Par BELEMGOTO Macaoura
Août 1978 : la politique de la réconciliation nationale menée par le Président Félix Malloum a commencé à porter ses fruits avec le retour au bercail d'Hissein Habré. En effet, politiquement parlant, Habré était une grosse pointure parmi les leaders des mouvements politico-militaires de l'époque. La même main a été tendue à Goukouny Weddeye qui l'a catégoriquement rejetée, fort de son soutien militaire libyen qui lui a permis d'occuper la quasi totalité du BET. Le leader du Frolinat se sentait en mesure de marcher sur la Capitale. Il n'a donc pas hésité à cracher sur toutes les propositions de Malloum visant à ramener la paix au Tchad.
Août 1978 donc, Hissein Habré rentre avec ses enfants-soldats (ils avaient entre 12 et 15 ans) à N'Djaména. Le poste de Premier Ministre a été créé, pour la première fois dans l'histoire du Tchad, pour Monsieur Habré. L'homme s'était révélé être un nationaliste dans ses premiers discours, dénonçant l'agression libyenne et les tares accumulées dans l'administration tchadienne. Ses premiers discours étaient appréciés du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest. Mais très vite, en quelques semaines, Habré a commencé à découvrir son vrai visage de régionaliste et de tribaliste. Il va entreprendre une série d'actions qui défient Malloum, et qui vont conduire inéluctablement le Tchad vers le chaos généralisé, pour aboutir à la situation que nous endurons aujourd'hui sous Déby. La première violation des accords signés avec le gouvernement de Malloum, a consisté au refus catégorique de Habré, d'intégrer ses FAN dans les rangs de l'armée nationale comme clairement convenu. Dès son arrivée, Habré préparait clairement et activement les combats de rue à N'Djaména, profitant de la grande faiblesse militaire de Malloum. En effet, l'armée nationale a été complètement décimée par les forces de Goukouny Weddeye qui a fait plus de 2000 prisonniers au sein de l'armée régulière à Faya-Largeau. Malloum n'avait plus le courage de combattre. Hissein Habré saisit donc l'occasion pour mener ses actions subversives et belliqueuses dans la Capitale tchadienne. Deuxième acte suspect de Habré : pendants ses premières semaines à N'Djaména, le Premier Ministre avait comme gardes-corps des Sudistes. Un beau matin, il les a tous renvoyés, pour les remplacer par ses combattants, les FAN.
Troisième acte d'une extrême gravité : le Premier Ministre Habré avait prononcé un discours en français et qui devait être traduit dans les diverses langues nationales : arabe tchadien, Sara, etc. Or, ce jour-là, le speaker arabe était en retard. Pour ne pas perturber le programme et gagner du temps, les organisateurs de la radio avaient décidé de faire passer le sara en attendant l'arrivée de son collègue arabe. Mais lorsque le sara passait sur les ondes de la radio nationale, Hissein Habré, qui habitait, pas loin de là, a débarqué en personne à la radio pour arracher le micro au speaker sara. Pour le Premier Ministre Habré, l'arabe devait passer en toute priorité devant le sara. Les auditeurs de la radio nationale de l'époque se souviendront encore du bruit du micro que le Premier Ministre arrachait au speaker. Ce geste a été diversement apprécié selon qu'on est du Nord ou du Sud. Pour les Sudistes, Habré venait de franchir le Rubicond ce jour-là. L'unité de la nation était remise en cause. Pour beaucoup de Nordistes, Habré venait de commettre un acte de bravoure et de courage. Dans la communauté musulmane du Nord, Habré est désormais "l'oeil des musulmans". Dans un de ses discours, Habré déclare que désormais, pour occuper un poste de responsabilité au Tchad, on ne fera plus appel à la compétence : désormais, les postes seront attribués en fonction de l'origine géographique (Nord ou Sud) des postulants. La fracture entre Nordistes et Sudistes venait d'être entamée. Au sein de l'armée, la division se fait voir. On soutient Malloum ou pour Habré selon qu'on est du Nord ou du Sud. C'est ainsi qu'un vulgaire soldat de l'armée régulière, nommé... Idriss Déby, avait fait défection très tôt pour rejoindre Habré.
Autre geste audacieux de Habré : les contemporains de l'époque se souviennent encore d'une photo publiée par le journal Jeune-Afrique, où l'on aperçoit le Premier Ministre Habré en train de saluer au pied de l'avion, la main gauche dans la poche, le Président Malloum de retour d'un voyage à l'étranger
. Un autre événement était largement commenté : pendant que l'entente entre Malloum et Habré était plus ou moins bonne, Habré avait un jour, sorti son briquet pour allumer la cigarette de Malloum. Ce geste a été filmé. Quand le climat a commencé à se détériorer entre les deux hommes, Habré a supplié le cameraman qui avait filmé l'événement, de lui remettre le film pour destruction. Il se voyait mal, lui Habré, en train de servir du feu à un esclave Sudiste. L'idée selon laquelle les Sudistes sont les esclaves des Nordistes a été largement développée par Habré quand il était Premier Ministre. Pour lui, il est indamissible que des descendants d'esclaves dirigent un Etat.
