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Syrie la prochaine cible


Alwihda Info | Par - 1 Décembre 2011


Et si c’est lui qui le dit, il doit savoir de quoi il cause, non ? On pourrait objecter « mais de quoi se mêle-t-il donc ? » car enfin la République a peut-être d’autres chats à fouetter par les temps qui courent ? Par exemple sortir le pays du merdier où il se trouve plongé en raison de la crise ?


Tandis que le Caire s’embrase à nouveau en une violente réplique sismique, une nouvelle poussée de fièvre tellurique populaire, Alain Juppé à Ankara, petit colporteur du chaos, souffle sur les braises syriennes : « Il est maintenant trop tard pour le régime ». Et si c’est lui qui le dit, il doit savoir de quoi il cause, non ? On pourrait objecter « mais de quoi se mêle-t-il donc ? » car enfin la République a peut-être d’autres chats à fouetter par les temps qui courent ? Par exemple sortir le pays du merdier où il se trouve plongé en raison de la crise ? Renvoyer dans leurs foyers les psychopathes violeurs scolarisés sur les fonds publics grâce à des bourses d’État et les fonctionnaires ripoux, proxénètes à leurs heures et organisateurs de parties de jambes en l’air pour le prestigieux patron socialiste du Fonds monétaire international, ex futur président des Français ? Et bien non, M. Juppé n’a rien d’autre à faire que d’aller s’ingérer dans les affaires du voisin syrien au nom de cette morale qui lui a fait bombarder la Libye pour y installer la terreur salafiste. Fanatiques dont aujourd’hui les exactions, les épurations, le long martyrologue des loyalistes, témoignent - selon le rapport d’un diplomate français 1 - d’un mépris total de ces Droits de l’Homme qui font tant vibrer l’homme de Toulouse. Ce faisant, M. Juppé faisait écho à l’avenante Catherine Ashton, cheftaine de la diplomatie européenne, qui à Moscou délivrait la sainte parole sans pour autant convaincre : « Il est temps pour le président Assad de démissionner ». Et si elle le dit, c’est qu’elle doit en effet, elle aussi, avoir raison ! À Bruxelles on sait tout. Tout ce qu’il faut savoir pour précipiter avec certitude l’Europe dans le pot au noir de la faillite collective et l’enfoncer jusqu’au cou dans le brasier arabe que l’Union s’est complu à alimenter avec l’affaire libyenne. En outre Mme Ashton tenait cette information cruciale de son homologue américaine Hillary Clinton, elle-même en plein accord consensuel avec son collègue turc, Ahmet Davutoglu… Tout ce petit monde se montrant unanime à dire : « Damas c’est fini, Bachar casse toi ».
Point de chance, il y a encore loin de la coupe aux lèvres… en dépit de précédents historiques qui inclinent plutôt au noir pessimisme - car le rouleau compresseur anglo-américain une fois lancé poursuit sa route en laminant tout sur son passage – l’affaire n’est pas joué et el-Assad, un homme probe, n’a rien à voir avec ces dictateurs compradores que furent les Ben Ali et les Moubarak. Cependant le pronostic vital du régime baasiste ne paraît guère prometteur… ses jours sont peut-être comptés d’autant que les grands machiavéliens qui agitent les poupées gigognes Clinton, Ashton, Juppé et leur compère Davutoglu, ont plus d’un tour dans leur sac. Examinons cela dans le détail !
Pour Bachar el-Assad les dès ont-ils déjà roulé ?
La cause est-elle entendue pour le régime syrien ? À l’instar de ce plan de la Ligue arabe - destiné à ramener le calme dans les villes syriennes – spécifiquement concocté par le Qatar pour n’être ni recevable ni applicable par Damas. Parce que pour apaiser la rue et les émeutiers il faut « être deux »… Or, tandis que le gouvernement libérait unilatéralement des manifestants et militants retenus en détention 2 , simultanément les attaques armées se multipliaient, notamment avec l’épisode spectaculaire d’un raid lancé contre un site des Moukhabarat – services de sécurité – à proximité de la capitale. Or bien que l’opposition se présente comme essentiellement pacifique, ses porte-paroles ont refusé de désavouer cet acte de guerre, dévoilant que les chefs de l’opposition s’essaient à le faire dégénérer en conflit armé 3 .
