L'histoire de Service Ngardjelaï est épouvantable. La nuit suivant les manifestations du 20 octobre 2022, au cours desquelles des milliers de personnes ont protesté contre le gouvernement militaire de transition, le journaliste a été réveillé par des bruits inquiétants. Des militaires ont forcé le portail de sa résidence à N'Djamena, la capitale, et l'ont violemment arrêté malgré ses affirmations qu'il était journaliste pour la chaîne Toumai TV, qui est proche du pouvoir en place. Avec 15 autres personnes, il a été ligoté et violemment battu à coups de bâtons et de fouets.
S'en est suivi un périple de 72 heures d'une violence inouïe. Les prisonniers, jetés comme des sacs à l'intérieur d'un véhicule militaire, ont été conduits à l'école communale d'Abena, un village situé à dix kilomètres au nord-est de la capitale. Service Ngardjelaï a été placé dans une salle de classe transformée en cellule, où il a entendu les militaires exécuter plusieurs personnes dans la cour, tout en continuant à le frapper. Le lendemain soir, les prisonniers ont été emmenés par les militaires dans un endroit isolé au bord du lac Tchad. Les militaires s'apprêtaient à exécuter les prisonniers, mais ils ont finalement renoncé en raison de l'arrivée de civils dans la région.
Les forces armées ont ensuite conduit les prisonniers au commissariat central de N'Djamena, où on leur a promis leur libération, avant de les emmener vers le nord. Au cours du voyage, plusieurs personnes sont mortes de faim, et les militaires ont forcé les prisonniers à prendre les corps des défunts et à les jeter dans le sable. Le dimanche 23 octobre, ils sont arrivés à la prison de Koro Toro, située au nord du pays. Cette prison, isolée en plein désert et dépourvue de moyens de communication, est connue pour les violences gratuites qui s'y déroulent quotidiennement et qui sont régulièrement dénoncées par les organisations internationales. Service Ngardjelaï y a été détenu pendant sept mois.
Pendant cette période, Service Ngardjelaï a été soumis à des conditions inhumaines. Il dormait à même le sol, dans des cellules surpeuplées où vingt à trente personnes étaient entassées. Il a également été contraint de travailler de force et, en cas de refus, il était enchaîné avec des fers de 12 à 16 kilos qui lui causaient des blessures et pouvaient s'infecter. Il a été maltraité physiquement, régulièrement battu par les militaires, et sa nourriture était empoisonnée avec des objets tels que du sable, des lames de rasoir et des tiges de piles électriques. Bien que certains de ses geôliers aient été un peu plus cléments en raison de son statut de journaliste, d'autres ont redoublé de violence à son encontre.
La détention de Service Ngardjelaï aurait dû être évitée. Quelques jours après son arrestation, début novembre, il a été interrogé par une commission judiciaire, un officier de police et un juge. Il était accusé d'attroupement non autorisé, de destruction de biens, d'incendies volontaires et de troubles à l'ordre public. Le 2 décembre, le procès de 401 prisonniers de Koro Toro s'est terminé, mais il n'a pas été jugé. Quelques jours plus tard, sans qu'il en soit informé, une ordonnance de non-lieu a été prononcée en sa faveur, car les autorités n'avaient trouvé aucune preuve convaincante contre lui. Il aurait dû être libéré immédiatement.
Cependant, Service Ngardjelaï n'a été informé de cette décision que le 7 mai 2023. Ce jour-là, lorsqu'une commission est venue en prison pour juger les prévenus, le journaliste a rencontré deux amis avocats qui ont remis en question sa détention, car son nom ne figurait pas sur la liste des prévenus. Il les a informés de son audition six mois auparavant, et les avocats ont alors retrouvé l'ordonnance datant de décembre. Finalement, le 12 mai 2023, après sept mois de calvaire, le journaliste a été libéré. Pendant cinq mois, les autorités tchadiennes auraient "omis" de lui signifier cette décision de remise en liberté. Les traitements subis par Service Ngardjelaï, depuis son arrestation jusqu'à sa détention à la prison de Koro Toro, sont totalement inacceptables. Il aurait jamais dû être arrêté, et sa détention était illégale. Sans l'intervention des avocats qui le connaissaient, on ne sait pas ce qui lui serait arrivé. Les violences et les persécutions à l'encontre des journalistes restent impunies au Tchad. RSF appelle les autorités à enquêter sur les allégations de torture et les conditions de détention arbitraire et abusive subies par Service Ngardjelaï.
Après sa libération, Service Ngardjelaï porte encore les séquelles de son emprisonnement. Il souffre de douleurs intenses au niveau de la colonne vertébrale, et ses mouvements des bras et des doigts sont limités. Il a également des traumatismes psychologiques. Il estime être surveillé depuis sa libération, notamment par des individus à bord de voitures aux vitres teintées.
