Depuis, la journaliste fait face à de nombreuses et violentes attaques. El Tayeb Mustafa, le directeur du journal El-Sina, et oncle du président Omar el-Béchir a menacé la journaliste déclarant qu’il fallait empêcher les “vers de terre de son espèce” de corrompre les valeurs du pays. Le 16 février, Mohamed Ali al-Gazouli, un imam radical connu pour son soutien à Al-Qaïda, s’en pris à la journaliste dans les colonnes du même journal. Le lendemain, il appelait ses fidèles à “se lever pour protéger leur religion” et menaçait de poursuivre la journaliste pour apostasie devant les tribunaux.
“Publier ce type de menaces par voie de presse est intolérable et montre bien l’arbitraire qui gouverne la liberté de la presse au Soudan,déclare Cléa Kahn-Sriber responsable du bureau Afrique de RSF. Après avoir interdit à la presse de parler des réformes économiques ou du conflit au Darfour, il serait maintenant impossible aux femmes de parler de leur santé ? En revanche menacer publiquement une journaliste ne semble poser aucun problème! Nous demandons aux autorités soudanaises de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la journaliste et l’équipe du journal El-Tayar et de condamner ces appels à la haine et à la violence. “
La journaliste a porté plainte contre Mustafa Al-Tayeb, l’accusant d’appel à la haine et à la radicalisation. El Tayar a soutenu sa journaliste en demandant sa protection par les autorités policières. A la connaissance de RSF aucune mesure n’a été prise pour l’instant.
Pour Faisal ElBagir, coordonnateur du Journalists Association for Human Rights (JAHR), la réaction est d’autant plus violente que l’article a été écrit par une femme. “Si un homme avait écrit cet article, il n’aurait pas suscité une réaction aussi féroce”
Le journal El Tayar a déjà chèrement payé son ton indépendant. En plus de voir régulièrement ses numéros saisis par les autorité, son rédacteur en chef, Osman Mirghani avait été sauvagement attaqué et battu jusqu’à perdre connaissance en juillet 2014, après avoir évoqué lors d’un débat radio la normalisation des relations avec Israël. Son journal a été fermé par les services de sécurité soudanais en décembre 2015, après un éditorial critiquant le ministre des Finances. En mai 2016, il a de nouveau été suspendu pendant quatre mois sans aucune justification.
Rappelons que le président Omar el-Béchir est sur la liste 2016 des prédateurs de la liberté de la presse de RSF et que le Soudan occupe l’une des dernières places (174e sur 180) dans le Classement 2016 de la liberté de la presse établi par RSF.