Selon les données récemment publiées par la Banque mondiale, la Côte d’Ivoire affichait un PIB par habitant de 2 326 dollars début 2021, dépassant ainsi désormais l’Angola dont la richesse par habitant, en baisse depuis quelques années, s’établissait à 1 896 dollars. Par ailleurs, la Côte d’ivoire continue à creuser l’écart avec le Nigeria (2 097 dollars) ou encore avec le Kenya (1 838 dollars).
Une grande performance due à une croissance record
Cette évolution constitue un véritable exploit pour la Côte d’Ivoire, dont les activités extractives (hydrocarbures et industries minières) demeurent encore assez modestes, notamment par rapport à l’Angola. Ce pays, à la population comparable (33 millions d’habitants contre 27 millions pour la Côte d’Ivoire), est en effet le deuxième producteur africain de diamants, après le Botswana (et le quatrième mondial), ainsi que le deuxième producteur de pétrole avec une production qui se situe encore, et malgré une baisse régulière ces dernières années, à environ 1,2 million de barils par jour, contre environ 35 mille seulement pour la Côte d’Ivoire. Une faible production ivoirienne qui est également très loin derrière celle du Nigeria (près de 2 millions de barils/jour, soit environ 50 fois plus), qu’elle avait aussi et récemment dépassé, et qui devrait également, tout comme l’Angola, être bientôt devancé par le Sénégal et le Cameroun, qui affichent souvent des taux de croissance deux ou trois fois plus élevés. L’importante progression de la Côte d’Ivoire résulte de la très forte croissance que connaît le pays depuis plusieurs années. Sur la période de neuf années allant de 2012 à 2020, période suffisamment longue pour pouvoir établir des comparaisons internationales, la Côte d’Ivoire a réalisé la plus forte croissance au monde dans la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur ou égal à 1 000 dollars, avec une croissance annuelle de 7,4 % en moyenne.
Plus impressionnant encore, elle se classe deuxième toutes catégories confondues, pays très pauvres inclus, faisant ainsi mieux que 30 des 31 pays au monde qui avaient un PIB par habitant inférieur à 1 000 dollars début 2012. La Côte d’Ivoire n’est alors dépassée que par l’Éthiopie, qui a connu une croissance annuelle de 8,9 % en moyenne. Une performance qui résulte essentiellement du très faible niveau de développement de ce pays d’Afrique de l’Est, qui était le deuxième pays le plus pauvre au monde début 2012, et qui en demeure un des plus pauvres avec un PIB par habitant de seulement 936 dollars début 2021 (soit au début de l’actuelle guerre civile). De son côté, et sur cette même période de neuf années, l’Angola a enregistré une croissance de seulement 0,9 % en moyenne annuelle, tandis que le Nigeria a affiché une progression annuelle de 2,3 %. De même, il est à noter que la croissance ivoirienne a également été largement supérieure à celle de l’Afrique du Sud, géant minier du continent (premier producteur africain de charbon, de fer, de manganèse ou encore de nickel, deuxième producteur d’or…), et dont la hausse annuelle moyenne du PIB s’est établie à seulement 0,4 % sur la période.
Par ailleurs, il est à signaler que la Côte d’Ivoire est récemment devenue le premier pays africain de l’histoire (et le seul encore aujourd’hui) disposant d’une production globalement assez modeste en matières premières non renouvelables, du moins jusqu’à présent, à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua dont le PIB par habitant atteignait 1 905 dollars début 2021 (hors très petits pays africains de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires). La Côte d’Ivoire est d’ailleurs sur le point de devancer également le Honduras, dont le PIB par habitant se situait à 2 406 dollars. Dans un autre registre, il est à noter que les performances économiques de la Côte d’Ivoire se sont accompagnées d’une maîtrise de l’endettement, avec un niveau de dette publique qui s'établissait à seulement 45,7 % du PIB début 2021, selon le FMI, contre non moins de 127,1 % pour l’Angola, quatrième pays le plus endetté d’Afrique malgré ses énormes richesses.
