Il y a de cela un mois environ, le président de la République signait un décret pour relever le docteur Seydina Ababacar Diouf de ses fonctions de directeur du centre hospitalier Matlaboul Fawzéini de Touba. Une révocation prise au milieu d’une série d’autres annoncées en Conseil des ministres. Mais si tous les directeurs de structures hospitalières concernés ont rejoint leurs lieux d’affectation, celui de Matlaboul Fawzeini, lui, a refusé de se conformer à cette affectation. Et non seulement il n’a pas voulu faire la passation de service avec son successeur désigné, mais encore il a refusé purement et simplement de partir. Pour l’obliger à respecter le décret présidentiel, les médecins de l’hôpital membres du Syndicat des Médecins du Sénégal (SAMES) ont même observé un mouvement de grève. Sans succès puisque le docteur Seydina Ababacar Diouf a finalement été maintenu à son poste par… un « ndigël » (une sorte de fatwa) du Khalife général des Mourides, Serigne Sidy Moctar Mbacké. Le « ndigël » du marabout s’est donc révélé plus fort que le décret du président de la République…
Pour rappel, c’est suite à de nombreuses grèves dont usaient et abusaient les travailleurs et syndicalistes pour paralyser l’établissement hospitalier, mais aussi pour nécessités du service, que le docteur Seydina Ababacar Diouf avait été relevé de ses fonctions. Les travailleurs dénonçaient non seulement les mauvaises conditions de travail au sein de l’hôpital qui ne disposait même plus de produits consommables, mais aussi ils réclamaient à cor et à cris le départ du directeur général, le Dr Seydina Ababacar Diouf. Certainement, le manque de matériels des services d’urgence vitale et l’absence de motivation du personnel médical ont gangrené le bon fonctionnement de cet hôpital où, dit-on, le taux de mortalité est alarmant. Et sans doute, aussi, le président de la République s’était-il imprégné de la situation de l’hôpital Matlaboul Fawzeini de Touba avant de prendre un décret limogeant le Dr Seydina Ababacar Diouf. Mais en prenant un tel décret, le président de la République avait sans doute dû oublier de dompter la « primauté » du pouvoir spirituel de Touba sur le pouvoir temporel de Dakar avant de relever Seydina Ababacar Diouf de ses fonctions. Parce que si le président de la République nomme aux emplois civils et militaires et s’il peut, par simple décret, nommer ou limoger qui il veut, la ville de Touba n’est certainement pas couverte par le champ d’application de ses prérogatives. Là-bas, ce sont les « ndigëls » du khalife général qui ont force de loi. La preuve par le limogeage du directeur général de l’hôpital Matlaboul Fawzeini rapporté par un oukase du khalife. Conséquence : le docteur Seydina Ababacar Diouf est toujours à son poste. Et refuse de quitter l’établissement hospitalier conforté en cela par un « ndigël » maraboutique. Encore une fois, au Sénégal, il y a des moments où le « ndigël », à savoir l’ordre ou la consigne émanant d'un guide spirituel, l’emporte sur le décret présidentiel qui est un acte exécutoire émis par le pouvoir exécutif.
Dans le cas de l’hôpital Matlaboul Fawzeini, la rébellion du Dr Seydina Ababacar Diouf est d’autant plus inacceptable que même si l’établissement est l’œuvre de la communauté mouride à travers les talibés qui l’ont construit à coups de milliards de francs, c’est l’Etat du Sénégal qui l’a équipé entièrement. Mieux, le personnel est payé par ce même Etat puisque les médecins, les infirmiers et autres professionnels de la santé relèvent de la Fonction publique qui les y affecte. Seulement voilà, l’hôpital Matlaboul Fawzeini n’est pas à l’image de structures hospitalières comme « Youssou Mbargane » de Rufisque ou « Gaspard Camara » de Grand-Dakar, puisque là bas, il faut que Dakar et Touba accordent leurs violons pour faire bouger certains chefs de service. Et si on en est arrivé à cette situation, c’est parce que la plupart des talibés semblent exclure « Matlaboul Fawzeini » du patrimoine hospitalier de l’Etat. Et ce même si l’Etat du Sénégal n’a pas pu tirer Touba de la pauvreté et de la convulsion dans lesquelles baigne sa forte population. C’est pour cela qu’il est très difficile d’opérer la démarcation entre le terrain d’influence du pouvoir religieux, et le domaine de compétences des pouvoirs publics. Autrement dit, il est quasi impossible de dissocier clairement la sphère religieuse du domaine régalien de l’Etat. Dur dans ces conditions d’affecter à « Serigne bi » ce qui lui appartient, et d’attribuer au « président bi » ce qui relève de son pouvoir discrétionnaire. N’est-ce pas Serigne Fallou Dieng ? « À mon avis, Touba a été martyrisé pendant douze longues années successives à travers une instrumentalisation en tout genre par le système du président Abdoulaye Wade. Donc, il faut que le président Macky Sall opère une rupture pour mieux imposer l’autorité de l’Etat à Touba comme partout ailleurs sur le territoire national » nous a confié récemment ce petit-fils de Serigne Touba Khadimou Rassoul. Il avait poursuivi en ces termes : « Touba porte toujours les stigmates de cette instrumentalisation. Car, pour mieux administrer une localité fut-elle un sanctuaire, il ne faut pas laisser les populations tout faire à la place de l’Etat. En effet, quand l’argent du privé entre dans une structure étatique, le pouvoir public s’en éloigne ! C’est le cas de la ville sainte de Touba… » avait ajouté Serigne Fallou Dieng, président du Cercle des intellectuels soufis au Sénégal.