En fait c’est toujours la même mise en scène qui se répète inlassablement : Washington et ses amis semblent tendre une main et de l’autre torpillent les plans de paix. L’attitude adoptée par le Département d’État, Bruxelles et Ankara rend la manœuvre transparente : au lieu de soutenir le plan en incitant fortement l’opposition à faire sa part du chemin, les trois complices – E-U/UE/Turquie – s’emploient en réalité à jeter de l’huile sur le feu… en suspectant a priori la bonne foi des intentions syriennes et en recommandant à la dissidence à de ne pas coopérer (technique de la double contrainte, l’on enjoint au sujet de faire quelque chose tout en lui déniant la capacité de le faire, ou en le lui interdisant). Washington ne s’est d’ailleurs pas gênée pour conseiller aux éléments rebelles armés de ne pas rendre les armes en leur possession et de refuser l’offre d’amnistie immédiate qui leur était faite !
Quant à la République turque, celle-ci s’est appliquée fait à faire rouler les tambours de guerre… retrouvant un état de belligérance qui lui est coutumier avec la guerre perpétuelle engagée contre l’irrédentisme Kurde - les Chrétiens du sud de la Turquie en en ayant fait les frais à l’occasion des nettoyages ethniques qui sont régulièrement intervenus ce dernier demi siècle à la frontière irako-turque – pour ne pas parler de l’invasion de Chypre en juillet 1974 ! Aussi le pouvoir turc ne fait-il à présent étalage d’aucun d’état d’âme en se faisant le promoteur d’une politique de confrontation ouverte avec la Syrie… dont elle était pourtant l’alliée jusqu’à ce qu’intervienne le très problématique « Printemps arabe ». La bonne entente a alors cédé la place à la menace, à la manifestation d’intentions belliqueuses, au soutien actif de groupes armés subversifs œuvrant au renversement d’un gouvernement « ami » !
Ces gens qui soufflent avec ardeur sur les braises
Ceux qui prônent la violence sont aussi ceux qui s’efforcent de déclencher la guerre civile. À ce titre ils devraient être considérés comme criminels et jugés comme tels. Ainsi le président du Conseil national syrien, Burhane Ghalioun, qui, depuis le Caire et sur la chaîne qatarie Al Jazira, opposait une fin de non recevoir à la main tendue des autorités syriennes : « Nous ne négocierons jamais le sang des victimes et des martyrs » ! Sans doute parce que ce sang n’a pas encore assez coulé ? À Paris, où il vit en exil depuis 2005, l’ancien vice-président syrien Abdel Halim Khaddam appelait de la même façon, ouvertement, à la lutte armée depuis un hôtel particulier de l’avenue Foch - commode et sans risque – et vient de créer un « Comité national de soutien à la révolution syrienne », rival direct du Conseil national syrien fondé le 1er octobre à Istanbul. Ainsi donc les chiens se disputent déjà la dépouille d’Assad avant même de l’avoir tué. Pourtant Khaddam qui appelle à « une intervention militaire occidentale comme en Libye », se défend avec un cynisme consommé de vouloir la guerre civile car « c’est une guerre du régime contre le peuple. L’armée est devenue une armée d’occupation » !
À partir de là, l’opposition syrienne représentée par le CNS, délivrée de toute inhibition, exigeait le 7 nov. une « protection internationale  » évoquant des « massacres barbares » à Homs où « les corps jonchent le sol »... l’armée y ayant eu recours à «  l’artillerie lourde, aux roquettes et à l’aviation pour bombarder les quartiers résidentiels  ». On sait de source sûre que le régime syrien, contrairement à la Jamahiriya libyenne, n’utilise pas l’aviation, mais l’évocation de bombes pleuvant du ciel enjolive utilement un tableau évocateur d’apocalypse… et que complète le chiffre de 3500 morts depuis huit mois - 50 fois moins qu’en Libye suite à l’intervention de l’Otan – en omettant de dire qu’il ne comprend pas seulement des opposants mais aussi les 1100 soldats tués lors des opérations de maintien de l’ordre, souvent par des tireurs embusqués d’origine inconnue ! Dans ces conditions il devient évident que le plan de la Ligue arabe ne pouvait être que mort-né, ce qui, in fine, a le mérite de le montrer sous son vrai jour : celui d’une déplorable mise-en-scène médiatico-diplomatique visant à faire passer les agresseurs pour d’inoxydables défenseurs de la veuve et de l’orphelin.