Le niveau d’endettement de la Côte d’Ivoire demeure également largement inférieur à celui de pays comme l’Afrique du Sud (77,1 %), le Ghana (78,0 %) ou encore le Kenya (68,7 %). Enfin, la forte croissance de l’économie ivoirienne s’est également accompagnée d’un bon contrôle de l’inflation, qui s’est située à seulement 0,8 % en moyenne annuelle sur la période 2012-2019 (8 années), contre non moins de 16,3 % et 11,6 % pour l’Angola et le Nigeria, respectivement. Deux pays dont les populations les plus fragiles ont été grandement pénalisées par la forte hausse du prix des produits de base. Les graves difficultés économiques de l’Angola et du Nigeria se sont notamment traduites par une importante dépréciation de leur monnaie nationale, qui ont respectivement perdu environ 85 % et 60 % de leur valeur face au dollar depuis 2014 (et, depuis sa création, plus de 99 % de sa valeur pour la monnaie nigériane). Une situation qui a notamment pour conséquence une forte dollarisation de l’économie de ces deux pays, c’est-à-dire une large utilisation du dollar pour les transactions économiques au détriment de la monnaie nationale, considérée comme risquée.
Réformes et diversification active
Les résultats de la Côte d’Ivoire s’expliquent par les profondes réformes réalisées par le pays afin d’améliorer le climat des affaires et d’attirer les investisseurs, ainsi que par une politique de diversification des sources de revenus et de grands travaux d’infrastructure. Suite à de nombreuses réformes administratives, juridiques et fiscales, la Côte d’Ivoire a réussi à instaurer un cadre propice à l’entreprenariat local et aux investissements étrangers. Le pays a ainsi fait un bond considérable dans le classement international relatif au climat des affaires, publié chaque année par la Banque mondiale, en passant de la 167e place en 2012 à la 110e pour l’année 2020. Même si elle demeure moins bien classée que des pays comme le Maroc (53e) ou l’Afrique du Sud (84e), la Côte d’Ivoire fait toutefois désormais largement mieux que le Nigeria (131e), l’Angola (177e) ou encore l’Éthiopie (classée 159e, avant le début de la guerre civile). Au passage, il convient de rappeler que la maîtrise de l’inflation, élément ayant une incidence certaine sur l’environnement des affaires, n’est hélas pas prise en compte dans l’élaboration du classement annuel de la Banque mondiale, ce qui n’est pas à l’avantage de la Côte d’Ivoire où l’inflation est bien plus faible que dans les pays précédemment cités. Ces réformes se sont accompagnées de la réalisation de grands travaux à travers le pays (routes, ponts, transports publics - comme le futur tramway d’Abidjan, centrales électriques, réseaux de télécommunications, logements sociaux…), ainsi que d’une politique active de diversification des sources de revenus, en s’appuyant notamment sur le développement du secteur agricole, des industries de transformation, ou encore de la production d’électricité.
Déjà premier producteur mondial de cacao depuis longtemps, la Côte d’Ivoire s’est ainsi également hissée au cours de la dernière décennie au premier rang mondial pour la production de noix de cajou, et au premier rang africain (et quatrième mondial) pour le caoutchouc naturel, dont elle assure désormais près de 80 % de la production continentale, suite à un quintuplement de la production nationale. Le pays est également le second producteur africain d’huile de palme (derrière le Nigeria), et est récemment devenu le deuxième producteur continental de coton (après le Bénin). Par ailleurs, le pays dispose d’un secteur halieutique assez important, étant notamment le premier producteur africain de thon.
Parallèlement à la hausse de la production agricole, le pays a également porté une attention particulière à la transformation locale de la production, source d’une valeur ajoutée bien plus importante pour le pays, dont elle contribue également à l’industrialisation. Ainsi, et grâce à la multiplication des usines de transformation, encouragées par un cadre propice à l’investissement, la Côte d’Ivoire transforme aujourd’hui localement (tous stades de transformation confondus) les deux tiers de sa production de caoutchouc naturel et de thon, près du quart de sa production de cacao et environ 12 % sa production de noix de cajou. Le pays a d’ailleurs pour objectif d’augmenter encore ces niveaux de transformation locale, et notamment dans les filières cacao et noix de cajou, pour lesquelles il espère atteindre un niveau de 50 % d’ici 2025. Très récemment, en juin dernier, la plus grande des usines de transformation de noix de cajou du pays vient justement d’entrer en production. Une usine qui se distingue comme étant la plus moderne du monde dans son domaine, avec un taux d’automatisation de plus de 90 %, et qui devrait même devenir la plus grande usine de transformation au monde après la construction d’une unité de valorisation des coques pour la production d’électricité. La production d’électricité est d’ailleurs un des domaines dans lesquels le pays a fortement investi au cours de la dernière décennie, avec pour résultat une hausse de deux tiers de la production nationale (assortie d’une part grandissante pour les énergies renouvelables : solaire, biomasse, hydroélectricité…).