Ainsi, progressivement, Malloum et Habré ne se parlaient plus. Il n'y avait plus de Conseil de Ministre. L'anarchie au sommet de l'État faisait la loi. Le comble était atteint lorsque le Premier Ministre a refusé de conduire son gouvernement pour présenter les voeux au Chef de l'État. C'était en janvier 1979. Tout était fin prêt pour les combats du côté de Habré. C'est Malloum qui n'a rien vu venir. Lorsque les combats ont éclaté en février 79, Malloum n'avait aucune force pour opposer à Habré. La gendarmerie dirigée par Kamougué, victime elle aussi des divisions Nord-Sud, n'était pas en mesure de faire face à la détermination des combattants de Habrés, jeunes enfants, fortement drogués à l'héroïne ou à la cocaïne.
Beaucoup de Tchadiens s'interrogent encore sur le comportement de Malloum de l'époque, face à une série de gestes aussi audacieux de la part de Habré. Malloum se disait que s'il destituait Habré, c'est tout le processus de réconciliation nationale qui serait remis en cause. Mais Malloum oubliait qu'il avait en face de lui un animal sauvage féroce ou au moins un âne en la personne de son Premier Ministre Habré. Les combats du 12 février 1979 étaient inéluctables, vu l'ardeur avec laquelle le Premier Ministre les préparait dans les quartiers nord de N'Djaména.
Et aujourd'hui ? Nous continuons de subir, trente ans après les conséquences dramatiques de la poltique diabolique, la poltique de division initiée par Habré. Malheureusement, Habré est victime de sa propre politique. Après la fracture nord-sud, c'est désormais la fracture Goranes-Zaghawa qui a conduit à la Victoire de Déby sur Habré. C'est un véritable cauchemar que le CCFAN est en train de vivre, avec Habré en exil, Déby au pouvoir à vie, et Nouri de retour dans la rébellion. Il faut dire que Nouri est très jaloux de Déby tout simplement parce que ce dernier est considéré par le premier comme un arriviste dans le CCFAN. Nouri, lui, est du CCFAN originel. Il était le bras droit de Habré à leur entrée à N'Djaména en août 1978. Il trouve donc inadmissible que Déby, qui a rejoint le mouvement à la dernière heure, puisse jouir ainsi sans fin du fruit de leur lutte. C'est lui, Nouri, qui a renversé le pouvoir sudiste en février 1979, qui se voit successeur de Habré et personne d'autre.
A la lecture des événements, nous sommes encore très loin du bout du tunnel que ce possédé du diable, Hissein Habré nous a fait emprunter depuis 1978.
BELEMGOTO Macaoura
macaoura@aol.com
Août 1978 donc, Hissein Habré rentre avec ses enfants-soldats (ils avaient entre 12 et 15 ans) à N'Djaména. Le poste de Premier Ministre a été créé, pour la première fois dans l'histoire du Tchad, pour Monsieur Habré. L'homme s'était révélé être un nationaliste dans ses premiers discours, dénonçant l'agression libyenne et les tares accumulées dans l'administration tchadienne. Ses premiers discours étaient appréciés du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest. Mais très vite, en quelques semaines, Habré a commencé à découvrir son vrai visage de régionaliste et de tribaliste. Il va entreprendre une série d'actions qui défient Malloum, et qui vont conduire inéluctablement le Tchad vers le chaos généralisé, pour aboutir à la situation que nous endurons aujourd'hui sous Déby. La première violation des accords signés avec le gouvernement de Malloum, a consisté au refus catégorique de Habré, d'intégrer ses FAN dans les rangs de l'armée nationale comme clairement convenu. Dès son arrivée, Habré préparait clairement et activement les combats de rue à N'Djaména, profitant de la grande faiblesse militaire de Malloum. En effet, l'armée nationale a été complètement décimée par les forces de Goukouny Weddeye qui a fait plus de 2000 prisonniers au sein de l'armée régulière à Faya-Largeau. Malloum n'avait plus le courage de combattre. Hissein Habré saisit donc l'occasion pour mener ses actions subversives et belliqueuses dans la Capitale tchadienne. Deuxième acte suspect de Habré : pendants ses premières semaines à N'Djaména, le Premier Ministre avait comme gardes-corps des Sudistes. Un beau matin, il les a tous renvoyés, pour les remplacer par ses combattants, les FAN.
