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INTERNATIONAL

38ème Sommet de l'Union africaine : réparations, conflits et développement au centre des débats


Alwihda Info | Par Olivier Noudjalbaye Dedingar, Expert-consultant international, humanitaire et journaliste indépendant. - 19 Février 2025


Cette session ordinaire de l'Assemblée des chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine (UA) s'est tenue les 15 et 16 février 2025 au siège de l'UA à Addis-Abeba, en Éthiopie.


Le président nouvellement élu de la Commission de l'Union africaine, Mahmoud Ali Youssouf (au centre), à Addis-Abeba, le 15 février 2025. PHOTO : AFP
Le président nouvellement élu de la Commission de l'Union africaine, Mahmoud Ali Youssouf (au centre), à Addis-Abeba, le 15 février 2025. PHOTO : AFP
Le sommet de deux jours, auquel ont participé des dirigeants africains et des organisations internationales et régionales, a mis l'accent sur les réparations, l'élection des hauts dirigeants de la Commission de l'UA et les défis continentaux urgents, notamment la paix régionale, le développement économique et le rôle de l'Afrique sur la scène mondiale.

Remédier aux injustices historiques
Le thème du Sommet de l'UA pour 2025 était « La justice pour les Africains et les personnes d'ascendance africaine par le biais des réparations ». Les dirigeants ont évoqué l’idée selon laquelle s’excuser ne suffit pas pour les crimes commis contre le peuple africain. On ne saurait trop insister sur l’importance de remédier aux injustices historiques liées au colonialisme, à l’esclavage transatlantique, à l’apartheid et à la discrimination systémique. Le sommet a fourni une plate-forme de discussion sur la manière dont l’Afrique peut rechercher une justice réparatrice et une plus grande reconnaissance de l’exploitation passée.

Le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, était présent au sommet et a exprimé sa profonde préoccupation quant à l’impact du colonialisme et de la traite transatlantique des esclaves sur le développement de l’Afrique. Il a fait valoir que l’indépendance politique à elle seule ne pouvait pas libérer les nations africaines de l’exploitation structurelle, du dénuement économique et du sous-développement institutionnel.

« Il est grand temps de mettre en place des cadres de justice réparatrice », a affirmé António Guterres, appelant à une action internationale pour corriger les déséquilibres historiques.

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a fait écho à ce sentiment, exhortant les dirigeants africains à tirer parti de la technologie et de l’innovation pour le progrès économique. Il a appelé à une Afrique unie et dynamique, mettant l’accent sur la résilience et le progrès collectif dans un contexte d’incertitudes mondiales.

L'élection des dirigeants de l'UA
L’un des moments forts du sommet a été l’élection de la nouvelle direction de la Commission de l’UA. Le ministre djiboutien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Mahamoud Ali Youssouf, a été élu nouveau président de la Commission de l'UA, tandis que Selma Haddadi, ambassadrice d'Algérie en Éthiopie, a été élue vice-présidente. Leur leadership intervient à un moment crucial où l’UA est confrontée à de multiples défis sécuritaires et économiques qui exigent une gouvernance et un engagement diplomatique efficaces.

Le président sortant de la Commission de l'UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, a prononcé son dernier discours, réfléchissant à son mandat de huit ans. Il a souligné la présence croissante de l’Afrique sur la scène internationale, soulignant que l’adhésion annuelle de l’UA au G20 depuis septembre 2023 constitue une étape importante vers une plus grande représentation du continent dans les forums de prise de décision mondiaux.

"L'adhésion de l'Union africaine au G20 et aux BRICS, dont plusieurs pays africains sont membres, a couronné la visibilité (de l'Afrique)", a-t-il déclaré.

Conflits et défis de maintien de la paix
Le sommet s'est également concentré sur le nombre croissant de conflits au sein du continent. Les discussions ont été dominées par l'escalade de la violence dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), la guerre au Soudan et les implications des réductions de l'aide humanitaire des États-Unis. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, présidé par le président sud-africain Cyril Ramaphosa, a souligné la nécessité de mécanismes solides de résolution des conflits et d’une plus grande implication des dirigeants africains dans la médiation des différends régionaux.