Disposant désormais du troisième plus grand système de production électrique du continent, selon la Banque mondiale, le pays est même devenu un des principaux exportateurs en la matière à l’échelle continentale, acheminant environ 11 % de sa production vers six pays d’Afrique de l’Ouest. Au niveau national, le taux de couverture est passé de 33 % des localités ivoiriennes début 2012 à plus de 75 % aujourd’hui, couvrant ainsi plus de 90 % de la population (même si une partie minoritaire de la population de ces localités ne bénéficie pas encore de l’électricité à domicile). L’électrification du pays constitue en effet un élément de grande importance pour la réussite de toute politique de développement économique et social. Outre les activités précédemment citées, elle est aussi cruciale pour le développement du secteur des nouvelles technologies, ou encore pour la mise en place d’un réseau scolaire étendu et performant à travers le pays, soit deux domaines eux aussi en forte progression. À titre d’exemple, les premiers ordinateur et téléphone portable (intelligent) assemblés localement ont été présentés aux médias en juin dernier, ce qui constitue un cas encore assez rare en Afrique subsaharienne. Quant à l’éducation, les cinq dernières années ont vu l’ouverture d’autant de classes à travers le pays qu’au cours des vingt années précédentes. Une accélération qui s’explique, notamment, par la scolarisation rendue obligatoire à partir de la rentrée 2015 pour les enfants âgés de 6 à 16 ans.
Grâce à la diversification des sources de revenus, les activités directement liées aux industries extractives (hydrocarbures et industries minières), et malgré l’augmentation de leur production au cours des dernières années, ne représentent aujourd’hui qu’environ 30 % des exportations de biens du pays, dont l’économie est ainsi plus robuste et résiliente face aux crises internationales que celles de l’Angola, du Nigeria ou encore de l’Afrique du Sud. En effet, ces activités pèsent pour environ 98 % des exportations angolaises de biens et 93 % de celles du Nigeria, ou encore pour près de 60 % des exportations sud-africaines. En d’autres termes, les activités non directement liées aux industries extractives représentent environ 70 % des exportations ivoiriennes de biens, alors qu’elles ne sont à l’origine que d’environ 40 % des exportations de l’Afrique du Sud, et d’environ 7 % et 2 % seulement de celles du Nigeria et de l’Angola, respectivement.
Grâce à sa plus grande solidité, l’économie ivoirienne a ainsi enregistré une croissance économique de 6,4 % en moyenne sur la période de six années 2015-2020, marquée notamment par la baisse considérable - et probablement durable - du cours des hydrocarbures, tandis que le Nigeria, l’Angola et l’Afrique du Sud ont affiché respectivement des taux de 0,7 %, -1,6 % et -0,5 % (la croissance négative de ces deux derniers s’expliquant également par l’épuisement de certains gisements). Par ailleurs, il est à noter que la diversification de l’économie ivoirienne s’est également accompagnée d’une diversification des partenaires économiques du pays, dont la Chine est désormais le premier partenaire commercial avec une part de 9,4 % du commerce extérieur en 2019 (devant la France, deuxième, avec une part de 8,1 %). La présence chinoise se manifeste surtout au niveau des importations du pays, dont elle a fourni 17,2 % des besoins cette même année, devant le Nigeria (13,5 %, essentiellement des hydrocarbures), et loin devant la France, qui arrive troisième (10,7 %). La Chine demeure toutefois un très modeste client de la Côte d’Ivoire, dont elle n’a absorbé que 2,9 % des exportations en 2019, se classant ainsi à la 14e position, loin derrière les Pays-Bas qui se placent en première position, devant les États-Unis et la France. Enfin, la diversification de l’économie ivoirienne devrait également se renforcer avec le développement attendu du secteur touristique, encore embryonnaire.
