Des clichés et des complexes défavorables au recrutement des diplômés africains en France.
Le fait qu’il y ait du chômage et une conjoncture économique en France justifie-t-il les restrictions au recrutement des diplômés africains ? Il y a du chômage dans d’autres pays développés, ce qui n’empêche pas des jeunes français de s’y rendre pour étudier et travailler après. Il y a des milliers d’étudiants français aux Etats Unis, au Canada, au Royaume Uni, en Allemagne, etc. Ils sont plus de 18 000 en Belgique, alors que ce pays ne compte que 2 000 étudiants en France. Qu’est ce qui justifierait que les 80 000 étudiants français à l’étranger aient le droit d’y chercher un travail après leurs études, alors que les 2 000 étudiants maliens en France devraient rentrer chez eux une fois diplômés ? Le chômage est nettement plus ardu au Mali qu’en France ! Le Mali est nettement moins développé que la France !
Le spectre du chômage en France hante moins les français, les européens et les autres étrangers, que les diplômés africains. Ces derniers doivent surmonter, en plus des tensions du marché de l’emploi, des réticences xénophobes, des discriminations fondées par la différence raciale, culturelle, ou même morphologique (l’accent marqué quand ils parlent français, des clichés racistes développés par des écrivains français comme Diderot, véhiculés par des missionnaires catholiques en Afrique, et confortés par une bulle papale qui considérait les Noirs comme des êtres sans âmes). Il s’en est suivi un complexe de supériorité chez certains cadres Blancs, qui ont du mal à avoir comme collègue ou supérieur hiérarchique un Noir, qui est censé, pour eux, occuper des jobs peu qualifiés, s’il n’est pas chanteur ou sportif de haut niveau : Agent de sécurité dans un supermarché, videur de boite de nuit, maître chien, éboueur, femme de ménage, auxiliaire de vie, etc. Face à ces obstacles tabous, les 12 mois accordés au diplômé africain pour trouver un travail ou quitter la France, sont insuffisants.
Une préférence nationale politiquement correcte.
La réticence des entreprises françaises à recruter des diplômés étrangers est due à la procédure désespérante du changement de statut. Cette procédure les incite indirectement à ne pas les recruter. Si, malgré les obstacles administratifs érigés, un employeur veut quand même recruter un diplômé étranger au regard de ses compétences (Et non de sa gentillesse), ils doivent tous les deux affronter l’opposabilité aux étrangers de la situation de l’emploi en France. C’est dissuasif ! L’administration française a inventé cette notion politiquement correcte, moins fâcheuse que celle de la préférence nationale, étiquetée Front National. Hormis une liste de quelques métiers marqués par des difficultés de recrutement, l’étranger ne pourra pas occuper le poste proposé, tant que l’employeur ne prouve pas qu’il ait essayé de recruter, sans succès, un candidat déjà présent sur le marché du travail. Avec l’application de la circulaire Guéant en 2011, plus de 80% des diplômés étrangers devaient rentrer chez eux une fois diplômés, ou devenir « sans papiers ». Ce taux a baissé depuis l’abrogation de cette circulaire, mais reste important.
Pour que la situation de l’emploi ne lui soit pas opposable, le diplômé étranger doit cumulativement surmonter un cassis puis, subitement, un dos-d’âne : L’emploi décroché doit être en relation avec sa formation ; et le salaire promis doit en principe être supérieur à 1,5 fois le SMIC. Si un emploi est payé 1800 bruts par mois, le diplômé français pourra l’occuper. Le diplômé étranger lui, avec les mêmes diplômes et les mêmes compétences que le jeune français, devra exiger de l’employeur qu’il lui paye de plus 420,40 euros pour occuper cet emploi. Même s’il est kiroukou dans un conte de fées, il n’y parviendra pas.
Des accords bilatéraux à renégocier urgemment.
Les gouvernements africains doivent renégocier avec la France leurs accords sur la gestion concertée des flux migratoires, afin d’améliorer la situation de leurs étudiants en France, notamment sur l’APS et la non-opposabilité de la situation de l’emploi. A cette fin, je leur propose les pistes suivantes :
- Généraliser la possibilité de faire un changement de statut avec une licence professionnelle ou un diplôme de niveau Master obtenu au pays d’origine, comme l’ont négocié les autorités du Cameroun, du Burkina Faso, de Maurice et de la Tunisie.
- L’étudiant étranger qui sollicite une APS est considéré comme ayant définitivement mis un terme à ses études en France. Cette présomption, devenu irréfragable dans la pratique, doit être levée par la révision des accords susmentionnés.
- Il faut mettre un terme à l’anarchie législative des accords bilatéraux, en uniformisant la durée de l’APS pour tous les étudiants africains. Il faut négocier le renouvellement de plein droit de l’APS pour une durée de 12 mois. La France a accordé cette possibilité aux diplômés indiens en France. On voit mal comment elle pourrait la refuser aux étudiants des pays d’Afrique avec lesquels elle entretient des relations historiques, fraternelles et économiques privilégiées.
- Pour les dérogations à la non-opposabilité de la situation de l’emploi aux diplômés africains en France, il faudra négocier des métiers qui correspondent à leurs profils.
- Il est impératif d’abroger les dispositions insensées des accords bilatéraux qui renvoient au droit français : Une fois ratifié et réciproquement appliqué, le droit issu de ces accords prime sur le droit commun français. Beaucoup de refus de titre de séjour aux étudiants africains sont appuyés sur cette aberration juridique qu’il urge de corriger.
