« L’UFCD n’a pas été créée pour combattre l’Alliance Nationale»
Entretien avec
Monsieur Houlé Djonga Djonkamla, Commissaire aux relations extérieures de l’UFCD
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Lyadish Ahmed (LA) – Monsieur Houlé Djonga Djonkamla, nous sommes en octobre et les Tchadiens dans leur ensemble attendent l’attaque promise par les dirigeants de la rébellion, notamment Monsieur Timan Erdimi. L’UFCD dont vous êtes membre va-t-elle participer à cette attaque ?
Houlé Djonga Djonkamla (HDD) : Ecoutez, s’il n’y a pas d’ici là une initiative franche et sincère de la part du gouvernement pour résoudre la crise tchadienne à travers un dialogue inclusif, eh ! bien la guerre restera malheureusement la seule voie que nous offre Idriss Deby et son gouvernement pour effectuer un changement et ramener une paix durable au Pays. A la question de savoir quand, comment et où débutera cette grande offensive, l’UFCD en fait une affaire interne et vous seriez informés le moment opportun. Vous pourriez à ce moment savoir quel est le mouvement qui conduira cette campagne.
L. A – Voulez-vous dire que vous ne participerez pas à l’attaque aux côtés de l’Alliance Nationale ? Cela signifie-t-il que vous poursuivez d’autres objectifs que ceux du général Mahamat Nouri et Ahmat Hassaballah Soubiane ?
HDD : Même si notre but est le même c'est-à-dire le renversement du régime d’Idriss Deby et l’organisation d’un forum national qui doit décider de l’avenir du pays, nos démarches sont peut-être différentes. Nous nous efforcerons d’accorder nos violons d’ici là. Je constate que vous vous fiez trop à la campagne médiatique sur internet. Mais je vous avoue que la réalité sur le terrain est tout autre. Vous ne pourriez nous croire que lorsque les opérations militaires commenceront effectivement. Nous estimons cependant que seule une unité véritable sur le plan politique et militaire, comme nous avons réussi à le faire à l’UFCD permettra à la résistance de défaire sans trop d’efforts le régime MPS, et nous évitera en conséquence une guerre des tendances une fois le régime renversé.
L. A – Supposons que l’Alliance Nationale renverse le régime d’Idriss Déby. Resterez-vous en brousse pour continuer votre combat ou rentrerez-vous à N’Djamena pour participer à la reconstruction politique du pays aux côtés de l’Alliance Nationale ?
HDD : Ecoutez, nous ne sommes pas des éternels va-t-en guerre. Nous croyons que la solution aux problèmes du pays est essentiellement politique. Nous avons malheureusement en face de nous un régime qui ne comprend que le langage de la force. Mais Lyadish, la véritable question est celle de savoir si l’Alliance Nationale peut à elle seule renverser le régime militairement? Si c’était possible on n’en serait pas là. Mais puisqu’il s’agit d’une hypothèse, je vous rassure que l’UFCD n’a pas été créée pour combattre l’Alliance Nationale ou tout autre mouvement luttant contre le régime de Deby. Chacun de nous sait qui est à mesure de faire quoi dans le paysage de la résistance nationale ; mais c’est surtout la façon d’organiser la gestion du pays qui convaincra tout les Tchadiens y compris nous de rentrer à N’djamena quelque soit l’équipe qui succédera celui d’Idriss Deby.
L. A – Quelles sont les divergences objectives entre l’UFCD et l’Alliance Nationale hormis les raisons discutables relatives aux origines ethniques des dirigeants perceptibles dans certains de vos communiqués ?
HDD : Pour ceux qui côtoient la résistance, la question ethnique est sincèrement une question secondaire à l’UFCD. Pour autant, je ne nie pas qu’elle existe. En ce qui concerne les divergences objectives, à l’UFCD, nous ne sommes pas pour une alliance qui n’est qu’une juxtaposition des mouvements ou chacun est autonome dans sa gestion interne, et ou les opérations militaires sont simplement coordonnées. Même si on admet que cette formule a le mérite d’avoir une direction politique et une coordination militaire, elle ne nous convainc pas en ce sens qu’en cas de divergence entre les mouvements membres une fois le régime renversé, le risque est grand même si on ne le souhaite pas, que le pays revive les atrocités de la guerre des tendances de 1979. C’est une sorte de bombe à retardement que nous saurions accepter. C’est pourquoi en créant l’UFCD nous avions privilégié une union politique et militaire. Elle a l’avantage de brasser tous les militaires sous un même commandement unique et de réunir les cadres sous une même direction politique. Même s’il y a d’autres divergences négligeables entre eux et nous, nous espérons l’aboutissement heureux des concertations en cours avec nos frères des autres mouvements.