En effet, et contrairement aux pays francophones que sont le Maroc et la Tunisie, deux des destinations phares du tourisme sur le continent, la Côte d’Ivoire et plus globalement l’Afrique francophone subsaharienne ont largement et longuement délaissé ce secteur à fort potentiel, faisant ainsi presque ignorer au reste du monde l’existence d’une faune, d’une flore et de paysages exceptionnels et comparables à ce qui peut être observé dans certains pays anglophones du continent. Une situation fort regrettable pour un pays qui ne manque pourtant pas d’atouts en la matière, notamment grâce à ses plages, ses parcs nationaux ou encore sa basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro (plus grand édifice chrétien au monde, quasi-réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome, et dont l’existence même est ignorée par la quasi-totalité des chrétiens des pays du Nord, y compris en France…). Occasion de rappeler, au passage, que la Côte d’Ivoire est un pays bien plus grand que ne l’indique la majorité des cartes géographiques en circulation (y compris en Afrique), étant légèrement plus étendue que l’Italie et un tiers plus vaste que le Royaume-Uni, et non deux ou trois plus petite… Des cartes qui dressent généralement une représentation terriblement déformée des continents, en réduisant considérablement la taille des pays du Sud. Ce qui amène également à rappeler que la Côte d’Ivoire demeure assez faiblement peuplée, puisqu’elle devrait compter non moins de 89 millions et 64 millions d’habitants, respectivement, si elle était proportionnellement aussi peuplée que le Royaume-Uni et l’Italie.
La Côte d’Ivoire peut donc se féliciter d’être parvenue à atteindre ce niveau de développement économique, et d’être aujourd’hui l’économie la plus dynamique du continent en tenant compte à la fois de ses niveaux de croissance et de richesse actuels (la réalisation de forts taux de croissance par des pays se classant parmi les plus pauvres, comme l’Éthiopie ou le Rwanda, n’étant pas une chose exceptionnelle), et ce, avant de devenir un important producteur de pétrole. En effet, et suite à la récente découverte d’un gisement majeur au large de ses côtes, le pays devrait prochainement faire partie des principaux producteurs de pétrole d’Afrique subsaharienne, avec un niveau de production comparable à ceux, actuels, du Ghana et du Gabon. Mais afin de lui être réellement profitable, cette nouvelle et importante manne qui s’annonce ne devra pas entraver la poursuite des réformes et des efforts de diversification de l’économie du pays, qui devra notamment s’inspirer des pays pétroliers du Nord (Norvège, Royaume-Uni, Canada, États-Unis) qui ont toujours su développer les différents pans de l’économie, au nom de leur indépendance nationale, tout en atteignant un niveau élevé en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption et les détournements de fonds.
Une grande performance due à une croissance record
Cette évolution constitue un véritable exploit pour la Côte d’Ivoire, dont les activités extractives (hydrocarbures et industries minières) demeurent encore assez modestes, notamment par rapport à l’Angola. Ce pays, à la population comparable (33 millions d’habitants contre 27 millions pour la Côte d’Ivoire), est en effet le deuxième producteur africain de diamants, après le Botswana (et le quatrième mondial), ainsi que le deuxième producteur de pétrole avec une production qui se situe encore, et malgré une baisse régulière ces dernières années, à environ 1,2 million de barils par jour, contre environ 35 mille seulement pour la Côte d’Ivoire. Une faible production ivoirienne qui est également très loin derrière celle du Nigeria (près de 2 millions de barils/jour, soit environ 50 fois plus), qu’elle avait aussi et récemment dépassé, et qui devrait également, tout comme l’Angola, être bientôt devancé par le Sénégal et le Cameroun, qui affichent souvent des taux de croissance deux ou trois fois plus élevés. L’importante progression de la Côte d’Ivoire résulte de la très forte croissance que connaît le pays depuis plusieurs années. Sur la période de neuf années allant de 2012 à 2020, période suffisamment longue pour pouvoir établir des comparaisons internationales, la Côte d’Ivoire a réalisé la plus forte croissance au monde dans la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur ou égal à 1 000 dollars, avec une croissance annuelle de 7,4 % en moyenne.
