REPORTAGE

Tchad : dans les marchés à bétail, les "fausses taxes" jouent sur les prix


Alwihda Info | Par Djibrine Haïdar Kadabio - 3 Décembre 2019



Le marché à bétail de Diguel -Souk khanam- à N'Djamena, le 2 décembre 2019. © Alwihda Info/D.H.K.
Les moutons se promènent ensemble mais n'ont pas le même prix. Ce lundi matin, au marché à Bétail de Diguel -Souk Khanam- des acheteurs observent attentivement les troupeaux et recherchent les meilleurs prix. Le coût varie de 30.000 FCFA à 100.000 FCFA, de quoi agacer les acheteurs qui n'hésitent pas à aller de marché en marché.

Du côté des commerçants, cette fluctuation des prix s'explique par des raisons indépendantes de leur volonté. "Une grande majorité des bêtes que vous achetez ici viennent de très loin. Nous sommes maltraités de tous les côtés. Ce n'est pas de notre gré si certains animaux coutent aussi cher, le gouvernement nous taxe beaucoup", explique Aboubakar Mahamat Chaïbo, un vendeur.

"Regardez les gens de la Police municipale, ils viennent le matin prendre 250 FCFA par mouton, de même que le soir. Ils le font quotidiennement avec tous les vendeurs. Nous n'avons personne pour nous plaindre et le marché est divisé en ethnies. C'est grave. Nous ne sommes pas entrain d'augmenter les prix pour faire souffrir la population. Nous venons de presque 1000 km, c'est pour nourrir aussi nos enfants", déplore-t-il.

Ainsi, par exemple, un vendeur qui a un troupeau de 50 bêtes peut être amené à payer 25.000 FCFA de "taxes" en une journée sur un potentiel gain d'au moins 2.500.000 Francs CFA. Cela peut paraitre minime mais répercuté quotidiennement, ce montant devient infernal sachant que les vendeurs assument également d'autres dépenses lors du trajet menant jusqu'à N'Djamena, que ce soit pour nourrir les animaux ou payer d'autres taxes qui se cumulent au fil du trajet.

Auprès d'autres vendeurs, les doléances sont identiques mais quelques solutions fusent. "Nous en tant que vendeurs, pour nourrir la population en viande, nous voulons juste que les taxes soient réduites", explique l'un d'entre eux, appuyé par un autre de ses collègues qui égraine d'autres revendications : "nous sommes exposés au soleil. Nous souhaitons que l'argent qui a été collecté par la Police municipale serve à construire des hangars pour nous mettre à l'ombre, afin de préserver notre santé. Nous demandons aussi à la Police municipale de nous traiter avec du respect."

Le marché à bétail de Diguel -Souk khanam- à N'Djamena, le 2 décembre 2019. © Alwihda Info/D.H.K.
La collecte des taxes se fait dans des conditions peu claires. L'argent collecté est-il réellement reversé dans les caisses de la mairie ? Sert-il à améliorer les conditions d'hygiène et de salubrité du marché ? Interrogé, un agent de Police municipale explique avec balbutiement que "c'est légal", brandissant un ticket à l'appui pour justifier la double taxation quotidienne. En réalité, nombre d'entre eux profitent de l'ignorance des vendeurs et du rapport de force.

Si l'un des vendeurs refuse de payer la taxe ou n'a pas d'argent, il a peu de chances de rester sur les lieux. "Nous n'avons pas là où aller, en plus nous sommes dans la capitale", expliquent ces vendeurs qui flairent l'arnaque mais s'y plient par contrainte. C'est le prix à payer pour qu'ils puissent réaliser leurs activités commerciales dans la quiétude.

Au niveau de la mairie centrale, un responsable assure que cette pratique est interdite. "Nous y tenons compte de ces remarques et effectuerons des descentes", promet-il.

Ce mardi, le maire de la ville de N'Djamena, Salah Abdelaziz Damane, a informé ses concitoyens élevant les chèvres et les moutons que leur élevage en ville est strictement interdit. Il invite à "les faire sortir en dehors de la ville". 

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