L. A – Selon quelques confidences, Timan Erdimi serait allé vous voir vers fin août pour vous proposer une alliance sous conditions. Quel accueil avez-vous réservé au Président du RFC ?
HDD : Vous devez être mal renseigné sur la période, mais il ne s’agit pas aussi du président Timan lui-même. Nous avions eu une concertation très enrichissante avec une délégation du RFC et de l’UFDD-F en juillet 2008. Vous savez que le président Timan Erdimi est toujours le bienvenu dans nos différentes bases, et comme par le futur, nous sommes toujours disposés d’examiner n’importe quelles propositions venant de lui ou de n’importe quel leader de la résistance. Un des problèmes que nous posent certains chefs des mouvements avant toute discussion et qui est inadmissible, c’est que quand ils ne sont pas sûrs d’être désignés comme président, ils font tout pour éviter ou boycotter les initiatives d’unification. Mais puisque nous sommes tous pour la relance du processus démocratique une fois le régime tombé, nous pensons très sincèrement qu’il est nécessaire que l’on s’exerce dès maintenant à élire nos dirigeants. C’est un point qui nous tient à cœur à l’UFCD.
L. A – Pensez-vous sérieusement que l’UFCD à elle seule est capable de renverser le régime d’Idriss Déby soutenu par la France, la Libye, l’Union européenne et les Etats africains réunis ?
HDD : Très honnêtement, même si nous avons les moyens de renverser le régime d’Idriss Deby, devrions-nous le faire tout seul alors que nombreux sont nos frères qui sont prêts à faire le sacrifice suprême à nos cotés? Il ne faut surtout pas ignorer le fait que le combat actuel contre le régime d’Idriss est mené par tous : les partis politiques, la société civile, la diaspora, etc. Vous n’allez pas nous dire que tous ces pays que vous citez sont contre le peuple tchadien ? Que tous ces pays ignorent les violations massives des droits de l’homme commanditées par ce régime ? Que ces pays ignorent la confiscation du jeu démocratique par ce régime ? Au risque de se faire rattraper demain par la justice internationale pour complicité dans la déliquescence du Tchad, le pillage de ses ressources, et l’assassinat de ses valeureux fils comme hier le professeur Ibni Oumar, ils ont intérêt à peser de leurs poids pour amener les Tchadiens à résoudre leurs problèmes de façon sincères et pacifiques. S’ils en sont incapables, nous avons pris comme beaucoup de nos compatriotes nos responsabilités devant l’histoire de faire partir ce régime par tous les moyens.
L. A – Avez-vous des contacts avec les pays que je viens de citer ?
HDD : Ils sont mieux placés pour vous le dire. En ce qui nous concerne nous sommes conscients qu’ils comprennent la justesse de notre lutte même s’ils ne l’encouragent pas par principe. Vous saurez la suite dans les semaines avenirs.
L. A – Est-il possible de renverser le régime d’Idriss Déby en comptant sur vos seules forces (physiques et militaires) ?
HDD : Nous renverserons ce régime en conjuguant nos efforts avec l’ensemble des compatriotes qui le combattent selon leurs moyens. Nous renverserons ce régime en utilisant surtout ses propres moyens. Notre commissariat à la justice et aux droit de l’Homme travaille d’arrache pieds avec les organisations de défenses des droits de l’homme pour instruire un certain nombre de dossiers et le moment venu, la convergence de toute les initiatives politiques et militaires, de tous les Tchadiens, à l’intérieure et à l’extérieure du pays fera partir ce régime honni de tous.
