REACTION

« Taisez-vous, on massacre en Centrafrique... »


Alwihda Info | Par Gérard Nga BOUKANGA GONOGUELE, - 24 Juillet 2015



LETTRE OUVERTE À LA PRÉSIDENTE DE LA TRANSITION CATHERINE SAMBA PANZA

Madame la présidente, 
Je viens par la présente note, exprimer mon indignation et ma colère face aux massacres répétés sur mes compatriotes centrafricains vivant dans les arrières pays.

Comme vous le savez si bien, des villages ont été attaqués et saccagés à plusieurs reprises par les armes. Des hommes, femmes et enfants ont été décapités comme des porcs qu'on égorge à la boucherie.

Aujourd’hui, nous apprenons encore que des nouveaux massacres ont été commis, semant une plus grande désolation sur l’axe Bouar-Garoua Mboulai et dans toutes les régions avoisinantes. Ce que je trouve de plus tragique, ce n'est pas la méchanceté et la haine qui animent les groupes armés qui accomplissent ces actes horribles, mais plutôt le silence et la passivité du peuple centrafricain (vivant au pays et à l'étranger), des autorités centrafricaines et la communauté internationale.

Je ne peux m'empêcher de penser que si des tels massacres se produisaient ailleurs, quelle serait la réaction du peuple ? Des autorités ? De l'ONU? Malheureusement des centaines d'hommes et femmes sont tués comme des mouches en Centrafrique, sans que cela ne suscite de réaction qui soit à la hauteur des atrocités. Nos frères et sœurs sont attaqués de nuit, dans leurs sommeils, égorgés comme des poules. Et pendant ce temps, la vie à Bangui continue comme si rien ne s'est jamais passé ; les mélodies des artistes LOSSEBA et OZAGUIN continue de faire danser certains dans des bars, les partis politiques continuent leurs querelles enfantines sur les scènes publics, les nouveaux ministres nommés organisent des fêtes où la Primus et la skol coulent à profusion etc. Tandis que quelque part ailleurs, des enfants orphelins sont obligés de fuir leurs villages et aller chercher refuge dans la jungle. Et pendant ce temps, on continue de chanter et de danser… Tout se passe comme si la vie des populations de l'arrière-pays ne valait rien du tout.

Madame la Présidente, je vous prie d’observer que ces groupes milices sont capables de terroriser et de massacrer nos compatriotes, non pas parce que notre armée est la plus moribonde au monde, mais plutôt parce que le centrafricain n'a tout simplement pas des leaders responsables à la tête des institutions du pays. Comment Est-ce possible qu'aucun des dirigeants centrafricains ne démissionne à la suite de chaque massacre? Existent-t-ils des hommes et des femmes responsables en Centrafrique qui auront un jour le courage de reconnaître leurs échecs et laisser la place à d'autres plus capables?

Je vous fais remarquer en passant qu’au mois de Septembre de l'année dernière, une quarantaine d'étudiants mexicains a disparu mystérieusement suite à des accrochages entre des policiers et un groupe d'étudiants qui réclamaient des meilleures conditions d'études. Cette disparition je vous assure, a secoué toute la nation. Ainsi, des protestations ont été organisées dans chacune des villes du pays ou, des hommes, des femmes, y compris des enfants descendaient dans les rues tous les jours pour exiger que justice soit faite. Mais le plus important était que le gouverneur de la région où ces étudiants ont été éliminés a eu le courage de démissionner.

En Centrafrique en revanche, un échec n'est jamais suivi de sanctions. Personne ne se sent responsable de la mort atroce et injustifiée de nos compatriotes.