Les acteurs derrière le rideau
Une initiative au nom de la Ligue arabe, mais avons-nous dit, pilotée de bout en bout par le Qatar - base arrière avancée des É-U dans le Golfe – dans la seule perspective de son rejet par la Syrie… avec pour objectif, d’user de l’échec de la médiation arabe comme prétexte pour demander le renvoi du dossier syrien devant le Conseil de sécurité où il a déjà été retoqué… mais cette fois-ci avec une caution formelle, celle du « monde arabe ». Notons que c’est un schéma analogue qui avait a été suivi pour aboutir à l’intervention de l’Otan en Libye !
Revenons un instant sur la Ligue arabe 4 , laquelle préfère de toute évidence se faire complice de la stratégie d’expansion occidentalistes au Proche-Orient, que de souscrire à la solidarité islamique. En se replaçant dans le contexte de la longue durée, il est important de comprendre – ceci expliquant cela - que les Sunnites, Arabie saoudite en tête, regardent les Chiites comme d’épouvantables hérétiques dont la montée en puissance – concrétisée par une éventuelle accession iranienne au feu nucléaire ; menace que la « trilogie démoniaque » 5 leur agite en permanence sous le nez – inquiète, en raison notamment des minorités chiites qui caviardent l’ensemble des États à majorité sunnite de la Péninsule arabique.
On pourrait ajouter mezzo voce, car ce n’est guère politiquement correct, qu’une tragique inimitié oppose de temps immémoriaux persans et arabes, les premiers étant souvent considérés par les seconds comme « pire que les Juifs  »… Bachar El-Assad appartenant à la communauté alaouite, un Chiisme légèrement teinté de Christianisme, le soulèvement populaire apparaît donc comme l’occasion d’évincer un régime hérétique qui a longtemps fait de l’ombre aux pétromonarchies en tant que clef de voûte régionale de la « paix » armée avec l’État hébreu, et de cette manière garant d’une certaine stabilité au Levant 6 … Rayer de la carte le pouvoir alaouite c’est aussi, du même coup, effacer le souvenir d’un régime baasiste honni depuis son accession au pouvoir en 1963, parce que laïque, socialiste et national. C’est encore priver l’Iran chiite de son principal allié dans la région – bien qu’en substitution l’Irak à majorité chiite constitue encore un atout majeur - et briser ainsi l’axe stratégique Téhéran-Damas-Beyrouth, pour la plus grande joie de Tel-Aviv… et de Riyad qui se verrait délivrée du rival de toujours.
En dernier ressort, il est cocasse et tragique à la fois, de voir les membres de la Ligue arabe réclamer pour les populations syriennes des libertés et des droits qu’ils refusent catégoriquement à leurs propres ressortissants dont les manifestations sont, bien entendu, matées dans le sang…. La répression au Yémen et au Bahreïn n’a jamais fait sourciller la Ligue arabe et à Bahreïn, l’Arabie Saoudite, sous couvert d’un accord passé dans le cadre du Conseil de coopération du Golf, n’a pas hésité a envoyé le 14 mars ses chars pour écraser toute velléité de sédition.
Modus operandi de la guerre à venir… la Syrie n’est pas la Libye !
