Par Frédéric Couteau, RFI
A la Une : L’expulsion de Laurent Correau (2.13 Mo)
Un journaliste de RFI humilié, frappé et expulsé… Le Tchad ne pouvait pas mieux faire pour rappeler que la liberté d’expression n’existe pas dans une dictature. L’expulsion de notre reporter a provoqué de vives réactions. Au sein de RFI, tout d’abord, qui a fait part de son indignation. Et dans de nombreuses rédactions africaines, à commencer par celle du site d’information tchadien Alwihda : « nous exprimons notre profond regret, écrit-il, pour l’arrestation, l’humiliation et l’expulsion de l’envoyé spécial de RFI, Laurent Correau. […] Nous appelons les autorités sécuritaires de Ndjamena, poursuit-il, à éviter ce genre d’agissement qui ternit l’image de la liberté d’expression au Tchad. »
Le quotidien Le Pays au Burkina laisse éclater sa colère : « un journaliste arrêté et expulsé manu militari, et sans la moindre explication, ce n’est pas qu’en Corée du Nord ou en Russie que l’on voit cela. […] Cette expulsion renforce l’image selon laquelle la démocratie sous Deby est une démocratie en trompe-l’œil. De fait, s’exclame encore Le Pays, qui peut avoir peur d’un journaliste, pour autant que son professionnalisme ne souffre pas de débat, si ce n’est un dictateur ? Il est vrai que l’indépendance qu’affichent généralement les journalistes de RFI dans le traitement de l’information peut parfois mettre mal à l’aise bon nombre de chefs d’Etat africains qui ont plutôt tendance à vouloir contrôler les médias de leur pays. »
Un lien avec l’affaire Habré ?
« Laurent Correau travaillait sur l’affaire Hissène Habré, rappelle pour sa part le quotidienAujourd’hui, toujours au Burkina. Il était à Ndjamena pour préparer une série de reportages à l’occasion de l’ouverture du procès de l’ancien président tchadien, prévu le 20 juillet à Dakar. Pourtant, Idriss Deby avait laissé entendre qu’il n’avait pas de difficultés dans le jugement de ce dossier. Alors, s’interroge Aujourd’hui, Deby n’aurait-il parlé que du bout des lèvres ? Le président tchadien avait-il quelque scrupule à ce qu’un journaliste fouille dans la mélasse de cette affaire ? Ou quelqu’un d’autre éprouverait-il quelques ressentiments à voir des micros s’ouvrir devant les lèvres d’acteurs dont le témoignage pourrait être gênant ? » En tout cas, poursuit Aujourd’hui, « si l’expulsion de Laurent Correau avait pour but de ne pas attirer l’attention sur quelque fait gênant, c’est l’effet contraire qui a été obtenu. »
« Il faut rappeler, relève pour sa part Walfadjri au Sénégal, que Ndjamena avait accueilli, il y a quelques mois, une délégation de journalistes sénégalais pour une série de reportages sur le même sujet, c’est-à-dire le procès d’Hissène Habré. Seulement, à la différence de Laurent Correau, pris en charge par son employeur, donc pouvant prétendre travailler en toute liberté, les journalistes sénégalais, eux, avaient été convoyés par la cellule de communication des Chambres africaines extraordinaires. Des Chambres qui ont reçu une contribution financière de Ndjamena pour juger l’ennemi juré de Deby. Ceci explique-t-il cela ? Une chose est sûre, conclut Walfadjri, le journaliste de RFI n’aurait jamais été expulsé s’il s’était contenté de regarder là où les autorités tchadiennes voulaient qu’il regarde. »
« Que peut bien cacher cette paranoïa tchadienne ? », renchérit L’Observateur Paalga à Ouaga. « Certains, au sein du pouvoir tchadien, se sont-ils subitement sentis menacés par les investigations de Laurent Correau ? Car ne l’oublions pas, rappelle le journal, Idriss Deby a été conseiller militaire, puis chef d’état-major de celui qui est aujourd’hui poursuivi pour “crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de torture”. Si cette voie de fait contre l’envoyé spécial de RFI visait à cacher quelques responsabilités de certains responsables actuels dans ce qui est reproché à l’exilé de Dakar, ce serait vraiment peine perdue. Autant, ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait baisser la fièvre, autant ce n’est pas chassant Correau que l’on dissimulera toute la vérité sur les responsabilités dans l’affaire Habré. »
On fait ce qu’on veut !