Aliou TALL, Juriste, président du RADUCC. Email : [email protected]
Le fait qu’il y ait du chômage et une conjoncture économique en France justifie-t-il les restrictions au recrutement des diplômés africains ? Il y a du chômage dans d’autres pays développés, ce qui n’empêche pas des jeunes français de s’y rendre pour étudier et travailler après. Il y a des milliers d’étudiants français aux Etats Unis, au Canada, au Royaume Uni, en Allemagne, etc. Ils sont plus de 18 000 en Belgique, alors que ce pays ne compte que 2 000 étudiants en France. Qu’est ce qui justifierait que les 80 000 étudiants français à l’étranger aient le droit d’y chercher un travail après leurs études, alors que les 2 000 étudiants maliens en France devraient rentrer chez eux une fois diplômés ? Le chômage est nettement plus ardu au Mali qu’en France ! Le Mali est nettement moins développé que la France !
Le spectre du chômage en France hante moins les français, les européens et les autres étrangers, que les diplômés africains. Ces derniers doivent surmonter, en plus des tensions du marché de l’emploi, des réticences xénophobes, des discriminations fondées par la différence raciale, culturelle, ou même morphologique (l’accent marqué quand ils parlent français, des clichés racistes développés par des écrivains français comme Diderot, véhiculés par des missionnaires catholiques en Afrique, et confortés par une bulle papale qui considérait les Noirs comme des êtres sans âmes). Il s’en est suivi un complexe de supériorité chez certains cadres Blancs, qui ont du mal à avoir comme collègue ou supérieur hiérarchique un Noir, qui est censé, pour eux, occuper des jobs peu qualifiés, s’il n’est pas chanteur ou sportif de haut niveau : Agent de sécurité dans un supermarché, videur de boite de nuit, maître chien, éboueur, femme de ménage, auxiliaire de vie, etc. Face à ces obstacles tabous, les 12 mois accordés au diplômé africain pour trouver un travail ou quitter la France, sont insuffisants.
Une préférence nationale politiquement correcte.
La réticence des entreprises françaises à recruter des diplômés étrangers est due à la procédure désespérante du changement de statut. Cette procédure les incite indirectement à ne pas les recruter. Si, malgré les obstacles administratifs érigés, un employeur veut quand même recruter un diplômé étranger au regard de ses compétences (Et non de sa gentillesse), ils doivent tous les deux affronter l’opposabilité aux étrangers de la situation de l’emploi en France. C’est dissuasif ! L’administration française a inventé cette notion politiquement correcte, moins fâcheuse que celle de la préférence nationale, étiquetée Front National. Hormis une liste de quelques métiers marqués par des difficultés de recrutement, l’étranger ne pourra pas occuper le poste proposé, tant que l’employeur ne prouve pas qu’il ait essayé de recruter, sans succès, un candidat déjà présent sur le marché du travail. Avec l’application de la circulaire Guéant en 2011, plus de 80% des diplômés étrangers devaient rentrer chez eux une fois diplômés, ou devenir « sans papiers ». Ce taux a baissé depuis l’abrogation de cette circulaire, mais reste important.
Pour que la situation de l’emploi ne lui soit pas opposable, le diplômé étranger doit cumulativement surmonter un cassis puis, subitement, un dos-d’âne : L’emploi décroché doit être en relation avec sa formation ; et le salaire promis doit en principe être supérieur à 1,5 fois le SMIC. Si un emploi est payé 1800 bruts par mois, le diplômé français pourra l’occuper. Le diplômé étranger lui, avec les mêmes diplômes et les mêmes compétences que le jeune français, devra exiger de l’employeur qu’il lui paye de plus 420,40 euros pour occuper cet emploi. Même s’il est kiroukou dans un conte de fées, il n’y parviendra pas.
Des accords bilatéraux à renégocier urgemment.
Les gouvernements africains doivent renégocier avec la France leurs accords sur la gestion concertée des flux migratoires, afin d’améliorer la situation de leurs étudiants en France, notamment sur l’APS et la non-opposabilité de la situation de l’emploi. A cette fin, je leur propose les pistes suivantes :
- Généraliser la possibilité de faire un changement de statut avec une licence professionnelle ou un diplôme de niveau Master obtenu au pays d’origine, comme l’ont négocié les autorités du Cameroun, du Burkina Faso, de Maurice et de la Tunisie.
- L’étudiant étranger qui sollicite une APS est considéré comme ayant définitivement mis un terme à ses études en France. Cette présomption, devenu irréfragable dans la pratique, doit être levée par la révision des accords susmentionnés.
- Il faut mettre un terme à l’anarchie législative des accords bilatéraux, en uniformisant la durée de l’APS pour tous les étudiants africains. Il faut négocier le renouvellement de plein droit de l’APS pour une durée de 12 mois. La France a accordé cette possibilité aux diplômés indiens en France. On voit mal comment elle pourrait la refuser aux étudiants des pays d’Afrique avec lesquels elle entretient des relations historiques, fraternelles et économiques privilégiées.
- Pour les dérogations à la non-opposabilité de la situation de l’emploi aux diplômés africains en France, il faudra négocier des métiers qui correspondent à leurs profils.
- Il est impératif d’abroger les dispositions insensées des accords bilatéraux qui renvoient au droit français : Une fois ratifié et réciproquement appliqué, le droit issu de ces accords prime sur le droit commun français. Beaucoup de refus de titre de séjour aux étudiants africains sont appuyés sur cette aberration juridique qu’il urge de corriger.
Aliou TALL, Juriste, président du RADUCC. Email : [email protected]