Comme la plupart des pays à faibles effectifs démographiques et à vaste étendue géographique, la Libye n’avait pas les moyens de se défendre contre les attaques aériennes conjuguées du Royaume-Uni, de la France et des États-Unis. Mais la Syrie n’est pas la Libye, son armée est mieux organisée et équipée que tout autre, même si aujourd’hui on ne lui accorde plus le surnom de « Prusse de l’Orient »… Pour contenir la révolte, Damas ne recoure pas à l’aviation mais aligne ses chars et son infanterie. Ce qui par conséquent ne peut justifier l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne, laquelle avait permis en Libye – en dévoyant les termes de la R.1973 - de matraquer au sol les troupes loyalistes. Actuellement aucune province syrienne n’est « libérée », les désertions dans l’armée restent individuelles et l’appareil d’État demeure intact.
Au moment même où la France, l’Allemagne et R-U font voter par la Commission des droits de l’homme de l’Assemblée générale des Nations unies, ce mardi 22 novembre, une Résolution condamnant la répression sanglante des manifestations en Syrie et la « persécution » exercée par le régime syrien à l’encontre des manifestants, les initiateurs de cette « condamnation » savent qu’elle est purement symbolique et masque le fait qu’ils sont eux-mêmes dans l’incapacité d’obtenir quoique ce soit du Conseil de sécurité où les alliés objectifs de la Syrie leur font barrage 7 . Une manœuvre en fait destinée à distraire la scène internationale tandis que la Turquie met précisément en œuvre sa stratégie de contournement du Conseil de sécurité. La première étape devant consister à créer une poche de résistance à l’intérieur même de la Syrie, secteur libéré apte à servir de base de départ pour de futures offensives. Il s’agira de créer pour commencer une zone démilitarisée comme refuge à ceux qui fuient la répression, cela tout naturellement à la frontière turque où trois camps de réfugiés syriens existent déjà.
La Turquie dont le jeu est maintenant sans ambiguïté - malgré ses annonces fracassantes relatives à la cause palestinienne et au blocus de Gaza et en dépit d’une fâcherie toute médiatique avec Israël à ce même propos - a de cette façon commencé avec le concours entre autres du Qatar à fournir une assistance financière, militaire et logistique à l’opposition syrienne… ceci à la demande expresse de la Maison-Blanche. Ankara semble également avoir déjà établi sur son territoire national des camps d’entraînement pour les opposants syriens, prélude à la création – prochaine – de cette fameuse « zone tampon » en territoire syrien. Rôle qui avait été dévolu en Libye à la ville de Benghazi qui a servi de tête de pont à l’Otan pour l’organisation logistique des opérations au sol. 8
Au-delà, le plan prévoit des provocations et des incursions turques en territoire syrien afin de justifier une intervention lourde pour « répondre » aux agressions de Damas…L’intervention turque devant pouvoir se prévaloir de la légitime défense en parallèle avec l’éternel argument humanitarien ! La Turquie serait alors en mesure d’invoquer l’Article 5 du Pacte Atlantique et d’appeler à la rescousse ses alliés autrement permettre l’intervention de l’Otan. Un scénario classique qui éviterait le blocage du Conseil de sécurité en mettant tout le monde devant le fait accompli. Simultanément l’action armée intérieure qui est actuellement sporadique, s’étendra à tous les secteurs névralgiques du pays, l’opposition syrienne unanime réclamera alors à cor et à cri l’intervention massive des forces étrangères rendue nécessaire par un éventuel bain de sang. Et le tour sera joué.
Un scénario plutôt plausible sachant que le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan vient, lundi 21 novembre, d’avertir solennellement le président Bachar al-Assad que « ses jours étaient comptés », peu après – quelle coïncidence ! – que deux autocars transportant des pèlerins turcs au retour de la Mecque eurent essuyés de tirs entre Homs et Hama au nord de la Syrie ! Dans le même ordre d’idée, le « Courant du Futur » mouvement libanais de Saad Hariri, allié pour la circonstance aux Frères musulmans et aux courants salafistes, a semble-t-il transformé les régions frontières du Liban Nord et Est en bases arrières pour l’opposition syrienne qu’il fait abondamment approvisionner en armes et en fonds.