Sous le règne du président Macky Sall, une rupture à Touba doit forcément passer par une véritable politique d’infrastructures se matérialisant à travers la construction d’hôpitaux, de lycées, d’universités et de « daaras » modernes. Une fois seulement cela réalisé, l’Etat pourrait faire valoir son autorité…
Pour rappel, c’est suite à de nombreuses grèves dont usaient et abusaient les travailleurs et syndicalistes pour paralyser l’établissement hospitalier, mais aussi pour nécessités du service, que le docteur Seydina Ababacar Diouf avait été relevé de ses fonctions. Les travailleurs dénonçaient non seulement les mauvaises conditions de travail au sein de l’hôpital qui ne disposait même plus de produits consommables, mais aussi ils réclamaient à cor et à cris le départ du directeur général, le Dr Seydina Ababacar Diouf. Certainement, le manque de matériels des services d’urgence vitale et l’absence de motivation du personnel médical ont gangrené le bon fonctionnement de cet hôpital où, dit-on, le taux de mortalité est alarmant. Et sans doute, aussi, le président de la République s’était-il imprégné de la situation de l’hôpital Matlaboul Fawzeini de Touba avant de prendre un décret limogeant le Dr Seydina Ababacar Diouf. Mais en prenant un tel décret, le président de la République avait sans doute dû oublier de dompter la « primauté » du pouvoir spirituel de Touba sur le pouvoir temporel de Dakar avant de relever Seydina Ababacar Diouf de ses fonctions. Parce que si le président de la République nomme aux emplois civils et militaires et s’il peut, par simple décret, nommer ou limoger qui il veut, la ville de Touba n’est certainement pas couverte par le champ d’application de ses prérogatives. Là-bas, ce sont les « ndigëls » du khalife général qui ont force de loi. La preuve par le limogeage du directeur général de l’hôpital Matlaboul Fawzeini rapporté par un oukase du khalife. Conséquence : le docteur Seydina Ababacar Diouf est toujours à son poste. Et refuse de quitter l’établissement hospitalier conforté en cela par un « ndigël » maraboutique. Encore une fois, au Sénégal, il y a des moments où le « ndigël », à savoir l’ordre ou la consigne émanant d'un guide spirituel, l’emporte sur le décret présidentiel qui est un acte exécutoire émis par le pouvoir exécutif.
Dans le cas de l’hôpital Matlaboul Fawzeini, la rébellion du Dr Seydina Ababacar Diouf est d’autant plus inacceptable que même si l’établissement est l’œuvre de la communauté mouride à travers les talibés qui l’ont construit à coups de milliards de francs, c’est l’Etat du Sénégal qui l’a équipé entièrement. Mieux, le personnel est payé par ce même Etat puisque les médecins, les infirmiers et autres professionnels de la santé relèvent de la Fonction publique qui les y affecte. Seulement voilà, l’hôpital Matlaboul Fawzeini n’est pas à l’image de structures hospitalières comme « Youssou Mbargane » de Rufisque ou « Gaspard Camara » de Grand-Dakar, puisque là bas, il faut que Dakar et Touba accordent leurs violons pour faire bouger certains chefs de service. Et si on en est arrivé à cette situation, c’est parce que la plupart des talibés semblent exclure « Matlaboul Fawzeini » du patrimoine hospitalier de l’Etat. Et ce même si l’Etat du Sénégal n’a pas pu tirer Touba de la pauvreté et de la convulsion dans lesquelles baigne sa forte population. C’est pour cela qu’il est très difficile d’opérer la démarcation entre le terrain d’influence du pouvoir religieux, et le domaine de compétences des pouvoirs publics. Autrement dit, il est quasi impossible de dissocier clairement la sphère religieuse du domaine régalien de l’Etat. Dur dans ces conditions d’affecter à « Serigne bi » ce qui lui appartient, et d’attribuer au « président bi » ce qui relève de son pouvoir discrétionnaire. N’est-ce pas Serigne Fallou Dieng ? « À mon avis, Touba a été martyrisé pendant douze longues années successives à travers une instrumentalisation en tout genre par le système du président Abdoulaye Wade. Donc, il faut que le président Macky Sall opère une rupture pour mieux imposer l’autorité de l’Etat à Touba comme partout ailleurs sur le territoire national » nous a confié récemment ce petit-fils de Serigne Touba Khadimou Rassoul. Il avait poursuivi en ces termes : « Touba porte toujours les stigmates de cette instrumentalisation. Car, pour mieux administrer une localité fut-elle un sanctuaire, il ne faut pas laisser les populations tout faire à la place de l’Etat. En effet, quand l’argent du privé entre dans une structure étatique, le pouvoir public s’en éloigne ! C’est le cas de la ville sainte de Touba… » avait ajouté Serigne Fallou Dieng, président du Cercle des intellectuels soufis au Sénégal.
Sous le règne du président Macky Sall, une rupture à Touba doit forcément passer par une véritable politique d’infrastructures se matérialisant à travers la construction d’hôpitaux, de lycées, d’universités et de « daaras » modernes. Une fois seulement cela réalisé, l’Etat pourrait faire valoir son autorité…
Pape NDIAYE
« Le Témoin » N° 1125 –Hebdomadaire Sénégalais ( MAI 2013)
« Le Témoin » N° 1125 –Hebdomadaire Sénégalais ( MAI 2013)