Plus impressionnant encore, elle se classe deuxième toutes catégories confondues, pays très pauvres inclus, faisant ainsi mieux que 30 des 31 pays au monde qui avaient un PIB par habitant inférieur à 1 000 dollars début 2012. La Côte d’Ivoire n’est alors dépassée que par l’Éthiopie, qui a connu une croissance annuelle de 8,9 % en moyenne. Une performance qui résulte essentiellement du très faible niveau de développement de ce pays d’Afrique de l’Est, qui était le deuxième pays le plus pauvre au monde début 2012, et qui en demeure un des plus pauvres avec un PIB par habitant de seulement 936 dollars début 2021 (soit au début de l’actuelle guerre civile). De son côté, et sur cette même période de neuf années, l’Angola a enregistré une croissance de seulement 0,9 % en moyenne annuelle, tandis que le Nigeria a affiché une progression annuelle de 2,3 %. De même, il est à noter que la croissance ivoirienne a également été largement supérieure à celle de l’Afrique du Sud, géant minier du continent (premier producteur africain de charbon, de fer, de manganèse ou encore de nickel, deuxième producteur d’or…), et dont la hausse annuelle moyenne du PIB s’est établie à seulement 0,4 % sur la période.
Par ailleurs, il est à signaler que la Côte d’Ivoire est récemment devenue le premier pays africain de l’histoire (et le seul encore aujourd’hui) disposant d’une production globalement assez modeste en matières premières non renouvelables, du moins jusqu’à présent, à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua dont le PIB par habitant atteignait 1 905 dollars début 2021 (hors très petits pays africains de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires). La Côte d’Ivoire est d’ailleurs sur le point de devancer également le Honduras, dont le PIB par habitant se situait à 2 406 dollars. Dans un autre registre, il est à noter que les performances économiques de la Côte d’Ivoire se sont accompagnées d’une maîtrise de l’endettement, avec un niveau de dette publique qui s'établissait à seulement 45,7 % du PIB début 2021, selon le FMI, contre non moins de 127,1 % pour l’Angola, quatrième pays le plus endetté d’Afrique malgré ses énormes richesses.
Le niveau d’endettement de la Côte d’Ivoire demeure également largement inférieur à celui de pays comme l’Afrique du Sud (77,1 %), le Ghana (78,0 %) ou encore le Kenya (68,7 %). Enfin, la forte croissance de l’économie ivoirienne s’est également accompagnée d’un bon contrôle de l’inflation, qui s’est située à seulement 0,8 % en moyenne annuelle sur la période 2012-2019 (8 années), contre non moins de 16,3 % et 11,6 % pour l’Angola et le Nigeria, respectivement. Deux pays dont les populations les plus fragiles ont été grandement pénalisées par la forte hausse du prix des produits de base. Les graves difficultés économiques de l’Angola et du Nigeria se sont notamment traduites par une importante dépréciation de leur monnaie nationale, qui ont respectivement perdu environ 85 % et 60 % de leur valeur face au dollar depuis 2014 (et, depuis sa création, plus de 99 % de sa valeur pour la monnaie nigériane). Une situation qui a notamment pour conséquence une forte dollarisation de l’économie de ces deux pays, c’est-à-dire une large utilisation du dollar pour les transactions économiques au détriment de la monnaie nationale, considérée comme risquée.
Réformes et diversification active
Les résultats de la Côte d’Ivoire s’expliquent par les profondes réformes réalisées par le pays afin d’améliorer le climat des affaires et d’attirer les investisseurs, ainsi que par une politique de diversification des sources de revenus et de grands travaux d’infrastructure. Suite à de nombreuses réformes administratives, juridiques et fiscales, la Côte d’Ivoire a réussi à instaurer un cadre propice à l’entreprenariat local et aux investissements étrangers. Le pays a ainsi fait un bond considérable dans le classement international relatif au climat des affaires, publié chaque année par la Banque mondiale, en passant de la 167e place en 2012 à la 110e pour l’année 2020. Même si elle demeure moins bien classée que des pays comme le Maroc (53e) ou l’Afrique du Sud (84e), la Côte d’Ivoire fait toutefois désormais largement mieux que le Nigeria (131e), l’Angola (177e) ou encore l’Éthiopie (classée 159e, avant le début de la guerre civile). Au passage, il convient de rappeler que la maîtrise de l’inflation, élément ayant une incidence certaine sur l’environnement des affaires, n’est hélas pas prise en compte dans l’élaboration du classement annuel de la Banque mondiale, ce qui n’est pas à l’avantage de la Côte d’Ivoire où l’inflation est bien plus faible que dans les pays précédemment cités. Ces réformes se sont accompagnées de la réalisation de grands travaux à travers le pays (routes, ponts, transports publics - comme le futur tramway d’Abidjan, centrales électriques, réseaux de télécommunications, logements sociaux…), ainsi que d’une politique active de diversification des sources de revenus, en s’appuyant notamment sur le développement du secteur agricole, des industries de transformation, ou encore de la production d’électricité.