En dépit de l’étau qui se resserre, la Syrie peut compter sur ses alliés
La Syrie est cependant loin d’être aussi isolée régionalement ou internationalement parlant que ne le clament les médias et leurs perroquets. En acceptant le plan arabe, elle entendait aussi ménager les soutiens qu’elle compte parmi les grandes puissances émergentes - Russie, Chine, mais aussi Inde, Brésil et Afrique du Sud avec lesquelles il faut désormais compter au sein d’un monde devenu soudainement multipolaire en l’espace d’à peine une décennie. S’ajoute à cela des alliances et des points d’appuis régionaux : l’Iran qui interviendrait à l’heure actuelle en Syrie, mais également l’État irakien dominé par la majorité chiite, qui vient de donner congé aux bases américaines… même si apparemment les É-U seront autorisés à conserver un petit pied-à-terre ! Quelques éléments des brigades irakiennes de Mouktada Sader seraient à ce titre déjà opérationnels en terre syrienne. Mais il faut aussi compter avec la minorité Alaouite du Liban, avec les minorités chiites dispersées dans les pétromonarchies sunnites (durement réprimée au Bahreïn), avec le Hamas sunnite, maître de la bande de Gaza et le Hezbollah libanais, formation politique gouvernementale chiite détentrice d’un arsenal de guerre impressionnant… cela représente beaucoup de monde et fera sans doute hésiter ceux qui seraient tentés par un affrontement direct.
Ce pourquoi le scénario le plus probable - puisque la chute de la maison Assad est programmée - est bien de l’ouverture d’un front de guerre civile adossé à l’armée turque prête à s’engouffrer dans la brèche au moment opportun. À condition bien entendu que ce momentum arrive. Car, alors que la pression et le ton montent, la Russie semble bel et bien décidée à soutenir el-Assad jusqu’au bout. Le Premier ministre russe Vladimir Poutine l’a fortement réaffirmé ce vendredi 18 novembre à l’occasion d’une conférence de presse à Moscou avec le Premier ministre français François Fillon, l’avertissant en ces termes : « Nous appelons à la retenue et à la précaution, c’est notre position ». Et pour bien se faire comprendre, la Russie, qui dispose d’une base navale à Tartous, a décidé d’envoyer ses navires de guerre dans les eaux territoriales syriennes afin de prévenir toute intervention militaire étrangère contre son allié… information relayée par le quotidien israélien Haaretz !
Bachar, l’homme à abattre et la Syrie, une cible prioritaire avant l’Iran
Hafez el-Assad meurt en juin 2000, Bachar el-Assad revenu de Londres où il exerce la profession de médecin ophtalmologue lui succède et s’efforce de moderniser la Syrie. Vite rattrapé par la réalité il doit composer avec la « veille garde » baasiste et les clientélismes claniques. Bien que considéré par Washington comme un État soutenant le Terrorisme, accusé successivement de développer des armes chimiques de destruction massive puis de poursuivre un programme d’armement nucléaire et d’avoir organisé en 2005 l’attentat de Beyrouth qui coûta la vie à l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, le rapport américain dit Baker- Hamilton préconisait en 2006 la reprise du dialogue avec Damas… Mais en 2007 revirement, la R.1757 du Conseil de sécurité crée un tribunal spécial pour le Liban visant particulièrement l’entourage du président syrien pour son implication supposée dans l’assassinat d’Hariri. Israël en profite pour bombarder un site industriel syrien affirmant qu’il s’agit en réalité d’installations nucléaires. En 2008 Bachar el-Assad se rend en France pour le sommet de l’Union pour la Méditerranée mais au même moment, à Washington, l’ancien ambassadeur américain au Liban, aujourd’hui Secrétaire d’État adjoint aux Affaires du Proche-Orient, Jeffrey Feltman, montait un projet de déstabilisation en profondeur de la Syrie. Le même déclarait il y a une semaine devant une Commission du Sénat américain que « Bachar al-Assad est fini » ! Était-ce un pronostic, un diagnostic ou une prophétie ? Toujours est-il que Feltman, hommes des stratégies indirectes, possède assez de bon sens pour désavouer ceux qui préconisent le passage en force à