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ANALYSE

Tchad : Comment encourager les investissements pour réduire le gap du développement ?


Alwihda Info | Par Dourandji Jean Martin, économiste, chercheur et consultant indépendant - 4 Décembre 2024



Conscients des défis auxquels ils font face pour séduire les investisseurs à l’ère de la mondialisation, les pays africains déploient de plus en plus de stratégies pour convaincre. Les unes vantant l’importance des ressources naturelles territoriales et les autres montrant les réformes engrangées dans le pays. Ces initiatives tous azimuts produisent des résultats divers.

Si les efforts de certains sont salués pour les résultats obtenus, pour d’autres pays le chemin semble encore long, en dépit de la volonté affichée. Au Tchad, le ministre du Commerce et de l’Industrie, Fanga Guibolo Mathieu dont le portefeuille est chargé des investissements, multiplie les efforts pour encourager la création de richesses.

La nécessité de reconsidérer le Tchad
Les vieilles habitudes ont la peau dure, tout comme les vieux clichés que les firmes ont du Tchad. Pour elles, le Tchad demeure un pays infréquentable pour plusieurs raisons. Cela dit, pour les investisseurs étrangers, investir au Tchad représente un risque sérieux donnant lieu à des incertitudes importantes.

Certes, les goulots d’étranglement sont encore nombreux, mais il est clair que seuls les investisseurs ambitieux et risquophiles seront les gagnants de cette partie. Ce pays qui a connu de fortes croissances depuis le début des années 2000, avant de marquer une « trêve » entre 2015-2021.

Le PIB du Tchad est aujourd’hui de 18,69 milliards de dollars US, ce qui, il y a de cela 20 ou 25 ans, le placerait dans les 10 ou 15 premières économies du continent. Le FMI projette la croissance à 2,9 et 3,7% en 2024 et 2025. Avec ses 17 millions d’habitants en 2024 majoritairement jeune et une croissance démographique de 3,5% par an, le Tchad est un marché important et où la main d’œuvre est abondante avec un taux de salaire faible.

Par ailleurs, une entreprise installée au Tchad quelques soit le secteur, bénéficie d’une concurrence faible. En 2023, le Tchad a reçu près de 560 milliards de francs CFA d’investissements directs étrangers le plaçant parmi les 20 pays africains ayant reçu le plus d’IDE au cours de cette année. Ce qui, il faut le reconnaître traduit un intérêt pour notre pays.

En outre, l’existence d’accords régionaux ou sous-régionaux offre de réelles possibilités d’exportation sur des marchés à fort potentiel de croissance. La mise en place de la Charte nationale de l’investissement protège les investisseurs étrangers.

Enfin, l'Agence Nationale des Investissements et des Exportations (ANIE) facilite les investissements étrangers dans le pays. Lors d’une récente visite au siège de cette agence gouvernementale, le ministre du Commerce et de l’Industrie avait fait cette déclaration à l’endroit des responsables de l’ANIE : « il est impératif de s’atteler à la simplification des démarches administratives et à la sécurisation des investissements ».

Les secteurs stratégiques pour les investissements
Les principaux secteurs permettant à l’investisseur de rentabiliser son investissement :

Agriculture et élevage : Le Tchad dispose de vastes terres agricoles (39 millions d’hectares) où sont cultivés entre autres le coton, l’arachide, le sésame, et la gomme arabique. Pour toutes ces cultures, le Tchad se place parmi les principaux producteurs africains ou mondiaux.

Quant à l’élevage, le Tchad dispose du 3ème cheptel le plus important en Afrique. Par ailleurs, la mise en place des zones économiques spéciales dans plusieurs provinces du pays permet de faciliter et de rentabiliser les investissements dans le secteur.

L’énergie : avec un taux d’électrification parmi les plus bas au monde, la demande est très forte. Les investissements, en particulier dans le solaire, sont très rentables compte tenu de l’ensoleillement important et permanent.

Les infrastructures : les besoins sont énormes et les facteurs de croissance sont importants.

Mines et hydrocarbures : d’importants gisements sont présents sur le territoire national la plupart inexploitées. Le pays est le 10e pays africain en réserve de pétrole.

Les TIC et la banque : les opportunités de croissance sont fortes.

Le tourisme : le Tchad est le berceau de l’humanité. De nombreux sites touristiques se trouvent dans le pays. L’existence sur le territoire national d’une matière première n’est plus le seul facteur déterminant pour l’investisseur.

Il est important de reconnaître que la seule présence sur le territoire national des ressources naturelles ne constitue pas un facteur déterminant pour convaincre une entreprise de s’y installer. La décision de localiser les activités d’une entreprise va au-delà de la prise en compte d’un seul facteur. Elle comprend généralement le coût et la qualification de la main-d’œuvre, l’existence des infrastructures, divers services aux entreprises, etc.

Pour ainsi dire, la décision de choisir un pays plutôt qu’un autre tient compte des facteurs économiques, sociaux, environnementaux et institutionnels tels que la stabilité politique et économique, l’état du capital physique et des institutions. Ce qui donne une importance au cadre juridique et réglementaire, les réformes engagées ou encore la lutte contre les crimes économiques.

Ces facteurs sont des déterminants majeurs, c’est-à-dire qu’ils influencent véritablement le coût de production de l’entreprise et qui amène celle-ci à choisir où localiser ses activités. A l’état actuel, les ressources naturelles sont abondantes au Tchad. Le ministre du Commerce reconnaissait d’ailleurs que « le Tchad regorge d’énormes potentialités. Mais le pays demeure faiblement industrialisé ».

C’est pourquoi, analysant les causes de cette sous-industrialisation, nous estimons que les barrières administratives et réglementaires, notamment sont élevées et constituent des facteurs principaux de répulsion. Et que plusieurs autres leviers sur lesquels le gouvernement a le pouvoir demeurent inactionnés ou faiblement.

In fine, les efforts du gouvernement sont indispensables
Le ministère du Commerce et de l’Industrie est au cœur des investissements en République du Tchad. C’est le lieu ici de souligner le fait que ce ministère stratégique pour le développement du Tchad peut faire plus. Dans ce sens, ses efforts pour convaincre les multinationales de s’implanter dans un pays à la réputation difficile comme le nôtre, doivent montrer que le Tchad présente moins de risques et que leur localisation sur son territoire leur permet de minimiser les coûts de production et donc de faire des profits en toute quiétude.

En conséquence, il revient au gouvernement de créer les conditions de la compétitivité du Tchad, nécessaires pour « activer » les ressources territoriales. L’ANIE doit travailler davantage à fluidifier les procédures de création d’entreprises, à les dématérialiser et même aller plus loin, par exemple mettre en place un mécanisme permettant la création d’entreprises en ligne.

Nous sommes à l’ère du numérique… Le coût de la fiscalité, de l’immobilier ou encore les formalités administratives pour l’entrée en territoire tchadien sont entre autres et sans exhaustivité les leviers sur lequel le gouvernement a le contrôle. En outre, le ministère du Commerce doit initier ou soutenir les actions visant à positionner le Tchad sur la scène économique internationale. Cette démarche a le mérite de présenter les avantages de la destination Tchad.

Il s’agit donc ici de créer un avantage différenciatif avec les autres, incitant ainsi au choix du Tchad. Car en réalité, la différence entre deux pays aux mêmes caractéristiques tient aux coûts de production, ou de la quantité du profit à recevoir. Ce qui amène donc la firme à choisir ce pays plutôt qu’un autre qui pourtant au départ offraient les mêmes ressources. C’est ainsi qu’il y a des nations qui gagnent et d’autres non.



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