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ANALYSE

Tchad : concubinage, une pratique en plein essor qui divise la société


Alwihda Info | Par Barra Lutter - 31 Juillet 2024


La dot, qui se définit comme un contrat de mariage, tend à perdre sa valeur sacrée.


Tchad : concubinage, une pratique en plein essor qui divise la société
De nos jours, il est très courant de voir des jeunes en couple, emménager ensemble sans être pour autant mariés. Cette pratique, qui prend de l'ampleur, est toutefois très critiquée par de nombreux religieux, et les conservateurs de la tradition. Mais qu'est-ce qui peut bien justifier ce mode d'union sans aisance, ni reconnaissance légale ? La dot, qui se définit comme un contrat de mariage, tend à perdre sa valeur sacrée.

En effet, la majorité des jeunes, faute de moyens financiers, ne remplissent pas cette formalité avant de commencer à vivre ensemble, sous le même toit. Souvent, en cas de grossesse, les parents renvoient la fille chez le garçon.

Comme en témoigne Honoré : « Nous étions en période de fiançailles et malheureusement, elle est tombée enceinte. Ses parents lui ont alors demandé de me rejoindre. Aujourd'hui, nous avons trois enfants et je trouve que c'est mieux ainsi, car si je devais passer par la voie légale, cela demanderait trop d'argent. Cependant, je cherche les moyens pour régulariser la situation, dès que possible.

Toutefois, cette union est très fortement interdite dans notre religion », a-t-il martelé. Contrairement à Viviane Némercie, qui a rejoint son prétendant sans tomber enceinte de lui : « Nous sommes ensemble depuis l'université, mes parents connaissent bien notre histoire. Malheureusement, par manque d'emploi, il ne peut pas payer ma dot. En 2021, j'ai été obligée d'emménager chez lui. Mes parents n'étaient pas d'accord, mais après tout, c'est une question d'amour », a-t-elle souligné.

Face à l'ampleur de cette forme d'union, Roland Ndjigamdôh, historien de formation, pointe du doigt la responsabilité des parents : « Autrefois, à l'âge de 18 ans pour un garçon, et 16 ans pour une fille, les parents commençaient à s'organiser sur la question du mariage, surtout l'aspect financier et le choix du futur conjoint. Mais aujourd'hui, face aux difficultés financières, les parents laissent les jeunes devant un fait accompli », explique-t-il.

Assiam, une mère de 55 ans, habitant le quartier Atrone, dans le 7ème arrondissement, contredit cette vision : « Le concubinage s'est imposé comme un raccourci au mariage. Les jeunes font leur choix et se mettent ensemble, sans entreprendre de démarches auprès des parents, ni passer devant l’officier d’état civil. Souvent, leur choix ne fait pas l'unanimité des deux parents, mais cette génération, qui pense tout savoir, finit par imposer son choix. Parfois, cette union dure, mais en cas de séparation, cela pose problème, surtout s'il y a un enfant », avoue-t-elle.

En fait, ce mode de vie n'est soumis à aucun devoir tel que le respect, la fidélité, l’assistance ou le secours familial, et présente des conséquences fâcheuses. En cas de rupture, le couple ne passe pas devant un juge. Si des enfants sont impliqués, l'homme prend en charge ces enfants à distance.

Malheureusement, les femmes paient un lourd tribut, en se retrouvant seules à assumer la responsabilité des enfants, souvent avec le soutien financier de leur ex-concubin. Trouver un autre prétendant peut également prendre beaucoup de temps.

Comme en témoigne Zeneba, victime d'une rupture de concubinage : « Nous avons vécu plus de cinq ans ensemble et avons deux enfants. Mais les choses se sont compliquées, et chacun a pris son chemin. Il ne prend pas en charge les enfants correctement comme il le devrait », se lamente-t-elle.

Face à ce phénomène, il est crucial que les autorités et les parents cherchent à accompagner et encourager les jeunes souhaitant s’unir par le mariage, en leur allégeant la tâche et en fixant des prix de dot raisonnables. Sinon, il sera difficile de trouver une solution à cette union, sans fondement solide, ni bénédiction des parents.



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