Damas. Entre-temps, les États-Unis ont dû prendre en marche le train des révolutions arabes, mais en Libye puis maintenant avec la Syrie, ils se sont persuadés d’avoir repris l’initiative. Ayant fait la part du feu en abandonnant Ben Ali et Moubarak, le Département d’État a très vite vu tout le parti qu’il pouvait tirer du « Printemps arabe » manipulé et récupéré. L’Égypte aux mains d’une junte militaire toute acquise à la politique des É-U dans la Région, devait être l’un des fleurons de cette politique sous-jacente de reprise en mains. Las, c’était compter sans les foules égyptiennes qui, bien que démunies de toute direction idéologique – hormis celle des Frères musulmans et des salafistes - se sont rapidement rendues compte que la mort d’une dictature ne coïncidait pas forcément avec la fin de la tyrannie… Aussi les convulsions actuelles de l’Égypte montrent s’il en était besoin que la manipulation des masses et l’instrumentation des révoltes ne sont pas encore - et de loin – une science exacte. Et nous ne sommes certainement pas au bout de nos surprises… ce pourquoi les apprentis sorciers qui s’agitent à la Maison-Blanche seraient bien avisés d’introduire quelques paramètres supplémentaires afin d’enrichir leurs raisonnements stratégiques et afin de faire, par exemple, entrer en ligne de compte les appétits tout neufs de la Turquie, laquelle pourrait commencer à se faire les dents sur la Syrie grâce à la folle inconséquence des États-Unis…Une Turquie pantouranienne dirigée par le Parti pour la Justice et le développement qui n’est au fond qu’une version présentable et moderniste de la confrérie des Frères Musulmans… ceux-ci, une fois la fièvre de la place Tahrir retombée, devraient en toute logique s’imposer dans les élections que la foule mobilisée vient d’imposer - avant juillet 2012 - au pouvoir militaire et au maréchal Tantaoui, abondamment conspués au cours de quatre jours d’émeutes. Processus au bout duquel, tout comme en Tunisie ou le parti islamiste Ennahda, vient de remporter les élections et en Libye où le nouveau gouvernement libyen fera immanquablement la part belle aux exigences salafistes, l’Égypte tombera elle aussi dans l’escarcelle des islamistes modérés ! La Confrérie des Frères musulmans n’est-elle pas en Égypte la seule formation politique véritablement organisée, dotée - comme les islamistes radicaux - du soutien financier de l’Arabie saoudite, et à ce titre apte à réunir une majorité de suffrages ? Peut-on imaginer que ce soit là le projet des É-U : installer sur le pourtour méditerranéen des démocraties théocratiques et ouvrir la voie à la reconstitution d’un empire néo-ottoman sous les couleurs d’un Khalifat adepte d’un islamisme libéral combinant charia, diversité et libertés individuelles ? Mais qui peut croire à la stabilité, à terme, d’un tel composé ? L’été dernier Bachar el-Assad ne s’est-il pas vu proposer par le premier ministre turc – le même qui jure aujourd’hui sa perte - d’ouvrir largement le gouvernement syrien aux Frères musulmans en échange de quoi le retour à la paix civile interviendrait ? Bref, pour qui n’aurait pas encore saisi, la mondialisation se matérialisera peut-être bientôt à nos portes sous la forme et dans l’établissement d’un nouveau Khalifat – l’unification de l’Oumma, la Communauté des croyants - sous la houlette des héritiers néo-islamistes des Jeunes turcs, proches parents des gens de Misrata, tueurs sanguinaires de Kadhafi, qui l’abolirent en 1924 !
Notes (1) « Libye : les droits de l’homme malmenés » - L’Express 11 nov. 2011. Exécutions sommaires, tortures, détentions arbitraires, traque meurtrière d’immigrés subsahariens : de retour d’une mission à Tripoli, un diplomate français de haut rang dépeint l’ampleur des violations des droits humains perpétrées dans la Libye de l’après-Kadhafi.
(2) 553 personnes arrêtées au cours des événements et n’ayant pas de sang sur les mains ont été libérées à l’occasion de la fête d’Al-Adha, les autorités offrant l’amnistie aux détenteurs d’armes qui se rendraient et n’auraient pas commis d’assassinats tout en annonçant un retrait imminent des militaires présents dans les villes.