Très chère Présidente, Si vous n'arrivez pas à limoger les autorités incapables de protéger leur population, ayez alors le courage de démissionner vous-mêmes. Certaines sources affirment même que les massacreurs de nos frères et sœurs n'attaquent pas à l'improviste. On nous rapporte que ces bandits envoient des avertissements avant de descendre sur les lieux ciblés et organiser les carnages. Si cela est avéré Madame la Présidente, comment expliquerez-vous l'impuissance de nos autorités et des troupes onusiennes qui n'arrivent pas à intercepter ces démons humains et fournir à la population la protection qu'elle mérite? A qui profitent ces crimes? Pourquoi sommes-nous si passifs ? Que font les conseillers au niveau du Conseil National de la Transition ? Combien de gens faudra-t-ils massacrés avant que le peuple centrafricain se lève comme un seul homme pour dénoncer tout haut ces ignominies? Combien de villages faudra-t-il dévastés avant que les troupes étrangères ne contre-attaquent ces monstres?

Madame La Présidente, l'heure est grave. Un changement de gouvernement sans changement de mentalité ne changera rien. Et il est temps que les dirigeants de notre pays changent d'attitude et de perspective à l'égard de la vie de chaque centrafricain.

Nous ne devons plus attendre la mort de plus de 3 millions de centrafricains pour nous réveiller de notre sommeil léthargique. Chaque vie compte, même celle d'un nouveau-né vivant à Ndélé ou à Bambari. En effet, la vie de ce nouveau-né n'est pas inférieure à celle d'un ministre vivant à Bangui.

Pour votre gouverne, la politique et la vie à Washington par exemple, s'arrêtent à chaque fois que les militants d'ISIS décapitent un SEUL citoyen américain ; peu importe sa profession dans la vie. Et quand la vie d'un otage américain est menacée, l'occupant de la Maison Blanche doit arrêter son sommeil et quitter son lit confortable pour autoriser l'armée américaine à entreprendre une opération de sauvetage. En Centrafrique par contre, des dizaines d'hommes et de femmes sont massacrés à la machette chaque semaine sans que les autorités s'en révoltent. La communauté internationale quant à elle reste passive et silencieuse. Mais que peut-on encore attendre d’une telle communauté internationale ? En tout cas, l’histoire du monde nous a toujours prouvés que cette communauté internationale n'intervient efficacement que lorsque les intérêts des pays occidentaux sont menacés.

Devrons-nous alors croiser les bras et prier que la MINUSCA neutralise seule ces démons ? Allons-nous rester inactifs et espérer que la France, la Belgique, les USA nous sécurisent nos mamans? C'est aux centrafricains que revient la lourde responsabilité de défendre son frère et sœur. Si d’aventure, nous ne protégeons pas ces populations en désarrois, personne ne le fera à notre place.

Peuple centrafricain, peu importe là où nous vivons, réveillons-nous de notre sommeil. Il est temps que ces monstres comprennent qu'ils ont affaire à un peuple courageux et déterminé à affronter son ennemi. Arrêtons de nous amuser lorsque nos compatriotes continuent à souffrir d'une mort si atroce. Crions notre colère ; Soutenons notre armée. Démontrons à tous ces étrangers qui veulent anéantir la Centrafrique, que plus que jamais nous centrafricains, sommes unis et forts. Nous sommes peut-être un lion blessé mais, l'heure est arrivée pour que ce lion se redresse, rugisse plus fort et fasse fuir tous ces rats qui font la honte de l'Afrique Centrale.

Très chère Présidente, quand vous irez au lit cette nuit dans votre chambre climatisée, sachez qu’il y’a un garçon centrafricain de 6 ans près de Bouar, qui fuit seul son village dans la nuit, après avoir assisté au massacre de son père, de sa mère et de toute sa famille. Cet enfant cri et pleure sans peine. Il ignore s’il sera encore vivant au levé du jour. Du fond de votre lit douillet, écoutez-vous réellement le cri de ce garçon centrafricain ? Entendez-vous sa douleur ?

Gérard Nga BOUKANGA GONOGUELE,
Membre Fondateur du Collectif « Touche Pas à Ma Constitution »

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