Déjà premier producteur mondial de cacao depuis longtemps, la Côte d’Ivoire s’est ainsi également hissée au cours de la dernière décennie au premier rang mondial pour la production de noix de cajou, et au premier rang africain (et quatrième mondial) pour le caoutchouc naturel, dont elle assure désormais près de 80 % de la production continentale, suite à un quintuplement de la production nationale. Le pays est également le second producteur africain d’huile de palme (derrière le Nigeria), et est récemment devenu le deuxième producteur continental de coton (après le Bénin). Par ailleurs, le pays dispose d’un secteur halieutique assez important, étant notamment le premier producteur africain de thon.
Parallèlement à la hausse de la production agricole, le pays a également porté une attention particulière à la transformation locale de la production, source d’une valeur ajoutée bien plus importante pour le pays, dont elle contribue également à l’industrialisation. Ainsi, et grâce à la multiplication des usines de transformation, encouragées par un cadre propice à l’investissement, la Côte d’Ivoire transforme aujourd’hui localement (tous stades de transformation confondus) les deux tiers de sa production de caoutchouc naturel et de thon, près du quart de sa production de cacao et environ 12 % sa production de noix de cajou. Le pays a d’ailleurs pour objectif d’augmenter encore ces niveaux de transformation locale, et notamment dans les filières cacao et noix de cajou, pour lesquelles il espère atteindre un niveau de 50 % d’ici 2025. Très récemment, en juin dernier, la plus grande des usines de transformation de noix de cajou du pays vient justement d’entrer en production. Une usine qui se distingue comme étant la plus moderne du monde dans son domaine, avec un taux d’automatisation de plus de 90 %, et qui devrait même devenir la plus grande usine de transformation au monde après la construction d’une unité de valorisation des coques pour la production d’électricité. La production d’électricité est d’ailleurs un des domaines dans lesquels le pays a fortement investi au cours de la dernière décennie, avec pour résultat une hausse de deux tiers de la production nationale (assortie d’une part grandissante pour les énergies renouvelables : solaire, biomasse, hydroélectricité…).
Disposant désormais du troisième plus grand système de production électrique du continent, selon la Banque mondiale, le pays est même devenu un des principaux exportateurs en la matière à l’échelle continentale, acheminant environ 11 % de sa production vers six pays d’Afrique de l’Ouest. Au niveau national, le taux de couverture est passé de 33 % des localités ivoiriennes début 2012 à plus de 75 % aujourd’hui, couvrant ainsi plus de 90 % de la population (même si une partie minoritaire de la population de ces localités ne bénéficie pas encore de l’électricité à domicile). L’électrification du pays constitue en effet un élément de grande importance pour la réussite de toute politique de développement économique et social. Outre les activités précédemment citées, elle est aussi cruciale pour le développement du secteur des nouvelles technologies, ou encore pour la mise en place d’un réseau scolaire étendu et performant à travers le pays, soit deux domaines eux aussi en forte progression. À titre d’exemple, les premiers ordinateur et téléphone portable (intelligent) assemblés localement ont été présentés aux médias en juin dernier, ce qui constitue un cas encore assez rare en Afrique subsaharienne. Quant à l’éducation, les cinq dernières années ont vu l’ouverture d’autant de classes à travers le pays qu’au cours des vingt années précédentes. Une accélération qui s’explique, notamment, par la scolarisation rendue obligatoire à partir de la rentrée 2015 pour les enfants âgés de 6 à 16 ans.
Grâce à la diversification des sources de revenus, les activités directement liées aux industries extractives (hydrocarbures et industries minières), et malgré l’augmentation de leur production au cours des dernières années, ne représentent aujourd’hui qu’environ 30 % des exportations de biens du pays, dont l’économie est ainsi plus robuste et résiliente face aux crises internationales que celles de l’Angola, du Nigeria ou encore de l’Afrique du Sud. En effet, ces activités pèsent pour environ 98 % des exportations angolaises de biens et 93 % de celles du Nigeria, ou encore pour près de 60 % des exportations sud-africaines. En d’autres termes, les activités non directement liées aux industries extractives représentent environ 70 % des exportations ivoiriennes de biens, alors qu’elles ne sont à l’origine que d’environ 40 % des exportations de l’Afrique du Sud, et d’environ 7 % et 2 % seulement de celles du Nigeria et de l’Angola, respectivement.
