(Syfia Grands Lacs Bukavu/ProxiMédias Libres) A Kalonge, à 65 km au nord-ouest de Bukavu, ONG locales et habitants démunis aident comme ils peuvent les déplacés qui affluent chez eux depuis décembre. Ces derniers sont désormais plus de 129 000 ! Ils fuient les combats plus à l'ouest entre les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) et la milice locale Raiya Mutomboki.
Il est 16 heures, ce mercredi, au centre de Cifunzi à Kalonge, un groupement situé à 65 km au nord-ouest de Bukavu, en territoire de Kalehe. Enfants au dos, sacs vides en mains, des femmes font la file pour recevoir de la farine, des haricots, de l’huile végétale et du sel de l’ONG Norwegian refugee council (NRC). Il pleut, mais personne ne s’abrite. A la fin de cette journée de mai, seuls 1 500 sur plus de 5 000 déplacés sont servis, regrette le chef de poste de Kalonge. Les vivres sont insuffisants. Le reste n’a pu être acheminé à cause du mauvais état de la route. "Nos véhicules y sont bloqués durant plusieurs jours, voire une semaine. Dans ces conditions, il nous est impossible de faire parvenir les vivres″, regrette Roghas Wakenge de l’ONG World vision, toujours présente sur terrain.
Les déplacés viennent notamment de Shabunda, situé à plus de 300 km de là, à l'ouest. Selon leur représentant, K. Bekalama, ils ont fui ici dans l'espoir de trouver à manger et parce que le peuple de cette contrée est réputé hospitalier. Ils ont fui la guerre entre les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) et la milice locale Raiya Mutomboki. "Nous sommes venus de Nindja (une chefferie du territoire de Kabare située à près de 100 km au nord-ouest de Bukavu, Ndlr) en février. Les FDLR tuaient, violaient et pillaient tout sur leur passage. Manger et étudier ici est difficile. Je ne sais pas comment atteindre ma famille pour avoir un peu d’argent. La route est incertaine”, soupire une élève de 16 ans au visage pâle.
"Peuple généreux" et associations actives
La première vague d'arrivées remonte à décembre 2011. De janvier à avril, les déplacés ont ensuite été dix fois plus, leur nombre passant de 13 000 à 129 000 à la suite de l'intensification des combats, faisant presque doubler le nombre habituel d'habitants de Kalonge. Ce qui inquiète les autorités locales. “Pendant que ceux qui sont ici et les familles d’accueil vivotent, le nombre croît. Le gouvernement doit avoir pitié de ce peuple qui souffre !”, s’exclame le chef de poste. Car, depuis décembre dernier, de fortes pluies de grêles ont détruit bon nombre de champs de manioc. Les récoltes ont été quasi inexistantes, alors que les besoins en nourriture sont de plus en plus importants… Du coup, de janvier à avril, une mesure de farine de manioc est passée de 250 à 1 000 (de 0,3 à 1,1 $), voire 1 500 Fc (1,65 $).
C'est dire si la solidarité et la générosité des habitants, pourtant eux aussi de plus en plus pauvres, sont très précieuses. Plusieurs familles locales partagent avec les déplacés leurs haricots, maïs, ignames, etc. “Nous sommes très bien accueillis par ce peuple généreux. Plus de 90 % d'entre nous sont dans des familles d’accueil et les autres dans des camps de fortune", précise le représentant des déplacés. Les organisations de la Société civile locale donnent aussi un coup de main. Depuis mars, le Centre pour l’éducation familiale, l’alphabétisation et le développement (Cefad) scolarise une cinquantaine d’enfants de déplacés. “Nous avons récolté une tonne de patates douces en mars. Nous leur avons remis une partie et cotisons aussi pour leur payer des vivres", affirme de son côté Namegabe Kana, chargé de programmes de Hope family project, une autre OSC locale. Quant à Action pour le développement de Kalonge (Adeka), elle a associé à ses groupes de base des villages de Bisisi et Cifunzi une centaine de déplacés qui ont fui avec leur petit bétail ou ont accepté de commencer à apprendre un métier manuel. Réunies par la Société civile locale, les associations exécutent même des travaux de réfection de la route. “Elles déploient leurs membres aux travaux initiés pour réhabiliter ce tronçon routier״, indique le président de la Société civile locale Mushaga Rubenga.
Initiatives insuffisantes
Autant d'initiatives importantes, mais qui restent insuffisantes. La situation humanitaire et sanitaire reste en effet très préoccupante. “Il y a tant de cas de malnutrition, car la vie est devenue plus chère à cause de l’insécurité, du mauvais état de la route, de l’afflux massif des déplacés et de la production agricole médiocre... Nous craignons à présent une épidémie de choléra…", avertit le Dr Picasso Muzusa, médecin chef de zone de Kalonge. Les déplacés demandent aujourd'hui au gouvernement de rétablir la paix dans leurs villages.
Une paix qui se fait attendre. Mi-mai, à Bunyakiri, un de leurs villages d’origine, les FDLR ont tué 31 personnes. A cela s’ajoutent des attaques répétées en juin sur cette localité et ses environs, selon la société civile locale. Une insécurité qui fait grossir, chaque jour, le nombre de déplacés…