L'exercice du journalisme reste extrêmement dangereux au Tchad, un pays situé au Sahel où certaines régions sont marquées par l'insécurité et la présence de groupes armés. Depuis 2019, trois journalistes ont perdu la vie, dont Narcisse Orédjé, tué par balle par des individus en uniforme militaire lors des manifestations du 20 octobre 2022. Ses meurtriers n'ont jamais été appréhendés. Au cours des dix dernières années, 62 journalistes ont été arrêtés et 19 ont été agressés.
Le Tchad occupe la 109e place dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.
S'en est suivi un périple de 72 heures d'une violence inouïe. Les prisonniers, jetés comme des sacs à l'intérieur d'un véhicule militaire, ont été conduits à l'école communale d'Abena, un village situé à dix kilomètres au nord-est de la capitale. Service Ngardjelaï a été placé dans une salle de classe transformée en cellule, où il a entendu les militaires exécuter plusieurs personnes dans la cour, tout en continuant à le frapper. Le lendemain soir, les prisonniers ont été emmenés par les militaires dans un endroit isolé au bord du lac Tchad. Les militaires s'apprêtaient à exécuter les prisonniers, mais ils ont finalement renoncé en raison de l'arrivée de civils dans la région.
Les forces armées ont ensuite conduit les prisonniers au commissariat central de N'Djamena, où on leur a promis leur libération, avant de les emmener vers le nord. Au cours du voyage, plusieurs personnes sont mortes de faim, et les militaires ont forcé les prisonniers à prendre les corps des défunts et à les jeter dans le sable. Le dimanche 23 octobre, ils sont arrivés à la prison de Koro Toro, située au nord du pays. Cette prison, isolée en plein désert et dépourvue de moyens de communication, est connue pour les violences gratuites qui s'y déroulent quotidiennement et qui sont régulièrement dénoncées par les organisations internationales. Service Ngardjelaï y a été détenu pendant sept mois.
Pendant cette période, Service Ngardjelaï a été soumis à des conditions inhumaines. Il dormait à même le sol, dans des cellules surpeuplées où vingt à trente personnes étaient entassées. Il a également été contraint de travailler de force et, en cas de refus, il était enchaîné avec des fers de 12 à 16 kilos qui lui causaient des blessures et pouvaient s'infecter. Il a été maltraité physiquement, régulièrement battu par les militaires, et sa nourriture était empoisonnée avec des objets tels que du sable, des lames de rasoir et des tiges de piles électriques. Bien que certains de ses geôliers aient été un peu plus cléments en raison de son statut de journaliste, d'autres ont redoublé de violence à son encontre.
La détention de Service Ngardjelaï aurait dû être évitée. Quelques jours après son arrestation, début novembre, il a été interrogé par une commission judiciaire, un officier de police et un juge. Il était accusé d'attroupement non autorisé, de destruction de biens, d'incendies volontaires et de troubles à l'ordre public. Le 2 décembre, le procès de 401 prisonniers de Koro Toro s'est terminé, mais il n'a pas été jugé. Quelques jours plus tard, sans qu'il en soit informé, une ordonnance de non-lieu a été prononcée en sa faveur, car les autorités n'avaient trouvé aucune preuve convaincante contre lui. Il aurait dû être libéré immédiatement.
Cependant, Service Ngardjelaï n'a été informé de cette décision que le 7 mai 2023. Ce jour-là, lorsqu'une commission est venue en prison pour juger les prévenus, le journaliste a rencontré deux amis avocats qui ont remis en question sa détention, car son nom ne figurait pas sur la liste des prévenus. Il les a informés de son audition six mois auparavant, et les avocats ont alors retrouvé l'ordonnance datant de décembre. Finalement, le 12 mai 2023, après sept mois de calvaire, le journaliste a été libéré. Pendant cinq mois, les autorités tchadiennes auraient "omis" de lui signifier cette décision de remise en liberté. Les traitements subis par Service Ngardjelaï, depuis son arrestation jusqu'à sa détention à la prison de Koro Toro, sont totalement inacceptables. Il aurait jamais dû être arrêté, et sa détention était illégale. Sans l'intervention des avocats qui le connaissaient, on ne sait pas ce qui lui serait arrivé. Les violences et les persécutions à l'encontre des journalistes restent impunies au Tchad. RSF appelle les autorités à enquêter sur les allégations de torture et les conditions de détention arbitraire et abusive subies par Service Ngardjelaï.
Après sa libération, Service Ngardjelaï porte encore les séquelles de son emprisonnement. Il souffre de douleurs intenses au niveau de la colonne vertébrale, et ses mouvements des bras et des doigts sont limités. Il a également des traumatismes psychologiques. Il estime être surveillé depuis sa libération, notamment par des individus à bord de voitures aux vitres teintées.
L'exercice du journalisme reste extrêmement dangereux au Tchad, un pays situé au Sahel où certaines régions sont marquées par l'insécurité et la présence de groupes armés. Depuis 2019, trois journalistes ont perdu la vie, dont Narcisse Orédjé, tué par balle par des individus en uniforme militaire lors des manifestations du 20 octobre 2022. Ses meurtriers n'ont jamais été appréhendés. Au cours des dix dernières années, 62 journalistes ont été arrêtés et 19 ont été agressés.
Le Tchad occupe la 109e place dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.