Troisième acte d'une extrême gravité : le Premier Ministre Habré avait prononcé un discours en français et qui devait être traduit dans les diverses langues nationales : arabe tchadien, Sara, etc. Or, ce jour-là, le speaker arabe était en retard. Pour ne pas perturber le programme et gagner du temps, les organisateurs de la radio avaient décidé de faire passer le sara en attendant l'arrivée de son collègue arabe. Mais lorsque le sara passait sur les ondes de la radio nationale, Hissein Habré, qui habitait, pas loin de là, a débarqué en personne à la radio pour arracher le micro au speaker sara. Pour le Premier Ministre Habré, l'arabe devait passer en toute priorité devant le sara. Les auditeurs de la radio nationale de l'époque se souviendront encore du bruit du micro que le Premier Ministre arrachait au speaker. Ce geste a été diversement apprécié selon qu'on est du Nord ou du Sud. Pour les Sudistes, Habré venait de franchir le Rubicond ce jour-là. L'unité de la nation était remise en cause. Pour beaucoup de Nordistes, Habré venait de commettre un acte de bravoure et de courage. Dans la communauté musulmane du Nord, Habré est désormais "l'oeil des musulmans". Dans un de ses discours, Habré déclare que désormais, pour occuper un poste de responsabilité au Tchad, on ne fera plus appel à la compétence : désormais, les postes seront attribués en fonction de l'origine géographique (Nord ou Sud) des postulants. La fracture entre Nordistes et Sudistes venait d'être entamée. Au sein de l'armée, la division se fait voir. On soutient Malloum ou pour Habré selon qu'on est du Nord ou du Sud. C'est ainsi qu'un vulgaire soldat de l'armée régulière, nommé... Idriss Déby, avait fait défection très tôt pour rejoindre Habré.
Autre geste audacieux de Habré : les contemporains de l'époque se souviennent encore d'une photo publiée par le journal Jeune-Afrique, où l'on aperçoit le Premier Ministre Habré en train de saluer au pied de l'avion, la main gauche dans la poche, le Président Malloum de retour d'un voyage à l'étranger
. Un autre événement était largement commenté : pendant que l'entente entre Malloum et Habré était plus ou moins bonne, Habré avait un jour, sorti son briquet pour allumer la cigarette de Malloum. Ce geste a été filmé. Quand le climat a commencé à se détériorer entre les deux hommes, Habré a supplié le cameraman qui avait filmé l'événement, de lui remettre le film pour destruction. Il se voyait mal, lui Habré, en train de servir du feu à un esclave Sudiste. L'idée selon laquelle les Sudistes sont les esclaves des Nordistes a été largement développée par Habré quand il était Premier Ministre. Pour lui, il est indamissible que des descendants d'esclaves dirigent un Etat.
Ainsi, progressivement, Malloum et Habré ne se parlaient plus. Il n'y avait plus de Conseil de Ministre. L'anarchie au sommet de l'État faisait la loi. Le comble était atteint lorsque le Premier Ministre a refusé de conduire son gouvernement pour présenter les voeux au Chef de l'État. C'était en janvier 1979. Tout était fin prêt pour les combats du côté de Habré. C'est Malloum qui n'a rien vu venir. Lorsque les combats ont éclaté en février 79, Malloum n'avait aucune force pour opposer à Habré. La gendarmerie dirigée par Kamougué, victime elle aussi des divisions Nord-Sud, n'était pas en mesure de faire face à la détermination des combattants de Habrés, jeunes enfants, fortement drogués à l'héroïne ou à la cocaïne.
Beaucoup de Tchadiens s'interrogent encore sur le comportement de Malloum de l'époque, face à une série de gestes aussi audacieux de la part de Habré. Malloum se disait que s'il destituait Habré, c'est tout le processus de réconciliation nationale qui serait remis en cause. Mais Malloum oubliait qu'il avait en face de lui un animal sauvage féroce ou au moins un âne en la personne de son Premier Ministre Habré. Les combats du 12 février 1979 étaient inéluctables, vu l'ardeur avec laquelle le Premier Ministre les préparait dans les quartiers nord de N'Djaména.
Et aujourd'hui ? Nous continuons de subir, trente ans après les conséquences dramatiques de la poltique diabolique, la poltique de division initiée par Habré. Malheureusement, Habré est victime de sa propre politique. Après la fracture nord-sud, c'est désormais la fracture Goranes-Zaghawa qui a conduit à la Victoire de Déby sur Habré. C'est un véritable cauchemar que le CCFAN est en train de vivre, avec Habré en exil, Déby au pouvoir à vie, et Nouri de retour dans la rébellion. Il faut dire que Nouri est très jaloux de Déby tout simplement parce que ce dernier est considéré par le premier comme un arriviste dans le CCFAN. Nouri, lui, est du CCFAN originel. Il était le bras droit de Habré à leur entrée à N'Djaména en août 1978. Il trouve donc inadmissible que Déby, qui a rejoint le mouvement à la dernière heure, puisse jouir ainsi sans fin du fruit de leur lutte. C'est lui, Nouri, qui a renversé le pouvoir sudiste en février 1979, qui se voit successeur de Habré et personne d'autre.
A la lecture des événements, nous sommes encore très loin du bout du tunnel que ce possédé du diable, Hissein Habré nous a fait emprunter depuis 1978.
BELEMGOTO Macaoura
macaoura@aol.com