Murithi Mutiga, directeur du programme Afrique de l'International Crisis Group, a averti qu'« avec la prolifération des conflits et l'effondrement des mécanismes traditionnels de maintien de la paix, il est à la fois nécessaire et opportun pour l'Union africaine d'améliorer son jeu ». Il a appelé les États membres de l'UA à assumer une plus grande responsabilité dans la prévention et la résolution des conflits, avertissant que s'ils n'y parviennent pas, « il est fort possible que personne d'autre ne le fasse ».

Un rapport intitulé Huit priorités pour l'Union africaine en 2025, publié par l'International Crisis Group, souligne l'urgence de répondre à la crise dans l'est de la RDC, qui a vu la chute de Goma quelques jours seulement avant le sommet. Le rôle de médiation de l’UA dans le conflit soudanais a également été examiné, les analystes notant que des acteurs extérieurs tels que les États-Unis, l’Arabie saoudite, la Turquie, l’Égypte et les Émirats arabes unis, ont joué un rôle plus dominant dans les efforts de médiation. Toutefois, l’UA a continué à soutenir le processus de paix mené par la société civile soudanaise.

En marge du sommet, le président rwandais Paul Kagame a participé à une réunion spéciale axée sur le conflit en RDC et les allégations de soutien du Rwanda aux rebelles du M23. Le sommet a adopté des recommandations pour un dialogue renforcé entre la RDC et le Rwanda afin de mettre fin aux violences qui ont déplacé des milliers de personnes.

L’agenda économique de l’Afrique : réformes commerciales et financières
Un autre sujet majeur du sommet était l'intégration économique et les réformes financières. Les dirigeants ont déploré la lenteur de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), qui n’a été pleinement intégrée que par quatre pays. Les responsables de l’UA ont exhorté les États membres à accélérer la ratification et la mise en œuvre de l’accord commercial, citant son potentiel à créer des emplois et à stimuler le commerce intra-africain.

L’ancien président sénégalais Macky Sall a réitéré l’ambition de l’Afrique d’assurer une plus grande représentation au sein du G20. Alors que l’Afrique du Sud reste le seul pays africain membre à part entière du G20, les dirigeants de l’UA continuent de faire pression pour une influence collective plus forte dans la gouvernance financière mondiale.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a souligné la nécessité d'un soutien financier pour répondre aux difficultés économiques de l'Afrique, appelant à une « transformation radicale du système financier international ». Il a critiqué l’architecture financière actuelle, qui refuse systématiquement l’allègement de la dette des pays africains et impose des taux d’intérêt exorbitants, qui restreignent les investissements dans des secteurs vitaux tels que la santé, l’éducation et les infrastructures.

Pour lutter contre les inégalités économiques, António Guterres a appelé à la restructuration des institutions financières mondiales afin de donner la priorité aux besoins des pays en développement. Il a également annoncé une allocation d’urgence de 250 millions de dollars du Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) des Nations Unies, pour faire face à la famine et aux crises humanitaires, 12 des 18 pays bénéficiaires étant situés en Afrique.

Changement climatique et transition énergétique juste
Le sommet de l’UA a également abordé la crise climatique, appelant à accorder une attention particulière à la nécessité d’une transition juste vers une énergie propre. L’Afrique, bien qu’elle soit riche en ressources naturelles, est confrontée à d’importants défis en matière d’accès à l’énergie, des millions de personnes manquant d’électricité. Guterres a noté que les pays africains ont besoin d’un meilleur accès aux technologies de stockage par batteries, aux matières premières et aux infrastructures d’énergies renouvelables pour se décarboner efficacement.

Les pays développés ont été invités à apporter un « raz-de-marée de soutien » aux initiatives vertes de l’Afrique. Guterres a salué la stratégie d’économie verte du Kenya, le Partenariat énergétique pour une transition juste de l’Afrique du Sud et l’ambitieux programme de relance verte de l’UA, comme exemples du leadership du continent en matière d’action climatique. Il a également appelé les pays développés à respecter leurs engagements en matière de financement climatique, notamment en matière de financement des pertes et dommages, de financement de l'adaptation et de systèmes d'alerte précoce pour les catastrophes liées au climat.

Le président sortant de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat. Photo : Globalnews.cn
Le président sortant de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat. Photo : Globalnews.cn

Lieu de la 38ème session ordinaire de l'Assemblée des chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine (UA) à Addis-Abeba, en Éthiopie. Photo : Globaltimes.cn
Lieu de la 38ème session ordinaire de l'Assemblée des chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine (UA) à Addis-Abeba, en Éthiopie. Photo : Globaltimes.cn



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