Grâce à sa plus grande solidité, l’économie ivoirienne a ainsi enregistré une croissance économique de 6,4 % en moyenne sur la période de six années 2015-2020, marquée notamment par la baisse considérable - et probablement durable - du cours des hydrocarbures, tandis que le Nigeria, l’Angola et l’Afrique du Sud ont affiché respectivement des taux de 0,7 %, -1,6 % et -0,5 % (la croissance négative de ces deux derniers s’expliquant également par l’épuisement de certains gisements). Par ailleurs, il est à noter que la diversification de l’économie ivoirienne s’est également accompagnée d’une diversification des partenaires économiques du pays, dont la Chine est désormais le premier partenaire commercial avec une part de 9,4 % du commerce extérieur en 2019 (devant la France, deuxième, avec une part de 8,1 %). La présence chinoise se manifeste surtout au niveau des importations du pays, dont elle a fourni 17,2 % des besoins cette même année, devant le Nigeria (13,5 %, essentiellement des hydrocarbures), et loin devant la France, qui arrive troisième (10,7 %). La Chine demeure toutefois un très modeste client de la Côte d’Ivoire, dont elle n’a absorbé que 2,9 % des exportations en 2019, se classant ainsi à la 14e position, loin derrière les Pays-Bas qui se placent en première position, devant les États-Unis et la France. Enfin, la diversification de l’économie ivoirienne devrait également se renforcer avec le développement attendu du secteur touristique, encore embryonnaire.
En effet, et contrairement aux pays francophones que sont le Maroc et la Tunisie, deux des destinations phares du tourisme sur le continent, la Côte d’Ivoire et plus globalement l’Afrique francophone subsaharienne ont largement et longuement délaissé ce secteur à fort potentiel, faisant ainsi presque ignorer au reste du monde l’existence d’une faune, d’une flore et de paysages exceptionnels et comparables à ce qui peut être observé dans certains pays anglophones du continent. Une situation fort regrettable pour un pays qui ne manque pourtant pas d’atouts en la matière, notamment grâce à ses plages, ses parcs nationaux ou encore sa basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro (plus grand édifice chrétien au monde, quasi-réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome, et dont l’existence même est ignorée par la quasi-totalité des chrétiens des pays du Nord, y compris en France…). Occasion de rappeler, au passage, que la Côte d’Ivoire est un pays bien plus grand que ne l’indique la majorité des cartes géographiques en circulation (y compris en Afrique), étant légèrement plus étendue que l’Italie et un tiers plus vaste que le Royaume-Uni, et non deux ou trois plus petite… Des cartes qui dressent généralement une représentation terriblement déformée des continents, en réduisant considérablement la taille des pays du Sud. Ce qui amène également à rappeler que la Côte d’Ivoire demeure assez faiblement peuplée, puisqu’elle devrait compter non moins de 89 millions et 64 millions d’habitants, respectivement, si elle était proportionnellement aussi peuplée que le Royaume-Uni et l’Italie.
La Côte d’Ivoire peut donc se féliciter d’être parvenue à atteindre ce niveau de développement économique, et d’être aujourd’hui l’économie la plus dynamique du continent en tenant compte à la fois de ses niveaux de croissance et de richesse actuels (la réalisation de forts taux de croissance par des pays se classant parmi les plus pauvres, comme l’Éthiopie ou le Rwanda, n’étant pas une chose exceptionnelle), et ce, avant de devenir un important producteur de pétrole. En effet, et suite à la récente découverte d’un gisement majeur au large de ses côtes, le pays devrait prochainement faire partie des principaux producteurs de pétrole d’Afrique subsaharienne, avec un niveau de production comparable à ceux, actuels, du Ghana et du Gabon. Mais afin de lui être réellement profitable, cette nouvelle et importante manne qui s’annonce ne devra pas entraver la poursuite des réformes et des efforts de diversification de l’économie du pays, qui devra notamment s’inspirer des pays pétroliers du Nord (Norvège, Royaume-Uni, Canada, États-Unis) qui ont toujours su développer les différents pans de l’économie, au nom de leur indépendance nationale, tout en atteignant un niveau élevé en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption et les détournements de fonds.