(3) La distinction doit être opérée entre opposition et contestation. L’opposition véritable est relativement marginale en Syrie et la majorité des Syriens défilant dans les centres ne sont pas des opposants à proprement parler. Sans programme politique, ils ne demandent principalement que des conditions de vie plus décentes, des libertés et de la dignité, le renversement du régime étant au départ étranger à leurs revendications. Fin 2010, les partis d’opposition n’avaient par ailleurs aucune emprise sur les populations. Cependant au sein de cette opposition quelques personnalités sont peu à peu sorties du lot tel Riyad Turk, ancien premier secrétaire du Parti communiste, Michel Kilo, un indépendant, l’avocat Haytham Al-Maleh, défenseur des droits de l’homme ou encore l’homme d’affaires et ancien député à l’Assemblée du Peuple, Riyad Seif . Cf. Ignace Leverrier Le Monde 16 nov.11
(4) Fondée en 1945 à l’initiative de la Grande-Bretagne la Ligue arabe rassemble 22 pays arabes dont la Palestine. Boîte vide jusqu’à présent, la Ligue est sortie ces derniers mois de sa réserve notamment en soutenant l’intervention occidentale en Libye et par le truchement des forces spéciale qatari. Puis à présent en votant la mise au ban de l’un de ses membres les plus éminents, la Syrie… servant ainsi sur un plateau la légitimité nécessaires aux occidentalistes pour s’ingérer dans les affaires de la Syrie dans le seul but d’en renverser le régime (stratégie du regime change). Notons que la Ligue est restée muette quant à la situation au Yémen ou à Bahreïn où répression et affrontements entre les différentes paries ont causé également depuis janvier des milliers de morts.
(5) Royaume-Uni/États-Unis/Israël, la France et l’Union européenne n’occupant ici que des places subalternes.
(6) Le gouvernement israélien n’était pas chaud au début de l’année 2011 pour précipiter la chute du régime de Damas. Depuis l’accord de désengagement de 1974, et bien qu’il n’ait jamais été mis fin à l’état de belligérance depuis 1948 entre les deux États, toujours divisés sur la question du Golan, les Israéliens n’avaient eu qu’à se louer du sérieux avec lequel les Syriens avaient assurer la surveillance leur frontière commune. C’est après d’âpres débats au sein de l’équipe dirigeante, après avoir soigneusement pesé le pour et le contre, que la décision a été finalement prise au printemps d’intervenir pour renverser le régime syrien dominé par la minorité alaouite.
(7) Le 4 octobre, Russie et Chine opposaient leur véto Conseil de sécurité à une demande de sanctions aggravées contre la Syrie ; Brésil, Inde, Afrique du Sud et Liban s’abstenant. Les Russes et les Chinois ont persisté depuis dans leur soutien à Damas et multiplié les avertissements à l’égard des puissances occidentales. Quant à la résolution, adoptée par la Commission des droits de l’homme de l’Assemblée générale des Nations unies avec une majorité de 122 votes pour, 13 contre et 41 abstentions, elle condamne les « exécutions arbitraires et l’usage excessif de la force » contre les manifestants et appelle les « autorités syriennes à immédiatement cesser toutes les violations des droits de l’homme ». Elle était parrainée sans surprise par Bahreïn, la Jordanie, le Koweït, le Maroc, le Qatar l’Arabie saoudite… et l’Égypte dont les autorités faisaient tirer les quatre jours précédant ce vote des Nations unies, sur la foule rassemblée place des Martyrs au Caire, causant la mort de quelque 40 manifestants.
(8) Le régime syrien a toutefois prévu cette éventualité dès les premiers mois de la révolte. Il s’est empressé de contrôler les zones frontalières en rébellion, préférant abandonner à la contestation Hama et Homs, au centre du pays. La ville de Jesser Shughur, proche de la Turquie, et Al Bou Kamal, à la frontière irakienne, possédaient une importance stratégique beaucoup plus importante, car les armées turques et américaines auraient pu s’en servir comme tête de pont à l’image de Benghazi ou Misrata en Libye.

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