L. A – Question plus personnelle : vous étiez à l’origine dans le FUC de Mahamat Nour Abdelkérim avec qui vous vous êtes rendu à N’Djamena suite à l’accord de décembre 2006 signé à Tripoli. On vous aurait même décrété Général de brigade. Vous voilà maintenant dans l’UFCD. Quelles étaient les raisons de la défection du FUC et du ralliement à l’UFCD ?
HDD : Pour votre information, nous n’avons pas rallié L’UFCD, mais nous sommes membres fondateurs de l’UFCD. Lorsque nous sommes sortis de Guéréda et Goz Beida pour cause de non respect de l’accord du 24 décembre 2006 de Tripoli, nous avions rejoint d’abord L’UFDD du Général Nourri. Ce n’était qu’au retour des combats de Ndjamena de février 2008 que nous avions entamé avec sept autres mouvements des discussions qui nous ont conduits à la création de l’UFCD le 12 Mars 2008. Tirant les leçons du passé, aujourd’hui nous constituons une seule organisation qui est dirigée par le colonel Adouma Hassaballah.
L. A – Mahamat Nour Abdelkérim aurait reçu 4 milliards de FCFA de Kadhafi avant de baisser les armes. Cet argent sert-il aujourd’hui à financer l’UFCD ?
HDD : Je voudrais tout d’abord vous dire qu’en signant l’accord de Tripoli nous n’avons pas baissé les armes, mais nous nous sommes entendu avec le régime d’Idriss grâce à la médiation du Guide de la Jamahiriya Libyenne d’accomplir un certain nombre de reforme dans la gestion de la chose publique, notamment les aspects de défense et de sécurité qui sont déterminant pour le redressement du pays. Ceux qui nous ont côtoyés à notre arrivé aux pays savent que nous n’avons ni braqué les Tchadiens, ni volé leurs biens, mais nous avons usé de notre position pour rendre un tout petit peu de quiétude au peuple qui se faisait maltraiter par Idriss, son clan et ses courtisans. Nous nous sommes aussi efforcés de ramener un minimum d’ordre et de justice dans la gestion de nos forces de défense et de sécurité. C’est vrai que pour faciliter la mise en œuvre de notre accord le Guide Libyen Mouammar Kadhafi s’est investi personnellement en mettant à la disposition des parties des moyens pour atteindre les objectifs fixés ; il voulait surtout que notre accord serve de modèle aux autres frères qui étaient encore en rébellion. Mais c’était sans compter avec la mauvaise foi du régime qui était allergique aux reformes dans l’armée et qui voyait partout se dessiner gratuitement des complots contre lui. Idriss Deby et ses courtisans ont tout fait pour capoter l’accord. Lorsqu’ils avaient décidé de nous désarmer, nous nous sommes battus avant de nous retirer dans les bases de l’UFDD, car nulle part dans l’accord qui nous liait on n’a parlé de désarmement de nos hommes.
En ce qui nous concerne à l’UFCD, nos équipements et nos vivres proviennent essentiellement de nos comités de soutien implanté un peu partout dans le monde mais aussi de l’ennemie. Ce que nous avons pris aux soldats d’Idriss à Am Djirema par exemple, nous conduira à plus de six mois de consommation en carburant et vivre.
L. A – Le mot de la fin ?
HDD : Nous pensons qu’il faut que les uns et les autres dépassent les considérations tribales et ethniques pour nous permettre d’opérer le changement que les Tchadiens appellent de tous leurs vœux. Si tout le monde est conscient de l’Etat actuel du pays il est temps qu’on fasse les concessions nécessaires pour nous unir. L’appel est lancé tout d’abord au président Idriss Deby et son gouvernement d’accepter très rapidement un forum national qui doit décider de l’avenir du pays et où une porte de sortie très honorable lui sera proposée. Nous invitons également le gouvernement français, le Guide Libyen, L’Union Africaine, l’Union Européenne est les Nations Unies d’user de leurs moyens pour faciliter ce dialogue inclusif entre les fils du Tchad. Le cas échéant, le changement se fera naturellement dans la douleur et ils prendront la responsabilité des prochaines offensives sur N’djamena.
Merci Houlé Djonkamla pour cet entretien
C’est moi qui vous remercie.
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Entretien réalisé par Lyadish Ahmed
Le 1er octobre 2008