en ce qui concerne l’arrêté pris dans son ensemble, il est disproportionné ; en ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence d’un an portant la mention « salarié » et elle est insuffisamment motivée, méconnaît les stipulations de l’article 7 b) de l’accord franco-algérien et est à cet égard entachée d’erreurs de droit et de fait.

En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français, elle est illégale par exception d’illégalité de la décision refusant de l’admettre au séjour, méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; elle méconnaît le droit au travail protégé par l’article 5 du Préambule de la Constitution de 1946, l’article 15 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 23 de la déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 6 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et l’article 1 de la charte sociale européenne.

En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an et signalement aux fins de non admission dans le système d’information Schengen, elles sont insuffisamment motivées ; méconnaissent les dispositions du III de l’article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision de détention du passeport, elle est entachée d’un défaut de base légale; méconnaît les dispositions de l’article 814-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le ressortissant algérien, est entré sur le territoire français en 2017 sous couvert d’un visa long séjour « étudiant », et muni à ce titre d’un titre séjour portant la mention « étudiant », arrivé à échéance en 2019. En 2021, il a demandé son admission exceptionnelle au séjour.
Par une requête, il demande au tribunal d’annuler l'arrêté du 6 février 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de faire droit à cette demande, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an et l’a informé qu’il faisait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen.

En ce qui concerne les autres décisions :

Aux termes de l’article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
« L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (…) ».

Ces dispositions sont relatives aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Ces conditions sont cependant régies de manière exclusive, en ce qui concerne les ressortissants algériens, par l'accord du 27 décembre 1968. Un ressortissant algérien ne saurait dès lors utilement invoquer les dispositions précitées de l’article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.

Toutefois, si l’accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d’admission exceptionnelle au séjour, les stipulations de cet accord n’interdisent pas au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet des Hauts-de-Seine, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

En l’espèce, pour refuser d’admettre le requérant au séjour en qualité de salarié, le préfet des Hauts-de-Seine a estimé que son insertion professionnelle n’était pas suffisante. Toutefois, l’intéressé, qui a travaillé pour une société de la grande distribution en tant qu’employé polyvalent de mars 2019 à mai 2021, à temps très partiel dans un premier temps dès lors qu’il poursuivait ses études en parallèle, puis à 90 % pendant 7 mois, a par la suite été employé par une autre société établie à dans le département du Val-d'Oise, laquelle a rempli pour son compte une demande d’autorisation de travail, en qualité d’agent d’exploitation, à temps plein dès février 2022, et sous couvert d’un contrat à durée indéterminée à partir de septembre 2022. A cet égard, le requérant produit onze bulletins de salaire. Au total, il produit trente-deux bulletins de salaire en dehors de ceux comptabilités pendant sa période étudiante, dont dix-huit à temps plein. Dans ces conditions, eu égard à son insertion professionnelle établie et pérenne, l’intéressé justifie manifestement de motifs exceptionnels permettant son admission au séjour en qualité de salarié. Par suite, il est fondé à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine, en refusant de lui délivrer un certificat de résidence, a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l’exercice de son pouvoir de régularisation à titre discrétionnaire. Il s’ensuit qu’il est fondé à demander, pour ce motif et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, l’annulation de la décision refusant de l’admettre au séjour et, par voie de conséquence, de l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français et de remettre son passeport, de la décision fixant le pays de destination et de l’interdiction de retour qui a été prononcée à son encontre.

Eu égard au motif d’annulation retenu, le préfet des Hauts-de-Seine devait délivrer au requérant un certificat de résidence portant la mention « salarié » et de lui restituer son passeport dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Par ces motifs, le tribunal a décidé que l’arrêté du 6 février 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté la demande de titre de séjour du ressortissant algérien, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, l’a interdit de retour pour une durée d’un an et lui a demandé de remettre son passeport est annulé.

Le tribunal a ordonné au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer au ressortissant algérien un certificat de résidence portant la mention « salarié » et de lui restituer son passeport dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Par Me Fayçal Megherbi, avocat
 

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