Par Moustapha BOYE
C’est assurément un tournant qui va être amorcé dans l’Histoire du Sénégal, un de ces événements qui changent la face d’un pays ! Généralement, on s’accordait à reconnaître que ce pays a connu trois grands exils. Le premier, c’était celui d’Alboury Ndiaye, Bourba Djoloff qui, pour combattre le colonisateur, était allé jusqu’au Niger, à Dosso plus précisément, où il était tombé les armes à la main. On a aussi connu l’exil du grand résistant et propagateur de la foi en même temps qu’introducteur de la Tidjania en Afrique de l’Ouest, El Hadj Cheikh Oumar Foutiyou Tall. Lequel avait péri dans les falaises de Bandiagara, au Mali.
Mais surtout, les Sénégalais, la communauté mouride en particulier, fêtent chaque année l’anniversaire du départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, autre croisé de la foi et combattant infatigable de l’Islam. Le saint homme avait été exilé à Lambaréné, au Gabon, par les Toubabs après la Mauritanie. Tous ces grands exils se sont produits durant la colonisation. Depuis l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, il n’y a plus eu d’exils glorieux sauf ceux des dirigeants du Parti Africain de l’Indépendance (PAI) comme les Majhmout Diop, Seydou Cissokho et autres Amath Dansokho qui, pour fuir la répression senghorienne, étaient allés s’installer en Roumanie, en Union des Républiques socialistes soviétiques ou en Tchécoslovaquie. Et voilà donc que, plus de 50 ans après notre indépendance, le Sénégal risque de connaître un autre grand exil ! Un exil annoncé à la manière de « retenez-moi ou je fais un malheur ». En effet, Serigne Modou Kara Mbacké, alias « Général de Serigne Touba » et fondateur du « Diwanul Silkil Jawahiri fi akh bari sara iri » (Mouvement mondial pour l’Unicité de Dieu) puis de « Bamba Fepp » vient d’annoncer sa décision de partir en exil. Une décision dont notre pays ne se relèverait pas si elle était mise à exécution. Seulement voilà, Kara, époux de la journaliste Sokhna Dieng Mbacké entre autres dizaines d’épouses avec lesquelles il a convolé, semble avoir sérieusement muri sa décision. Laquelle paraît, dès lors, irrévocable. Sauf si, bien sûr, des dizaines de milliers de Sénégalais, au sein desquels ses talibés constitueraient la majorité, défilaient devant son domicile et y campaient pour l’implorer de n’en rien faire. Un peu comme le faisaient les Togolais à chaque fois que le président Gnassingbé Eyadéma menaçait de quitter le pouvoir. On peut donc leur emprunter la recette pour obliger Serigne Modou Kara Mbacké Noreyni à rester parmi nous.
Pourquoi donc Kara veut-il partir en Hégire comme le fit jadis le Prophète Mohamed en quittant La Mecque pour aller s’installer à Médine ? Parce que de mauvais esprits auraient déformé ses propos dans une interview qu’il a accordée à un journaliste de la TFM et où il aurait déclaré que Darou Mouhty — un grand foyer religieux mouride satellite de la capitale du Mouridisme — serait au cœur de Touba. Mais le plus grave, ce qui a mis le feu aux poudres, c’est lorsque le fils de Serigne Ousmane Mbacké Noreyni a semblé appeler à une modification des règles de désignation du khalife général des Mourides. Bien évidemment, Kara jure qu’il n’a jamais dit cela, que ses propos avaient été mal compris, mais le mal était déjà fait. C’est peu dire qu’à Touba, on l’a carrément soupçonné de vouloir faire un coup d’Etat. Ce qui, partout en Afrique, est passible de la peine de mort.
Alors, pour calmer le jeu et effectuer son chemin de croix, le patron de l’orchestre symphonique « Mélodie divine » a décidé de prendre les rudes chemins de l’exil. Pour l’heure, il n’a pas indiqué sa destination ni dit quel serait son fidèle Cheikh Ibra Fall. Il convient toutefois de ne pas désespérer définitivement puisque, même dans le cas extraordinaire où Kara maintiendrait sa décision de s’exiler — y compris après un concert de lamentations du peuple entier —, alors, il serait toujours temps de se tourner vers Sokhna Dieng Mbacké. Car, ce que femme veut, Dieu le veut, et l’ancienne directrice de la Télévision nationale dispose d’arguments à faire damner un saint ! Et des arguments auxquels, paraît-il, Serigne Modou Kara Mbacké ne saurait résister. Cela dit, si elle-même décide de suivre volontairement son mari dans son exil, alors, dans ce cas, il n’y aurait plus rien à faire ! Mais nous sommes sûrs que, tout bien réfléchi, Serigne Modou Kara se gardera de franchir le Rubicon car il ne peut tout de même pas faire ça au peuple sénégalais !
Moustapha BOYE, Le Témoin.
Publication en partenariat avec le journal Le Témoin, Sénégal.
Publication en partenariat avec le journal Le Témoin, Sénégal.