Enfin, autre explication, avancée cette fois par le quotidien français Libération et reprise par nombre de médias du continent ce matin : « par cette expulsion, le Tchad aurait voulu envoyer ce “terrible” message à la France, avance Libération, qui cite une source qui connaît bien le fonctionnement du pouvoir tchadien. Voici ce message : “on se fout de la liberté de la presse. On fait ce qu’on veut. Y compris virer sans aucun document officiel et gifler au passage un journaliste de RFI. Car nous vous sommes, à vous Français, indispensables dans la lutte contre Boko Haram et pour la stabilité de la zone Afrique centrale. Attention à ce que vous allez écrire vous, les journalistes français, la prochaine fois, car si ça nous déplaît, on vous expulsera comme le gars de RFI”. »
Le quotidien Le Pays au Burkina laisse éclater sa colère : « un journaliste arrêté et expulsé manu militari, et sans la moindre explication, ce n’est pas qu’en Corée du Nord ou en Russie que l’on voit cela. […] Cette expulsion renforce l’image selon laquelle la démocratie sous Deby est une démocratie en trompe-l’œil. De fait, s’exclame encore Le Pays, qui peut avoir peur d’un journaliste, pour autant que son professionnalisme ne souffre pas de débat, si ce n’est un dictateur ? Il est vrai que l’indépendance qu’affichent généralement les journalistes de RFI dans le traitement de l’information peut parfois mettre mal à l’aise bon nombre de chefs d’Etat africains qui ont plutôt tendance à vouloir contrôler les médias de leur pays. »
Un lien avec l’affaire Habré ?
« Laurent Correau travaillait sur l’affaire Hissène Habré, rappelle pour sa part le quotidienAujourd’hui, toujours au Burkina. Il était à Ndjamena pour préparer une série de reportages à l’occasion de l’ouverture du procès de l’ancien président tchadien, prévu le 20 juillet à Dakar. Pourtant, Idriss Deby avait laissé entendre qu’il n’avait pas de difficultés dans le jugement de ce dossier. Alors, s’interroge Aujourd’hui, Deby n’aurait-il parlé que du bout des lèvres ? Le président tchadien avait-il quelque scrupule à ce qu’un journaliste fouille dans la mélasse de cette affaire ? Ou quelqu’un d’autre éprouverait-il quelques ressentiments à voir des micros s’ouvrir devant les lèvres d’acteurs dont le témoignage pourrait être gênant ? » En tout cas, poursuit Aujourd’hui, « si l’expulsion de Laurent Correau avait pour but de ne pas attirer l’attention sur quelque fait gênant, c’est l’effet contraire qui a été obtenu. »
« Il faut rappeler, relève pour sa part Walfadjri au Sénégal, que Ndjamena avait accueilli, il y a quelques mois, une délégation de journalistes sénégalais pour une série de reportages sur le même sujet, c’est-à-dire le procès d’Hissène Habré. Seulement, à la différence de Laurent Correau, pris en charge par son employeur, donc pouvant prétendre travailler en toute liberté, les journalistes sénégalais, eux, avaient été convoyés par la cellule de communication des Chambres africaines extraordinaires. Des Chambres qui ont reçu une contribution financière de Ndjamena pour juger l’ennemi juré de Deby. Ceci explique-t-il cela ? Une chose est sûre, conclut Walfadjri, le journaliste de RFI n’aurait jamais été expulsé s’il s’était contenté de regarder là où les autorités tchadiennes voulaient qu’il regarde. »
« Que peut bien cacher cette paranoïa tchadienne ? », renchérit L’Observateur Paalga à Ouaga. « Certains, au sein du pouvoir tchadien, se sont-ils subitement sentis menacés par les investigations de Laurent Correau ? Car ne l’oublions pas, rappelle le journal, Idriss Deby a été conseiller militaire, puis chef d’état-major de celui qui est aujourd’hui poursuivi pour “crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de torture”. Si cette voie de fait contre l’envoyé spécial de RFI visait à cacher quelques responsabilités de certains responsables actuels dans ce qui est reproché à l’exilé de Dakar, ce serait vraiment peine perdue. Autant, ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait baisser la fièvre, autant ce n’est pas chassant Correau que l’on dissimulera toute la vérité sur les responsabilités dans l’affaire Habré. »
On fait ce qu’on veut !
Enfin, autre explication, avancée cette fois par le quotidien français Libération et reprise par nombre de médias du continent ce matin : « par cette expulsion, le Tchad aurait voulu envoyer ce “terrible” message à la France, avance Libération, qui cite une source qui connaît bien le fonctionnement du pouvoir tchadien. Voici ce message : “on se fout de la liberté de la presse. On fait ce qu’on veut. Y compris virer sans aucun document officiel et gifler au passage un journaliste de RFI. Car nous vous sommes, à vous Français, indispensables dans la lutte contre Boko Haram et pour la stabilité de la zone Afrique centrale. Attention à ce que vous allez écrire vous, les journalistes français, la prochaine fois, car si ça nous déplaît, on vous expulsera comme le gars de RFI”. »